Module 12. L'Argumentation. 74 interactions. 70 QCM.

Antiquité de la dialectique.

Un argument a sa visée. Le choix de son sujet indique déjà tant soit peu les intentions d'un auteur. Les positions des antagonistes s'affrontent dans les termes de la problématique. Une dialectique est en train de se développer. Mais discuter des raisons, les opposer, en comparer le poids, est-ce une activité récente ou déjà antique?
Réaction 1


Elle remonte au moins à l'invention de la démocratie (25 siècles). Le discours cicéronien a imprimé sa marque de Rome à nos jours. La rhétorique en a été la forme obligée avant d'en devenir la déformation sclérosée. C'est devant un jury, au tribunal, que la rhétorique, née avec le besoin d'argumenter, a toujours excellé, ou sévi, jusqu'au ridicule de la grandiloquence. Du judiciaire, elle a déteint sur le discours public en général, sur le théâtre, sur le roman, sur la conversation noble, dès Aristophane et jusqu'aux XVIIe - XVIIIe siècles, en Italie, en Espagne, en France, en Angleterre, en Allemagne... et dans leurs colonies culturelles, avant que ne s'insinuent le naturalisme, le surréalisme, le structuralisme, qui ont évacué la rhétorique.

Quand sent-on le besoin d'argumenter?
Réaction 2


Quand il faut se justifier, donc dans les cours de justice et les cabinets d'avocats. Les premiers recueils de lois servaient simplement de guide aux princes, qui rendaient une justice discrétionnaire. Ils vont devenir des recueils de principes et la base d'une argumentation à la faveur de l'avènement de la démocratie, à Athènes mais surtout à Rome (jurisprudence, formalisme). Cicéron est avocat de métier. Le droit romain est le fondement de la paix romaine, étendue aux limites de l'Empire. Au Moyen Âge, la logique (grecque, arabe, puis scolastique) prête son concours à une première formalisation du raisonnement juridique. Pour mieux en fixer les principes, on crée des adages (Donner et retenir ne vaut. Favoriser est défavoriser. Le mort saisit le vif.) Une logique moderne, symbolique, qui a débuté avec Lewis Caroll, vire si nettement à la mathématique qu'elle devient pratiquement inutilisable dans la pratique et les avocats se tournent aujourd'hui pour les besoins de leurs causes vers la psychologie voire une néo-rhétorique (ne l'ayant jamais tout à fait abandonnée). Comment ne pas se tromper quand le raisonnement porte sur un nombre de variables excessif? C'est un besoin essentiel et il y a encore de beaux jours en perspective pour une rhétorique argumentative, formalisée ou non.

Bibliographie.

PERELMAN, Chaïm et L. Olbrechts-Tyteca, Traité de l'argumentation. La nouvelle Rhétorique. Bruxelles, Éd. de l'Univ. de Bruxelles, 1970, 734p.

PERELMAN, Chaïm, Logique juridique : nouvelle rhétorique, Paris, Dalloz, 2e éd., 1979.

JOHNSON R.H. & J.A. BLAIR, Logical Self-Defense. Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1977, 236p.

CHARAUDEAU, Patrick, Grammaire du sens et de l'expression, Paris, Hachette, 1992, 927p.

FLORESCU, Vasile, la Rhétorique et la néorhétorique, Paris, les Belles-Lettres, 1982.

Cause et raison.
-- Pourquoi ne vient-il pas? -- À cause de son travail. --- Il doit travailler: voilà la raison.


Une simple cause, par exemple physique, est-ce un argument?
Réaction 3


Pour qu'il y ait argumentation, il faut une visée. On a quelque chose à prouver. L'homme paraît, l'individu s'affirme, tout s'oriente en fonction des buts possibles de chacun : événements, objets, observations, mouvements, paroles sont interprétés illico en fonction du tort ou de la raison qui peuvent en résulter pour les intervenants. La cause est du côté des mouvements et donc des faits; la raison, du côté des personnes et donc des concepts (dans le trapèze sémantique). On va vers des raisons quand on est en mal d'argument; vers des causes quand on est en mal de preuves.

Dans quels types de textes trouver des arguments explicites?
Réaction 4


Ceux qui font référence aux lois et aux opinions, sources reconnues de la valeur des arguments. Discours publics, articles de fonds des journaux et revues. Un discoureur efficace se tient au courant constamment.
Dans une dissertation, vous désirez démontrer une de vos hypothèses. Vous allez avoir à recourir à des arguments ______ et suffisants.
1 implicites
2 explicites
3 indiscutables
4 (1, 2 et 3)
Réaction 5


Les meilleurs arguments ne sont pas, comme on pourrait croire, les plus indiscutables? Comment persuader alors? Peut-on s'abstenir de persuader? Y a-t-il des comportements en public qui échappent aux valorisations argumentatives? Ou bien prouve-t-on toujours quelque chose même malgré soi?
Réaction 6


Sartre a soutenu que même le chasseur de papillon faisait de la politique : en refusant de s'engager, il fait le jeu des pouvoirs en place. Ainsi a-t-il rendu indispensable de s'engager politiquement. «Si vous ne vous occupez pas de politique, la politique s'occupera de vous» dit très justement le slogan de l'époque. Mais cela revient à dire que toutes les abstentions ont la même signification. Par exemple, faut-il mettre dans le même sac les jeux de langage et la poésie (engagée mais à quoi)? Et suffira-t-il d'un soupçon pour démontrer l'hypocrisie d'un publication poétique (qu'on prétend désengagée mais sans le prouver)?
Réaction 7


En toute circonstance, il faudrait se demander : «À quoi ça rime?» La rime en question n'est pas seulement la forme poétique. À quoi ça rime est une locution idiomatique qui sert à désigner ...la visée! Et celle-ci, comme l'engagement, dépend justement de la situation. Peut-être la visée, où qu'on la trouve, dépend-elle même aussi de celui qui la trouve, et de quelqu'un qui a quelque chose à démontrer...

On peut donc préciser. Il y a ici trois choses. La thèse (intention de l'acte), qui dépend finalement de celui qui a le dernier mot (vous même). L'argument (principe rationnel), déposé dans la logique de l'opinion publique. Et la preuve (matérielle), qui est fournie ou à fournir.

L'argument serait donc entre la visée et la preuve?
Réaction 8


De lui dépend la pertinence de la preuve. Si le revolver était dans les bagages du prévenu, ce n'est pas nécessairement lui qui a eu la stupidité de le laisser traîner là. L'argument est la trace rationnelle et la preuve la trace matérielle de la démonstration, exécution détaillée de l'intention. Celle-ci définit l'être humain dans un cadre existentiel. L'intention anime un action en situation.

On peut remarquer le parallélisme, évoqué plus haut, de ces trois aspects complémentaires de l'argumentation et des trois propositions du syllogisme.

Dès à présent, cette distinction nous offre un moyen rapide de mettre le doigt sur des développements intéressants. On peut identifier les actes de parole du point de vue de leur force démonstrative, et se demander si ce sont des visées, des arguments ou des preuves.
Les bruants (moineaux) qui picorent dans le crottin de cheval, est-ce qu'ils tombent morts?
1 Problème.
2 Simple question.
3 Argument.
4 Preuve.
Titre en deuxième page : Les cas de troubles comportementaux ont triplé au primaire.
1 La visée est de mettre le Ministère en face de ses responsabilités.
2 Argument : Comment les coupures budgétaires n'auraient-elles pas leur effet sur le climat des classes?
3 Antagonismes : les élèves / les enseignants.
4 Preuve, car une telle augmentation oblige à trouver de toute urgence le remède efficace.
Réaction 9


On distingue donc la thèse (une visée, souvent implicite), l'argument (une idée, de forme prédicative) et la preuve (une constatation, qui peut impliquer tout le reste).

