Alcofribas Nasier

Alcofribas Nasier! Je suis, très cher ami,
si heureux de vous voir! J'étais jusqu'à présent
le seul Fou du château, or vous voilà admis,
Reisan Sabir Focla, qui serez, je le sens,
encor plus fou que moi: ami de la sagesse
qui osez mettre ainsi au milieu de son nom
celui du vieux langage auquel, et par paresse,
ont recours les philo sophistes de renom.
Comme je suis un Fou, je me dois de moquer
à la cour assemblée les faux semblants d'idées,
les rêves de grandeur, les gens qui vont piquer
à quelqu'ancien auteur leurs nouvelles idées,
en deux mots comme en cent: les frimeurs, les méchants.
Voilà, mon cher ami, pourquoi je fais ce chant:
Son Altesse Princière saura récompenser
d'un sourire avenant vos illustres pensées,
philosophe sans iste, ami du vrai discours,
Alcofribas Nasier, bienvenue à la cour!


La réponse de maître Alcofribas Nasier

Cher Ami, d'un tel chant suis fort aise,
Enchanté d'une rimaille qui m'aille!
Mais j'aimerais savoir, ne vous déplaise,
À la suite de qui il faut que je déraille.
Car Fou, êtes-vous donc vraiment?
Fou d'échiquier, à l'allure oblique?
Fou à marotte, au rire désarmant?
Fou littéraire? Là, je tique:
Nerval avant vous fut geai rare.
J'ai pour lui les plus grands égards.

Mais au fait, qu'importe?
Le castel m'ouvre ses portes.
Allons donc, ami rieur,
D'un concert rimailleur
Porter à tous joies et chansons,
Réclamant bien haut l'echanson!
Car je t'ai deviné, gentil sire...
J'en suis certain: tu es Fou rire.

Alcofribas Nasier,
Abstracteur de quintessence.

Copyright © 1997 EcoSystématica inc. et Paul Rouelle