De l'autobus qu'elle avait pris à la Porte Champerret, le Petit Chaperon regardait défiler les vitrines de magasins. Un cahot lui fit perdre l'équilibre. Tentant de se rattrapper, elle écrasa les pattes d'un loup maigre au cou de chien pelé, qui se dissimulait sous un long pardessus et sous un feutre mou curieusement gallonné.
--- Attention, petite! Tu m'écrabouilles les arpions...
--- Pardon, Messire, je l'ai pas fait en exeprès.
--- Bon. Et où te rends-tu maintenant, ma belle petite fille?
--- Je vais au 39a bis, cour de Rome, appartement 15 (sonner deux fois), pour embrasser Mère-grand et lui porter des rillettes. C'est mère qui les lui a faites!
--- Mmm! Très bon, excellent tout ça. Oh! Déjà mon arrêt. A plus tard, Chapon rouge!
--- Salut! (Vieux dingue! in petto)
Pendant que le loup s'organisait comme chacun sait, le Petit Chaperon ne put s'empêcher d'aller faire un tour aux Galeries Lafayette. Quand, bourrelée de remords, elle courut chez sa mamie, elle fut très surprise de la trouver vivante. Ayant pris des cours d'auto-défense, celle-ci avait maîtrisé le loup, qui gisait dans la cuisine. Alors la mignonne s'approcha de lui et, sans crier gare, le mordit à l'échancrure. «Hé, bourrique de loup, t'aurais pas perdu quelque chose?» Le sang gicla sur son chaperon, le rougit. Des gouttes glissèrent sur les jolies petites tresses blondes, coquelicots parmi les blés.
Cette variante touche un peu à tout mais surtout à l'intertexte. On y retrouve les personnages du conte de Perrault, revus et corrigés par Zazie et Boris Vian.
Le loup ravisseur a pris la place du jeune homme ravissant. Chaperon rouge est son voisin et devient le héros. Le sang gicle sans se poser de question.
J.M.
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