La thèse est dans la conclusion (opérateur: donc, en somme, en définitive). L'argument est dans les prémisses, sous la forme d'un postulat (majeure universelle, par exemple négative, ou avec un quantificateur comme tout, tous les). La preuve entre dans le raisonnement sous la forme d'une mineure particulière (opérateur or).

On fera bien de s'exercer à classer dans ces trois catégories les éléments de raisonnement qui se rencontrent dans les éditoriaux ou les conversations. Voir ci-dessous, application 1.

Quel raisonnement est-ce?

Dans la vie courante, la superposition des paradigmes oblige à des analyses qui ne sont pas des pertes de temps.
--- Tu as pris l'apéro? --- On ne peut rien te cacher... Cette réponse équivaut à ________.
1 «ce n'est pas moi qui te le dirai»
2 «je vais être obligé de l'avouer»
3 «tu as bien deviné»
4 «non!»
Réaction 10


Décoder est relativement facile. Extraire un postulat, voire un syllogisme implicite, l'est moins.
Geneviève, trois ans, déclare: "Ma petite soeur n'a pas de dents, elle ne peut pas mentir". Quel pourrait être le raisonnement implicite à cette déclaration inattendue?
1 Postulat: les gens qui n'ont pas de dents ne peuvent pas mentir.
2 Postulat: ce sont les dents qui sont la cause des mensonges.
3 Induction: il faut être déjà grand pour être capable de mentir.
4 Il n'y a pas de raisonnement implicite, il s'agit seulement d'une absurdité enfantine.
Réaction 11


Avec les postulats, on remonte à des principes qui ont la particularité de ne pas être démontrables. On verra que la plupart des principes n'ont de stabilité que dans l'opinion publique. Mais avec l'induction, on découvre des règles. La visée est une systématique des raisons.

Il y a donc deux (et même trois) types de déroulement dans le raisonnement. Inductif en sciences, déductif en logique; et autrement, en littérature et dans la vie courante : analogique.

Dans une induction, on cherche à expliquer les choses à partir de l'observation des faits.
Ex. Il devait avoir eu peur, pour se précipiter si honteusement.


On suppose que l'observation d'un grand nombre de fuites a permis de relever un nombre égale de sentiments de peur. Mais si on «lu» la peur dans la façon de fuir, ce n'est plus une induction scientifique : c'est un raisonnement analogique.

Définition Analogie: «raisonnement dans lequel, à partir d'une ressemblance entre deux objets très éloignés par ailleurs, on opère entre eux un rapprochement».
Ex. -- Le jeune homme au long cou a été comparé à la girafe. -- Pourquoi pas au périscope?

Le crayon est dirigé par la main et la maîtrise des mouvements manuels vient d'un apprentissage musculaire; il s'ensuit que l'apprentissage musculaire est nécessaire pour diriger un crayon. De quel type est ce raisonnement?
1 Déductif
2 Inductif
3 Analogique
4 (Autre chose)
L'avenir ne peut s'anticiper que sous la forme du danger absolu. Il est ce qui rompt absolument avec la normalité constituée et ne peut donc s'annoncer, se présenter, que sous l'espèce de la monstruosité. (Derrida)
1 Induction.
2 Déduction.
3 Analogie.
4 Synthèse.
"La rareté de l'or et du platine a sans doute été déterminante dans le choix de ces métaux pour soutenir les monnaies nationales." On a ici un raisonnement ________.
1 déductif
2 inductif
3 analogique
4 (Autre chose)
Réaction 12


Dans l'induction, on remonte de cas particuliers à une loi concernant tous les cas de cette espèce. Comme le raisonnement policier, le raisonnement scientifique part d'une série d'indices ou d'observations, émet une hypothèse, infère une constante. La vérification de l'hypothèse s'obtient en la confrontant à des faits nouveaux. Les formules de la statistique vont avoir un rôle à jouer car il est rare que tous les cas soient suffisamment probants.
Les réalisations du dernier gouvernement sont nombreuses: loi linguistique, assurance-automobile, zonage agricole, etc. On les a interprétées en sens divers. Le succès du parti en a souffert. Les partielles de Valleyfield seront un indicateur à ne pas négliger. On a ici principalement deux types d'argument, ________.
1 l'exemple et la description
2 l'exemple et l'évocation des conséquences
3 la recherche des causes et l'incompatibilité
4 la définition et l'argument d'autorité
Réaction 13


On a caractérisé des types d'argument en fonction du déroulement de la démonstration, inductif, déductif ou analogique (comparaison, similitudes). Le modèle inductif prévaut dans les sciences exactes comme la physique ou la chimie mais le modèle déductif prévaut en mathématiques ou en philosophie scolastique. En réalité, aucun des deux modèles n'est jamais exclusivement utilisé car l'induction est nécessaire pour accéder à la loi générale et la déduction ne l'est pas moins pour vérifier l'extension des conclusions.

Mais on a vu aussi des arguments prendre la forme de description, d'exemple, de citation, de recherche des causes ou des conséquences, de définition... L'important est de trouver la conclusion pertinente.
Une canaille n'a pas de conscience. Abel Hermant est effrayé de voir ce qu'il y a dans sa conscience. Donc ______.
1 A. H. n'est pas une canaille
2 un honnête homme n'a pas de conscience
3 un honnête homme est une canaille
4 la conscience d'une canaille a qqch. d'effrayant
Réaction 14


Le raisonnement est déductif (Une canaille n'a pas de conscience est une majeure universelle car une est pris en général). Il est important de bien lire les prémisses avant de choisir une conclusion.
Eux, c'était des sympathisants: ils tapaient du pied. L'argument est ______.
1 une analogie
2 un argument ad hominem
3 une présomption
4 un argument d'autorité
Réaction 15


Que pensez-vous de vérifier l'autorité des majeures universelles, puisqu'il est impossible de les démontrer? D'où vient la véracité qui leur est attribuée sans trop y penser?
Sur quel argument s'appuie le message commercial: "Les truites "Schubert" sont plus fraîches, les pêcheurs eux-mêmes vous le diront"?
1 un argument de tradition
2 un argument d'autorité
3 un glissement de sens principal
4 un argument rationnel
Réaction 16


L'argument d'autorité est des moins sûr mais il n'est pas le seul à manquer son but.
"(...) Ils ont de méchantes mamans qui ne s'occupent pas assez d'eux, (...) qui leur laissent faire de la bicyclette. ça n'a que deux roues, ça ne tient pas en équilibre tout seul, et elles voudraient que ça tienne mieux, les sans-cervelle, avec un malheureux enfant dessus!" Ce raisonnement est ______.
1 analogique
2 faux
3 déductif
4 inductif
Réaction 17


Y a-t-il des arguments implicites?

Les relations logiques sont présentes, même sans opérateurs, par simple juxtaposition, dans toutes les conversations.
Son mari boit. Elle y a fait allusion devant moi plusieurs fois, récemment. Laquelle des réponses possibles présentées ci-dessous constitue un argument?
1 Tu l'as déjà vu picoler, toi?
2 Serait-elle en train de le prendre en grippe?
3 Il est vrai qu'il s'administre trois ou quatre bières par jour...
4 Pourtant, elle savait déjà parfaitement à quoi s'en tenir avant son mariage.
Réaction 18


Il n'est pas toujours facile, ni évident, de saisir les implications.

