L'abominable Fou des neiges.

Depuis sept jours déjà j'ai quitté la vallée.
Point n'ai revu pigeon à la plume bleuie,
aussi cette missive ira par un ruisseau
rejoindre l'eau du lac dans un flacon bouché.

Au début la montée me fut d'abord facile:
un chemin de cailloux par mille pas usés.
De ma harpe celtique un air joyeux jouai,
le ciel était radieux, le Fou était agile.

Mais quelques jours plus tard, je n'ai plus de chemin:
la corne montre encore où il me faut passer,
mais ce sont des névés, glaciers ou même cwm
qu'il me faut jà franchir. Mais qu'est-ce donc qu'un cwm?
Une sorte de cirque aux parois vraiment roides,
en forme de demi-bol empli de brises froides
que nos amis gallois prononcent comme koum,   ;^)
obstacle formidable où je perds bien des heures
et bien de l'énergie à traverser sans heurts.

C'est dans le soir tombant que je suis arrivé
et j'ai planté ma tente à deux pas de ce col
qui fait dans la montagne une étrange fenêtre.
Ce matin au lever je suis allé au col.
J'ai regardé au loin, vers l'ouest et château.
Très loin à l'horizon est un reflet limpide:
son Altesse Princière saura que c'est le lac
qui baigne le Château. Je vois d'ici ruisseau
un peu en contrebas, où je mettrai flacon
avec cette missive ainsi l'onde liquide
portera mon message. ;^)
          J'ai regardé la corne
qui m'indique la voie. Vers le soleil levant
j'ai tourné mon regard: par delà les montagnes
un vert moutonnement - des collines boisées
comme fut en Irlande le comté Donnegal
avant que l'homme blanc n'en ait chassé les elfes.
Presqu'une heure durant me suis tenu debout
au beau milieu du col, contemplant ces forêts...
Quand tout soudainement un lourd piétinement!
J'entends le souffle sourd de la respiration
d'un être hors d'haleine et faisant des efforts.
Quelques chuchottements, qui se rapprochent encore.
Peut-être un bruit de voix, tintements métalliques,
cliquetis de clochettes - serait-ce un convoi?
Sur le col je m'avance, mais ne vois rien à l'est.
Je me retourne alors, mais rien n'est à l'ouest.
Et pourtant près de moi j'entends tout ce travoi!
Le son vient de la roche, qui vibre sous mes pieds...
cette étrange montagne serait-elle habitée?
Est-ce que quelques nains l'auraient déjà percée?
Le bruit déjà s'éloigne et le silence n'est
troublé que par le vent...
          Après un long moment,
je revins à ma tente et pris mon déjeuner.
L'air est vif aujourd'hui et le vent bien coupant.
Je vais signer ma lettre et fermer le flacon,
descendre au ruisseau et larguer mon message,
puis plierai ma tente et d'un pas voulu sage
je franchirai le col.
          Milles adieux, Altesse,
milles adieux aussi aux amis de la cour:
sur ce prochain versant j'aurai fort peu de chances
de pouvoir envoyer au Château des nouvelles
de votre très aimant
          Fol, Fou du Château d'A,
parti en quête de la belle Kirin.

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