Voici d'autres procédés utiles pour la composition de chansons. Les exemples et définitions
se trouvent dans la Clé (www.cafe.edu). Sans doute y en a-t-il davantage dans votre mémoire, tirés
de votre propre expérience, et ce n'est pas la quantité qui importe, mais ce que vous pourrez en
faire.
Partons de la chanson médiévale, qui est le début de la rencontre de la chanson avec la
langue française. Ce n'est pas un début absolu mais déjà un aboutissement car une longue
tradition musicale, poétique et rhétorique la prépare et la domine. C'est une tradition extrêmement
présente, car le trouvère a souvent fait ses classes, et même enseigne, parfois pédantesquement.
Le médiéval est scolaire mais cela ne l'empêche pas de raffiner dans l'originalité. Il recueille
soigneusement ce que le passé n'a pas effacé mais il se permet aussi d'inventer très librement.
Les poètes chanteurs sont appelés trouvères au Nord, troubadours dans le Midi. Le mot vient du
verbe trouver, ce sont ceux qui trouvent des formes, musicales et littéraires. Ils sont au croisement
de deux tendances contradictoires : le sublime qui, dans la tradition gréco-latine, arabe et
byzantine, caractérise tout discours écrit (digne d'être fixé et repris par tous) et la simplicité de la
langue vulgaire (le français est le jargon du peuple). Cela donne des figures complexes
(comparaison figurative, métaphore, allégorie, énantiose, hyperbole, hypotypose) mais une mise
en situation triviale (galanterie, grivoiserie, rivalité, effronterie, exagération). Curieux assemblage,
qui marie l'accent oratoire à la chansonnette, l'allusion littéraire à la chanson à danser,
l'intertextualité au poème de circonstance.
Deux traditions : les jeux floraux de Toulouse, tournés vers la beauté de l'aimée (Laure de
son prénom) et le Puy de Rouen, où les thèmes et figures sont les mêmes, si ce n'est qu'ils
s'adressent à la Vierge (Marie). De part et d'autre, engagement personnel, mot-thème, leitmotiv,
amour-passion, utopie, érotisme qui peut virer soit à la turpitude, soit au contraire à l'effusion et à
l'extase, exclamation, transport, épanchement, sentimentalisme, sentiment de malchance,
nostalgie, mélancolie, tristesse ou gaîté, désenchantement, désillusion, amertume, regret, plainte,
lamentation... Les concours organisés déteignent sur les oeuvres qui mettent en scène les
concurrents (jeu-parti, joute, tenson, comme déjà dans les Bucoliques de Virgile). Les
affrontements se font avec invectives, diatribe, ironie et moquerie, satire. Même le public est
mentionné dans le poème chanté. Son avis est apporté par des rumeurs. C'est devant lui que
chacun peut chercher sa justification. Ultérieurement, c'est de lui qu'il peut espérer la consécration
de la victoire. Aussi ne ménage-t-il pas (à l'instar des anciens rhéteurs devenus rhétoriqueurs) les
figures de style et d'abord l'éthopée. Il s'agit d'établir sa supériorité comme on a déjà établi
l'infériorité du rival. Éloge, célébration, admiration, litote... Recherche de la quintessence de toute
vertu (sous l'influence de la dialectique et de la théologie médiévales).
Mais c'est du côté de la beauté formelle que, comme le rocker appuyé sur sa batterie, le
trouvère travaille le plus intensément. Sa diction est mélodieuse et il s'accompagne d'un instrument
à corde (vielle, viole, luth, théorbe, dulcimer). La pastourelle conte les plaisirs de jolies rencontres
entre chevalier et bergère mais le canso, ou grand chant courtois, traite d'amour entre un chevalier
et sa dame, sur un ton élevé, avec pour ornement des vers rimés de manière complexe (rime
couronnée, équivoque, annexée, batelée, enchaînée, serpentine) et taille (forme fixe, césure
strophique médiane, avancée, différée, couplet et refrain, envoi, tierce rime, rime senée). Au XIe
siècle, mélodie et rythme sont simples (monodie, monorythmie) mais expressifs. Ils sont proches
du grégorien (récitatifs) et visent à créer un climat d'euphorie par la beauté de la courbe mélodique
et par la régularité des cellules rythmiques (euphonie, harmonie, eurythmie). Une certaine lenteur
et le choix d'instruments nouveaux ont pour but de plonger les auditeurs dans une sorte de rêverie
mystérieuse (larghetto, dépaysement sonore). Il y a aussi de la récitation sur fond musical, et des
formes intermédiaires (mélisme, écho rythmique, ma si que no).
Reste-t-il aujourd'hui quelque chose de la chanson médiévale?
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