Publicité des forces armées. Le littoral canadien étant très long, maintenir la sécurité du transport maritime offre de nombreux défis. Lesquelles des implications suivantes sont réellement contenues dans cette annonce? a) Plus le littoral est long, plus le transport maritime est risqué. b) Le transport maritime est plein de dangers. c) Relever des défis est gratifiant. d) Le maintien de la sécurité offre des défis. e) L'armée s'occupe du transport maritime.
1 b, c, e
2 a, d
3 a, c, d
4 (Autre chose)


Dans la QCM ci-dessus, relever les implications qui vous paraissent contestables.
Réaction 19
Réponse. (a, b, e).
Expl. C'est l'importance du trafic maritime plus que la longueur des côtes qui accroît, semble-t-il, les risques (a). Avec le radar, la radio et les sondes électroniques, les risques sont tout de même plus réduits qu'autrefois (b). L'armée s'occuperait davantage de la défense du territoire (e).


Chaque interlocuteur peut comprendre à sa façon.
Publicité: Avec NIVÉA, votre peau reste belle en bronzant.
1 Elle l'est déjà, semble-t-on dire. Flatterie implicite.
2 Sans NIVÉA, elle pourrait être abîmée. Sollicitude. Inquiétude attentive.
3 Avec une autre crème, il y aurait des risques. Compétition sournoise.
4 (N'importe)
Réaction 20


Il importe d'autant plus de mettre à jour l'argument implicite.
La femme est différente de l'homme... Heureusement! Un fait est suivi d'une exclamation qui exprime une visée. Mais quel serait l'argument implicite?
1 Un homme, contrairement à ce que l'on pense parfois, ça ne vaut pas grand-chose.
2 Qu'il n'y ait pas de différence serait malheureux.
3 On s'en doutait. Cela ne nous apprend rien.
4 (N'importe)
Réaction 21


Pour choisir parmi les implications, tenir compte de la visée, de la situation, et des personnes.
"La pierre qu'avaient rejetée les maçons est devenue la pierre d'angle" (Jésus de Nazareth). Cet apophtegme implique: ________.
1 que les maçons ne savent pas leur métier
2 que l'individu peut avoir raison contre la société
3 que personne ne connaît l'avenir
4 (Autre chose)
Réaction 22


On distingue donc le fait, la vérité et la présomption.
Lors d'une expérience en laboratoire, le technicien constate que les animaux deviennent hyperactifs. Ce comportement, conclut-il, est provoqué par une drogue qui vient de leur être injectée. Ce disant, il énonce ________.
1 une présomption
2 une vérité
3 un fait
4 un lieu commun
Réaction 23


Souvent, il s'agit de vérifier l'interaction de deux propositions. C'est revenir sur les prémisses des syllogismes. Le moindre acte de parole (Bang! fait le convoyeur pour souligner les trous de la route) suffit à rendre présent un fait, qui prouve qu'il faudrait ralentir, parce que les amortisseurs pourraient se briser (argument).

Si vous aimez la rigueur du syllogisme, voici quelques indications sur la manière de les établir dans les situations les plus diverses.

Majeure et mineure du syllogisme.

On a vu plus haut (module 8) que le raisonnement logiquement complet est redondant : chaque partie d'assertion y apparaît deux fois et il y a au moins trois assertions: majeure (vérité générale), mineure (particulière) et conclusion. Exemple.
Les dos d'âne et les nids de poule peuvent briser les amortisseurs. Or tu fonces sur un mauvais chemin. Tu risques donc de les fissurer.


La partie qui est commune aux deux prémisses (majeure et mineure) est appelée moyen terme (ci-dessous : les trous de la route). Les deux autres parties des prémisses sont reprises dans la conclusion (ici: «toi» et «briser»).
Les routes sont défoncées. Tu vas briser les amortisseurs à cette vitesse-là!
1 Il n'y a ici aucun raisonnement.
2 C'est un enthymème à majeure implicite.
3 C'est un enthymème à mineure implicite.
4 C'est un raisonnement complet.
Réaction 24


Cet enthymème, étant en situation, a une visée qui dépasse sa conclusion : «Ralentis!»

En voici d'autres. Dans le premier, c'est la majeure qu'on exprime et la mineure qui est implicite.
«Ceux qui ont menti ne méritent plus confiance; donc, nous ne vous croyons plus» dit qqn lors d'une négociation commerciale. La conclusion est ________.
1 valide, car on sous-entend la majeure
2 valide, car on sous-entend la mineure
3 invalide, car il manque la majeure
4 invalide, car il manque la mineure
Il est malade. ___ il continue à travailler...
1 Et
2 Or
3 (N'importe)
4 (Selon la nuance de sens)
Disposer en syllogisme. Beaucoup d'ouvrières élèvent aussi des enfants. (A) Le travail à l'extérieur est devenu un problème pour toutes les familles. (B) Qu'elles soient caissières à temps partiel ou cadres superdébordées, les femmes ont les mêmes difficultés à concilier leurs différents rôles. (C)
1 ABC
2 CBA
3 BCA
4 BAC
Réaction 25


Analyser les implicites est bien. Mais il est possible d'aller plus loin. Peut-on inventer de nouveaux arguments? C'est plus facile à faire qu'on ne croirait. Les Anciens ont mis au point une topique très judicieuse...

Les lieux de l'argumentation.

Il faut avoir défriché un domaine et disposer de fiches, pour donner du contenu, mais pour réunir tous les arguments possibles, inventer ceux qui manquent et tout classer, il suffit de recourir à l'immémoriale méthode des lieux communs au sens strict du mot. Ils sont au nombre de cinq. On les appelle communs du fait qu'ils peuvent s'appliquer en toute circonstance, quel que soit le sujet.
Un médecin qui s'acharnait à prolonger un mourant: «Nous sommes là pour protéger la vie». A quel lieu ressortit son argument?
1 L'essence.
2 L'ordre.
3 Les conséquences.
4 La qualité.
Ricardo à Galien: --- Marylin Monroe me fascine toujours, c'est le nec plus ultra des sex-symbols. Si on se réfère à la classification d'Aristote concernant la façon de former des arguments, celui de Ricardo appartient au lieu de ______.
1 la qualité
2 l'ordre
3 l'existant
4 l'essence
Réaction 26


Sans le metteur en scène qui organise les symboles, M. M. ne serait plus M. M... Le critère du manque s'appliquerait.

Voici d'autres «lieux» argumentatifs.
--- Tu vois: sous l'évier, il y a un col-de-cygne. On fait tourner le tuyau pour qu'on puisse accrocher un torchon. --- Ça m'étonnerait. Il doit y avoir une autre raison. Un crochet suffirait. L'argument trouvé appartient au lieu ______.
1 de la quantité
2 de la qualité
3 de l'existant
4 de l'essence
Réaction 27


On voit ici l'excès et non le manque, produisant le même effet, empêchant de voir cette fonction comme essentielle..
Le phénomène des incendies criminels est difficile à résorber ________. Lequel des arguments ci-dessous serait un lieu de l'essence?
1 à cause de la diversité des intentions et des motifs
2 parce qu'on ne parvient à arrêter que 2% des coupables
3 : l'urgence est de lutter contre la drogue et l'alcool au volant
4 : depuis dix ans, le nombre des incendies n'a cessé de croître
Réaction 28


Identifier les quatre arguments suivants du point de vue de leur lieu.
La fondation d'une société de fabrication de poupées suscita une vive opposition. Identifiez les types d'argument. 1. La fabrication en série va faire perdre ce qui donnait un caractère distinctif à chaque poupée. 2. A jamais l'histoire de la poupée va être changée. Que deviendra-t-elle? 3. Pourquoi acculer des fabricants renommés à la faillite? 4. On risque de voir se développer de l'animosité entre les fabricants.
1 Lieu de l'existence, de l'irréparable, de la qualité, de la personne.
2 Qualité, existence, irréparable, personne.
3 Irréparable, qualité, personne, existence.
4 Qualité, irréparable, existence, personne.
Réaction 29


Lieu de l'irréparable. «Maintenant ou jamais» est le lieu de l'occasion unique, qui sera irrémédiablement perdue. Il se rattache à l'existence (sous l'angle de l'avenir).

Quoi de plus commode que de se préparer ainsi, à toute fin, une panoplie d'arguments possibles? Il suffit d'y penser en jouant sur les «lieux»!
«Profession: épicier» annonce une chaîne d'alimentation.
1 Visée.
2 Argument de l'existence.
3 Argument de la qualité.
4 Argument de l'essence.
Les Indiens sont les «premières nations». C'est donc à eux, avant les Québécois, que le Canada devrait octroyer leur indépendance.
1 Argument de l'ordre.
2 Paralogisme. Il n'y a aucun rapport.
3 Il serait plus logique de commencer par remédier aux injustices les plus récentes.
4 L'argument de l'ordre n'est pas nécessairement chronologique.
Les profits ont disparu mais il ne faut pas arrêter la production. La machinerie n'est pas amortie. Les nouveaux modèles sont tellement supérieurs qu'il est impossible de la revendre. Acquérir ces nouveaux modèles ne ferait que creuser le déficit. L'argumentation repose sur le lieu ______.
1 de la qualité
2 de l'existant
3 des conséquences
4 du gaspillage
Le Québec doit-il être reconnu comme "société distincte" au sein de la confédération? Catégorisez les arguments suivants. 1. C'est la seule province à concentration francophone majoritaire. 2. On évitera ainsi le séparatisme. 3. Le concept de "société distincte" serait en contradiction avec la charte des droits et libertés. 4. N'étant pas concrètement définie, c'est une notion qui ne donne aucun pouvoir.
1 Qualité, existence, essence, finalité.
2 Finalité, quantité, qualité, gaspillage.
3 Quantité, qualité, finalité, essence.
4 Quantité, finalité, essence, qualité.
Identifiez, parmi les arguments suivants, ceux qui ressortissent au lieu de l'existant. a) L'euthanasie est légalisée aux Pays-Bas. b) Laisser mourir n'est pas la même chose que tuer. c) L'acharnement médical est cruel. d) Beaucoup de médecins ont affaire à des mourants quotidiennement. e) Il n'y a rien de plus précieux que la vie.
1 a b c d e
2 (Aucun)
3 a d e
4 d
Un menuisier doit rénover vos armoires de cuisine. Vous convenez du prix mais il vous dit: Pour le délai, vous savez, moi, je travaille mieux et plus vite quand il n'y a pas de délai... De quel argument s'agit-il?
1 Ad hominem car il est axé sur la personne de l'interlocuteur.
2 Lieu de la quantité: il ira plus vite.
3 Présomption de crédulité naturelle. Il s'attend que vous lui fassiez confiance.
4 Lieu de l'essence. Il s'arrange pour aimer ce qu'il fait. C'est ça, l'essence du travail...
Réaction 30


Comment lier les arguments (leurs opérateurs).

Ce qui permet de préciser le rôle énonciatif des actes de parole en général, ce sont des syntagmes ou des qualifiants (En effet... Précisément...) Les arguments ont des opérateurs eux aussi mais ils sont souvent implicites. La position de l'assertion est déjà significative. Un opérateur explicite est un avantage. Nous allons tenter de faire le tour des principaux opérateurs disponibles, avec des exemples. Mais voyons d'abord le rôle que peut jouer le simple emplacement respectif des assertions.
Je vais prendre un coup de soleil sur le nez. Je crois que le soleil est trop ardent ________ je n'ai pas apporté mon parasol. Comment marquer la relation?
1 et d'ailleurs
2 et
3 (Selon le contexte)
4 (Autre chose)
Réaction 31


La simple juxtaposition suffit souvent à créer, entre deux propositions, plusieurs types de rapport: addition, consécution, opposition parfois cause, conséquence...
Indiquez le rapport logique prédominant: "En mai 1981, Yves a reçu son diplôme de maîtrise; il avait précédemment obtenu son diplôme de baccalauréat."
1 Consécution.
2 Causalité.
3 Implication.
4 Addition.
Réaction 32


La position respective des arguments est aussi très importante. Au début du raisonnement déductif prend place tout naturellement la majeure. Pour bien placer ses propositions, on vérifie leur rôle, c'est-à-dire leur place dans le raisonnement implicite.
Dans quel ordre les trois propositions suivantes seront-elles le mieux placées? a Les chefs de tribu, vers les années 1840, ont favorisé l'esclavage. b Ce n'est pas d'aujourd'hui que datent les difficultés. c L'Afrique est mal partie depuis plus d'un siècle.
1 a. b. Donc c
2 b. a. Donc c
3 a. c. Donc b
4 b. c. Donc a
Réaction 33


Curieusement, l'esprit du temps semble confondre prévision et causalité.
Réaction 34


Les segments énonciatifs (il dit que et tout ce qui indique la manière de dire) modalisent (possibilité, contingence), mais il suffit d'un adverbe, même inséré entre virgules, pour effectuer la même chose qu'une proposition principale. On a même des adverbes construits avec que, comme des propositions (Heureusement que... = il est heureux que).
Il vous a invité au restaurant? Tiens, il est arrivé en retard? Dix minutes? ______ vous avez fait le pied de grue devant la porte.
1 Manifestement
2 Évidemment
3 Décidément
4 Effectivement
Réaction 35


Évidemment renvoie implicitement à une sorte de principe dont on peut déduire le texte ou simplement qqch. d'excessivement facile à comprendre. Avec évidemment on s'excuse d'être banal. Toutefois, quand ce qui suit n'est pas simple, l'interlocuteur n'ose demander d'éclaircissement. Il paraîtrait borné. Cet opérateur a donc parfois un effet peu rassurant.

Alors qu'évidemment désigne qqch. qui se montre (aux yeux de l'esprit), donc plus qu'une certitude, manifestement désigne qqch. qui se montre au moment où l'on parle.
J'avais déjà commencé à manger lorsqu'il est entré une femme qui m'a demandé si elle pouvait s'asseoir à ma table. ______, elle le pouvait (Camus).
1 Effectivement
2 Décidément
3 Naturellement
4 Évidemment
Le miracle de l'apparition de la vie sur la terre, nous n'en connaîtrons jamais tous les détails. ________ pouvons-nous espérer qu'un jour la science sera capable de démontrer de façon plus convaincante les mécanismes de l'évolution.
1 Tout au plus
2 Au moins
3 Du moins
4 À la rigueur
Locke ridiculise les arguments religieux invoqués par les monarchistes pour défendre le pouvoir arbitraire du roi. _____ Locke était très croyant lui-même.
1 C'est pourquoi
2 D'ailleurs
3 Du moins
4 (Autre chose)
Rousseau croit que la religion est très utile à l'État ______ elle rend les citoyens plus conscients de leurs devoirs et les y incite.
1 dans le sens qu'
2 en ce sens qu'
3 . En un sens,
4 . Autrement dit,
Réaction 36
Les salaires des fonctionnaires de la zone franc CFA seront gelés pour plusieurs mois.
________ ceux de l'année ont été versés.
________ ils seront versés avant les vacances annuelles.
________ les investissements de l'État sont fortement réduits.
________ ils seront jamais versés.
________ ceux de l'année écoulée n'ont pas été versés.
________ ils vont toucher les arriérés de l'année écoulée.
Répartir.
1. Il est vrai que
2. Cela ne veut pas dire que
3. Par ailleurs
4. Il reste que
5. Au moins
6. Du moins


Corrigé: 451236. Autres choix possibles : 634215...

Du moins, opérateur de l'énonciation, annonce une limite à laquelle s'arrêtent les objections. Au moins, adverbe, marque la limite d'une quantité. Il est vrai que introduit une preuve qui ne va pas dans le sens de la visée souhaitée (concession). Il reste que introduit une preuve qui ne va pas dans le sens de la visée dominante (on réclame une concession à l'adversaire). Cela ne veut pas dire nie une implication.

Quel est l'opérateur adéquat pour une finalité comme la suivante?
Il aime les pamplemousses. Et voilà qu'il dégustait de frais agrumes de Californie, ________. L'opérateur d'énonciation qui marque le plus que ça s'est déjà produit très souvent est ________.
1 une fois de plus
2 enfin
3 encore une fois
4 finalement
Réaction 37


Nous sommes en mesure de jeter maintenant sur les opérateurs argumentatifs un coup d'oeil d'ensemble (et de relever ceux qui pourraient nous être le plus utiles).

.
Les opérateurs de l'argumentation.



FAIT Voici que... Voilà que... Il se trouve que... Il faut savoir que... FAIT À RECONNAÎTRE ...réellement... Effectivement... ...bien... FAIT À L'APPUI Mentionnons... Par exemple... Notamment... À savoir:... FAIT OPPOSÉ: En réalité... En fait...

ACTION Je devrais... Vous auriez dû... Tantôt... tantôt... OPPOSITION Avoir beau... En dépit de... MOMENT Déjà... Bientôt... Désormais... Dorénavant... COMPARAISON Aussi bien (+ infinitif)

IDÉE Il faut remarquer que... En général... Naturellement... Il va sans dire que... Vous savez,... Voyez-vous, ... DEUX Soit... soit... D'une part... d'autre part... Ou... ou... IDÉE OPPOSÉE Par contre... En revanche...

THÈME À propos de... À ce sujet, ...

CAUSE Étant donné que... Vu que... Du fait que... Par suite de... CAUSE OU RAISON AJOUTÉE Or... Eh bien... Aussi bien...

CONSÉQUENCE Si..., alors... D'où... Dès lors... Il s'ensuit que... En conséquence... Par conséquent... Conséquemment...

ÉVENTUALITÉ (hypothèse) Si... Sinon... Sinon même... Supposons que... Imaginons que... Admettons que... Supposez que... Imaginez que...

PROBABILITÉ Probablement que... Peut-être que...

NÉCESSITÉ Si et seulement si... Décidément...

JUGEMENT DE VALEUR Heureusement que... Une chance que... Malheureusement...

MODALITÉ INTERPERSONNELLE Avouons que... Reconnaissons-le:... Pour ma part... En ce qui me concerne... Ce n'est pas moi qui... De votre côté... À ton point de vue... Que voulez-vous... Comme vous le savez... Sachez que... OPINION À mon avis... Selon moi... À qui le dis-tu! À votre avis... Selon vous... TÉMOIGNAGE Selon X, ... D'après X, ... Aux dires de X, ... Si l'on en croit X, ...

ARGUMENT Car... ...puisque... La raison en est que... ARGUMENT AJOUTÉ De plus, ... En outre, ... D'autant que... Par ailleurs, ... ARGUMENT PLUS FORT Et même... Qui plus est... D'ailleurs... D'autant plus que... ARGUMENT OPPOSÉ Par contre... Au contraire:... Malgré tout, ... Quand même,... À l'opposé, ... APRÈS LA RAISON C'est pourquoi... Aussi (+ inversion)

GÉNÉRALISATION Tout le monde sait que... Comme chacun sait, ... Manifestement, ... Évidemment, ... Il est évident que... Sûrement que... Sûr que...

CONCESSION Certes, ... À la rigueur, ... Il est vrai que... Sans doute, ... Il faut dire que... Il faut avouer que...

OBJECTION Mais... Oui mais... Mais enfin, ... Pourtant... Néanmoins... Encore que... Tout de même, ... Quand bien même... LIMITE Du moins... Quoi qu'il en soit, ... En tout état de cause, ... OPPOSITION Seulement... Non mais... Sans commentaire. Mon oeil! Pas la peine de... CE QUI MANQUE AUX PREUVES ADVERSES Encore faudrait-il que...

RÉFUTATION On dit bien... mais... Peu importe que... ..., et encore! La belle affaire! Quoi qu'il en soit, ...

RÉFUTATION DE L'OBJECTION Même si... Cependant... S'il est vrai que... Il reste que... Au reste... Du reste... Au demeurant... RÉFUTATION DE L'OBJECTION COMME RAISON Justement! Raison de plus!

AB ABSURDO Autrement (+ conditionnel) Tant qu'à faire... Tant qu'à y être...

CONCILIATION Disons que...

VISÉE Avoir l'intention de... Pourquoi... Dans quel but... Voyons... Je dirais même... Disons-le net: ... Cela ne veut pas dire que...

PREUVE Ainsi, ... C'est ainsi que... En effet, ... Il ne faut pas oublier que... Surtout que... Même que... PREUVE PAR LES CIRCONSTANCES Faut-il le préciser, ... Dans ces conditions... SITUATION Attendu que... Considérant que...

DÉNOMINATION Appelons... J'appelle... On appellera ici... ..., comme on dit. CITATION TEXTUELLE Et je cite... (geste d'ouvrir des guillemets puis de le refermer) ..., comme dit X. ..., comme dit l'autre.

REFORMULATION C'est-à-dire... Autrement dit ... En d'autres termes, ... Est-ce à dire que... Plus simplement, ...

RÉPÉTITION Une fois de plus, ... Encore une fois, ... ..., comme on l'a dit plus haut. .., comme on l'a vu plus haut.

PLACE DANS LE PLAN D'abord... D'entrée de jeu, ... Ensuite... Alors... Finalement...

CONCLUSION Donc... En somme... En définitive... Résultat:... Bref, ... En un mot, ... CONCLUSION MINIMALE Après tout... Au fond... MAXIMALE Avant tout... PLUS FORTE A fortiori... À plus forte raison...


Les échelles argumentatives.

Même crée une échelle argumentative (Ducrot) en introduisant qqch. qui est plus fort ou qui constitue un argument plus fort. Remarque Voire : «et même».
Le produit du travail est la propriété du travailleur. ______ labourer la terre donne le droit d'en vendre le fruit.
1 Conséquemment,
2 Autrement dit,
3 Et même,
4 Par ailleurs,
On ne dîne pas avant un quart d'heure. Les pommes de terre sont encore dures, ______ les carottes.
1 à plus forte raison
2 et même
3 d'autant plus
4 (N'importe)
Au Département de sociologie, certains cours sont contestés ________.
1 même par les professeurs
2 par les professeurs mêmes
3 (N'importe)
4 (Selon le sens)
Le nom de Beethoven est connu ________ pour qui la musique ne compte pas.
1 de ceux même
2 même de ceux
3 (Au choix, mais de préférence 1)
4 (Au choix, mais de préférence 2)
Vous voulez faire sentir toute la fragilité d'une parure de plume indienne.
1 Objet symbolique, pourtant voué à la destruction!
2 Comme tous les objets, elle est vouée à la destruction, même si sa valeur symbolique est extraordinaire.
3 Bien que ce soit un objet symbolique, il est, comme tous les objets, voué à la destruction.
4 Aussi symbolique qu'il soit, c'est un objet, partant voué à la destruction.
Réaction 38


Le fardeau de la preuve.

La preuve, au tribunal, est constituée de l'ensemble des arguments, ou raisons, et des faits, ou pièces à conviction. L'utilisation des faits comme arguments risque de les déformer. Même la matérialité des faits n'est pas toujours facile à établir.
Combien de chargés de cours à l'Université occupent en même temps ailleurs un emploi rémunéré plein temps? Telle est la question posée par le comité de renouvellement de la convention collective. Å en croire le syndicat, ______%; ______% selon la partie patronale.
1 30, 50
2 50, 30
3 (N'importe)
4 (Autre chose)
Réaction 39


Pour distinguer entre les faits et les raisons, on dispose de connecteurs différents: en effet et car. À strictement parler car n'indique pas la cause mais une sorte de lien de deux événements à égalité, où l'un n'est pas plus la cause qu'une sorte de simultanéité avec lien rationnel.
Ils sont rentrés de vacances plus tôt, ______ il pleuvait continuellement.
1 parce qu'
2 car
3 étant donné qu'
4 (N'importe)
Réaction 40


On dit que la vérité de qqch. est prouvée par qqch. mais où est l'argument et où est le fait? Si l'on est sans nouvelle, c'est qu'il y a eu un accident. Raison. On ne dira pas: Il y a eu un accident parce qu'on est sans nouvelle de lui. (Mais car passe déjà mieux et en effet passe tout à fait) Même pour un crime : ce qu'on doit prouver est la culpabilité, et non seulement l'identité de qui a porté le coup. Il est l'assassin car on a retrouvé l'arme du crime ET elle lui appartient (ETelle portait ses empreintes digitales) (MAIS il était en état de légitime défense).

Se souvenir ici que la réalité est toujours plus complexe qu'on ne croirait. Les romans de Gaston Leroux (Rouletabille, prototype de Tintin) sont bâtis sur ce principe. L'énigme finit pas trouver sa solution moyennant l'intervention de nouveaux personnages, de motifs supplémentaires, de circonstances inattendues, mais surtout de combinaison des éléments antérieurs, plus complexe que les précédentes. L'intrigue progresse en fonction de ces développements inéluctables. Il n'est pas sûr qu'ils ne furent pas élaborés au fur et à mesure.
Toutes ces formulations sont correctes, mais laquelle convient le mieux? Pierre ne pourra nous accompagner au littoral ______ il n'aura pas de congé, annonça le gérant.
1 du fait qu'
2 puisqu'
3 étant donné qu'
4 , car
On ne peut pas bâtir sur ces terres, ______ elles sont trop fréquemment inondées.
1 car
2 parce qu'
3 (N'importe)
4 (Selon la nuance de sens)
N'allaient-ils pas jusqu'à prétendre que la femme n'avait pas de droit de vote ______ elle n'avait pas assez de jugement?
1 car
2 parce qu'
3 puisqu'
4 dès l'instant qu'
Réaction 41


Parce que, du fait que introduisent la cause d'un fait, lors d'une constatation. Puisque introduit une raison, lors d'une explication. Avec parce que, les deux propositions sont données pour vraies séparément; avec puisque, ensemble. Puisque est proche de si. (Je n'ai pas pu parce que j'étais absent. / Je ne pourrais pas puisque je serai absent. / ...si je suis absent.)

Mais pourquoi parle-t-on de la preuve, au tribunal, comme d'un "fardeau"?
Réaction 42


Établir une preuve est toujours une tâche ardue (et aléatoire). Il aurait fallu pouvoir prendre une photo, ou avoir fait signer les promesses non tenues, ou avoir enregistré les menaces proférées! Mettre en doute la preuve adverse est finalement plus prometteur que de faire valoir la sienne. Le juriste habile tente donc de s'arranger pour que ce soit dans l'autre camp qu'un plaidoyer se déploie, dont il se contentera de soulever les points discutables, en émettant un doute, en posant une «question».

Celui qui se trouve obligé de faire la preuve de qqch. assume un fardeau que ses adversaires pourront facilement aggraver encore. Il faudrait pouvoir tout prouver quand on se trouve devant un juge. Un seul point n'est pas démontré d'avance formellement et la suspicion prend le dessus. La seule absence de preuve est déjà une réfutation. C'est l'ARGUMENT DE L'ABSENCE DE PREUVE, qui consiste à réfuter l'argument adverse parce qu'il ne s'appuie sur aucun fait démontré devant la cour "hors de tout doute".
Ex. (Dans l'autobus de Queneau) LE JEUNE HOMME --- Vous l'faites exprès!
L'ÉCRASEUR D'ORTEIL --- Un instant! C'est grave, Monsieur, de porter des accusations à tort et à travers! Mesurez vos paroles.


En acculant l'adversaire à plaider pour lui-même, on a déjà gagné la moitié de sa cause, si indéfendable qu'elle soit.

Il est plus utile de savoir demander des preuves que de pouvoir en donner.
Dans une salle de cours, un étudiant demande: "Vigny est-il vraiment un auteur important?" Le professeur répond: "Oui". Selon vous, cette réponse manque ________.
1 de justesse
2 d'ampleur
3 de preuve
4 (Elle ne manque de rien)
Réaction 43


Un discours qui tend à prouver doit contenir des éléments de preuve. En réclamer, poser l'innocente "question" de celui qui feint que croire, il ne demande pas mieux... donne aussitôt un avantage. Pour achever sa victoire, on acculera le professeur à donner les détails qui manquent. Pour cela, on feindra qu'il nous a fait croire le contraire de ce qu'il pense. «Pour vous, Vigny serait donc un auteur mineur, sans influence (etc.)» Il devra protester. «Au contraire, je pense justement que c'est un grand auteur (etc.)» On s'arrange pour laisser la question ouverte jusqu'à ce qu'il ait donné ses preuves.

Mais pourquoi n'est-on jamais sûr de l'emporter même avec de bonnes preuves?
Réaction 44


Les preuves sont des faits. On les constate. Mais le lien du fait à l'argument qu'il prouve ne peut pas être autre chose qu'une idée, il est donc seulement fondé sur les opinions les plus générales. Apporter la preuve absolue de quoi que ce soit est donc impossible : on ne peut espérer que d'emporter la conviction des membres du jury.

Dès lors, les preuves les meilleures sont celles qui passent pour des évidences et se montrent le moins possible : elles ont plus de chances d'échapper ainsi à la réfutation. On les appelle preuve négative. On laisse à l'adversaire le soin de prouver le contraire, et on le réfutera. Ex. Après un plaidoyer écrasant de plusieurs heures de l'avocat d'une grosse Cie contre un accidenté du travail, le juge demande à la victime si elle a qqch. à ajouter. «M. l'avocat ne s'attend point à m'entendre réfuter l'immense accumulation de ses preuves. Je remarque seulement une chose. La Cie, pour lui, n'a aucune responsabilité dans les accidents du travail. Cela, il le soutient, mais il n'a pas pu le démontrer, et il ne le pourrait pas. Il ne le pourrait pas car la loi prévoit exactement le contraire. Je crois que c'est sur ce point-là qu'auraient dû porter ses démonstrations...» Une telle réponse est-elle habile? Pourquoi est-il si simple de tout réfuter et si difficile de prouver la moindre chose?
Réaction 45


Il est plus simple de réfuter que de prouver parce qu'il y a toujours un point faible dans une preuve.

Autre exemple, tiré de la politique municipale. Jean Doré... parce qu'il faut un maire à Montréal! Que vaut l'argument? N'est-il pas valable pour les autres candidats aussi bien?
Réaction 46


La différence, c'est que les autres (semble-t-on insinuer) ne rempliraient pas vraiment le poste. En effet, Jean Doré a déjà été maire. On sait qu'il s'y connaît. Les autres... vont devoir faire leurs preuves.

Mine de rien, ce slogan déplace le fardeau de la preuve. Les hommes nouveaux auront-ils l'étoffe d'un maire? Ils vont devoir démontrer leurs talents, justifier leur ambition, ou montrer en quoi les anciens ne sont plus à la hauteur, ou dire en quoi eux feront mieux (et à trop se vanter ils provoqueront de la défiance). Et puis quelle modestie de ne prétendre que remplir le poste : "Je ne suis pas meilleur que quiconque de capable." La seule réfutation semble : "Nous ne voyons pas la nécessité d'avoir un maire." L'anarchie impossible.

Autres ex. 1. -- Son travail est plein d'idées mais toutes en désordre. -- Cela vaut mieux que le contraire.

2. «Mieux vaut en rire qu'en pleurer».

On dirait vraiment que les preuves minimales ont plus de poids que les bonnes! La moindre passion serait-elle suspecte? Que reste-t-il? La qualité des arguments? Y a-t-il des qualités qui font la supériorité de certaines preuves?
Réaction 47


Il y en a trois qui sont essentielles. Les autres sont occasionnelles.

Les qualités de la preuve: solidité, pertinence, suffisance.
Refusant de négocier avec ses médecins en grève légale, un gouvernement européen les oblige, par une loi spéciale, à retourner au travail. Son argument: "Lorsque la santé publique est en péril, un gouvernement responsable se doit d'agir promptement et efficacement". Cet argument est-il solide?
1 Oui, car les soins à la santé sont un service essentiel.
2 Non, car la grève est un droit.
3 Non, car cet argument n'a pas été appliqué en d'autres situations analogues.
4 Oui, car le gouvernement représente aussi les hospitalisés.
Quel est l'argument le plus pertinent? Å une réunion de parents, la directrice déclare: "Nous essayons aussi que les élèves soient heureuses. C'est important dans la vie. Vous le savez, ________".
1 vous qui vous faites tant de souci pour vos enfants
2 vous qui avez eu quinze ans comme elles
3 vous qui avez vécu
4 aussi bien que moi
Réaction 48


Une idée est pertinente quand elle se rapporte au sujet d'une façon que le discours explicite, directement ou indirectement.
Quelle raison est liée le plus pertinemment à l'objectif de fréquenter de plus démunis que soi?
1 Il y a plus de plaisir à donner qu'à recevoir.
2 Ils sont francs et facilement de bonne humeur.
3 On se fait davantage respecter.
4 Ils savent comment s'y prendre pour vivre de peu.
Réaction 49


Y a-t-il des degrés dans la pertinence?
Vous avez à exposer quelques réflexions sur la liberté. Laquelle des idées suivantes est la plus éloignée de ce sujet?
1 La liberté individuelle s'oppose souvent à la liberté collective.
2 L'homme devrait posséder un certain nombre de droits fondamentaux inaliénables.
3 Tous les hommes ont le devoir de respecter les lois.
4 Chacun devrait pouvoir choisir le style de vie qui lui convient.
Réaction 50


On tentera de distinguer pertinence et suffisance. Une raison peut-elle être pertinente mais sans suffire pour autant?
Le jeune marié avait une assurance salaire qui assurera à sa veuve 80% du salaire pendant vingt ans. Le père de celui-ci proteste: «J'avais payé ses études. Il devrait m'en revenir un partie.»
1 Logique. Sans ces études, le jeune homme n'aurait pas eu un salaire aussi élevé.
2 Absurde. Une fois marié, il ne dépend plus financièrement de ses parents.
3 Non juridique. Le père n'est pas inscrit comme bénéficiaire sur le contrat d'assurance.
4 Insuffisant. Rien ne prouve que, s'il avait vécu, il aurait remboursé son père, même partiellement.
Réaction 51


Parfois, il faut savoir choisir par rapport à quoi se détermine la pertinence. Une raison vraie et pertinente peut ne pas justifier parce qu'elle ne satisfait pas un objectif qui aurait dû être primordial et auquel on n'a pas pensé suffisamment.
Un chêne vétuste s'abat sur un promeneur. L'inspecteur d'assurances découvre un tronc plus qu'à moitié scié. Un forestier raconte qu'il avait commencé l'abattage mais s'était arrêté en constatant l'état de pourriture. --- Pourquoi ne pas avoir jeté l'arbre à terre? --- Il y avait des nids de creusés dans le sommet. --- Le tronc aurait pu tomber sur vous. --- Je sais. Il passe si rarement du monde ici... Ces explications sont ________.
1 une preuve de négligence. Aucun risque n'est permis quand il y va de la vie de qqn.
2 basées sur un calcul statistique. Dix personnes par an pendant 15 secondes d'ici trois ans font une chance sur neuf millions...
3 criminelles. Si le promeneur succombe à ses blessures, une accusation d'homicide par imprudence peut être portée contre le bûcheron.
4 sans rapport direct avec la situation. Il y a constamment des arbres qui tombent en forêt... Ce n'est pas comme dans un parc public.
Si je n'ai pas réussi, c'est que j'ai mal manoeuvré. L'argument manque surtout de ______.
1 pertinence
2 suffisance
3 solidité
4 nuance
Réaction 52


Parfois la suffisance n'est atteinte qu'avec plus d'un argument.
"Voici quatre raisons d'acheter un micro-ordinateur: a) ne pas manquer le virage technologique; b) économiser. En restant chez soi, on élimine des dépenses de voyage, de loisirs; c) jouer aux échecs; d) faciliter certaines recherches." Deux de ces raisons sont insuffisantes. Lesquelles?
1 a c
2 b d
3 c d
4 a b
Réaction 53


Dans la pratique quand les preuves sont si difficiles à compléter, les redoubler est peut-être une solution.

Prouver deux fois?

On peut penser qu'il est bon d'avoir plus d'un argument ou plus d'une preuve. Il peut y avoir un effet de gradation. Placer un doute dans l'esprit du public... puis le persuader avec qqch. d'irréfutable!

Par contre, l'accumulation des preuves est un risque. Elles peuvent être incompatibles et vous ridiculiser... (argument du chaudron). De plus, il faut toujours se défier des réfutations. Pour ne pas y prêter flanc, mieux vaut ne garder que les meilleures des preuves qu'on a pu trouver. D'autant plus que la seule accumulation de preuves peut déjà suffire à offrir du terrain à l'adversaire, s'il n'en trouve pas d'autre.
Buck Mulligan: "Je ne suis pas à la hauteur de saint Thomas d'Aquin et des 55 raisons qu'il a trouvées pour étayer sa théorie" (Ulysse I, 30). Supposons qu'après une année d'efforts Buck Mulligan ait trouvé 55 raisons pour étayer une de ses théories à lui. Que peut-on dire de celle-ci?
1 Qu'elle est aussi complète que celle de Thomas d'Aquin.
2 Qu'elle reste moins complète car, étant plus récente, elle doit être justifiée davantage.
3 Qu'elle est plus complète car, plus récente, elle tient compte des développements des connaissances.
4 (Autre chose)
Réaction 54


Savoir concéder.

Pour éviter de se voir réfuter, mieux vaut prévoir les objections et, si on ne peut les écarter (prolepse), mettre une sourdine à ses prétentions...
Dénonçant le sexisme de la langue française, une enseignante écrit dans le journal local: Que dire d'une phrase comme les avocat-e-s concerné-e-s etc.? ________.
1 Mettre le français au féminin est loin d'être une sinécure.
2 On aboutit parfois à des phrases inutilement chargées et finalement ridicules.
3 Les femmes, qui s'occupent de procréer, ont mieux à faire que de créer une langue qui reconnaîtrait leur rôle.
4 N'y aurait-il pas tant de réformes à faire qu'on n'arriverait plus à communiquer?
Réaction 55


Transition et conclusion.

Pour se mettre en chemin vers une nouvelle idée, voici quelques opérateurs.
Que pensez-vous du classicisme en littérature africaine? ______ aimez-vous l'Enfant noir de Camara Laye?
1 En fait,
2 Par exemple,
3 A propos,
4 En somme,
Réaction 56


La dénégation est une transition nette et forte, celle que favorise le dialogue.
--- J'ai conscience de mes responsabilités. --- Non. --- Si! J'ai téléphoné à une agence. Quels sont les avantages ou les inconvénients d'un refus prématuré?
1 Couper court au plaidoyer de l'adversaire.
2 Faciliter une réaction décisive.
3 Clarifier les positions.
4 Prêter le flanc à une réfutation.
Réaction 57


La conclusion aussi a ses opérateurs.
Maintenant, tout le monde se promène à bicyclette. ________ la production de pétrole excède la demande.
1 Résultat:
2 Par conséquent,
3 C'est pourquoi
4 (Selon le sens)
Réaction 58


Poids des arguments.

Il est clair que l'argument d'autorité, souvent respecté, n'est plus le meilleur une fois reconnue sa nature propre. Plus violent encore: l'argument ad baculinum, pas toujours déclaré (Speak softly and carry a big stick, Roosevelt, 1901). Le terme français est : poing sur la table.

Mais d'où procède la force de conviction des arguments et comment peut-on l'évaluer? Le raisonnement, si recherché pour sa logique, a une valeur intrinsèque. D'où peut venir la différence de valeur de deux arguments? Y a-t-il des critères?
Réaction 59


La satisfaction du destinataire est d'abord de voir son désir satisfait et sa position justifiée par de bonnes raisons, sur lesquelles il va pouvoir s'appuyer. Ces raisons donnent à leur inventeur cette supériorité qui a donné sa force au mot autorité alors qu'il n'est que le substantif dérivé de la qualité d'auteur. On a vu que chacun restait en réalité son propre auteur mais pouvait reconnaître la même démarche subjective aux autres (intersubjectivité). Que les opinions soient souvent préconçues rend le critère mouvant. Ce sont bien les interlocuteurs qui auront le dernier mot, ensemble ou chacun de leur côté, mais il peut toujours survenir de nouveaux interlocuteurs, ou bien ceux qui sont là peuvent éclairer leur lanterne.
Noé a-t-il réussi à son examen de sécurité nautique? --- ______. Quelle est la réponse qui révèle le plus de confiance à l'égard de Noé et de ses capacités?
1 manifestement
2 naturellement
3 probablement
4 sans doute
Réaction 60


La conviction du locuteur est une des pôles de la valorisation. Insincère, elle ne convaincra pas. Trop entière, elle convaincra d'autre chose (intérêts inavouables). Mais plus souvent, le locuteur se dérobera derrière plus grand que lui, la divinité, les masses, le gouvernement, les ordres reçus : l'autorité est le prétexte facile. Le recours à l'autorité est la valorisation implicite des arguments les plus couramment admis, politiquement, professionnellement, dans les familles.

Comment se fait-il que cela soit à la fois si contraire à la logique et pourtant si utile de faire appel à un personnage connu ou prestigieux, dans un raisonnement?
Réaction 61


La collectivité se défie de la subjectivité, synonyme d'anarchie quand on n'a pas le temps de discuter. Mais de deux choses l'une. Ou bien celui qui argumente est convaincu personnellement et il a donc les moyens de donner une raison (sans s'appuyer sur une autorité), ou bien il s'est d'avance démis de ses prérogatives intellectuelles et morales (en s'appuyant sur un tiers parce que cela fait son affaire, ce qu'il veut cacher).
Je crois que je devrais vendre cette vieille grange. D'ailleurs c'est aussi l'opinion de mon père.


Le recours au père est ici un recours à l'autorité. Mais si l'on ajoute ... de mon père qui prétend que c'est un risque constant d'incendie, alors ce n'est plus un pur argument d'autorité. On a indiqué la raison.

La jurisprudence (c'est-à-dire le recours à l'autorité des juges qui ont déjà eu à traiter la même question) est une des principales sources du droit. Elle ne libère pas le juge de son devoir d'appréciation du cas particulier.

Pourquoi l'argument d'autorité paraît-il si difficile à supporter alors qu'il est indispensable au fonctionnement des groupes sociaux?
Réaction 62


Ce paradoxe est au coeur de tous les problèmes d'insertion de l'individu dans le groupe. Les intérêts du groupe ne sont pourtant pas nécessairement contraires à ceux de l'individu. Ni l'anarchie ni le totalitarisme ne sont la solution. Il est naturel de reconnaître des droits et devoirs réciproques. C'est quand l'individu cesse de reconnaître son insertion, et ses devoirs, qu'il fait tort, non au groupe comme tel mais à tous les autres individus qui en font partie. Réciproquement, c'est dans la mesure où le groupe a pu remplir ses obligations minimales (les droits de l'homme, ceux du citoyen, ceux de l'enfant, etc.) qu'il peut être reconnu (et financé). Ces considérations appartiennent plus à la sociologie et à l'éthique qu'à la logique mais il vaut mieux les mentionner parce qu'elles tracent les limites de la logique. La logique du raisonnement ne suffit pas à le valider. Les prémisses doivent être vraies mais quel type de vérité peuvent-elles avoir? D'où peuvent-elles tirer leur valeur, si ce n'est pas de l'autorité?
Réaction 63


Soucieux de paraître objectif, le locuteur doit trouver autre chose que ses goûts ou ceux du prince. Il se tourne alors vers la consultation de témoins, d'arbitres, de normes ou de règles connues : il consulte les préposés aux rouages de la vie publique, depuis les employés de la banque jusqu'aux médecins, professeurs et autres avocats. C'est plus coûteux mais aussi plus rentable.

À qui ou à quoi se fier?

La valeur d'un argument ne doit surtout pas être absolue. En effet, ce serait pure illusion. Il n'y a de valeur que relative à la persuasion préalable de l'auditoire. Connaître son auditoire est la condition de toute argumentation. Cela n'empêche pas qu'il y ait toutes sortes de solutions ouvertes devant celui qui prend la parole. Mais l'auditoire sentira si l'on abonde avec trop de complaisance dans ses préjugés. Par ailleurs, il se rassurera d'entendre les spécialistes préconiser justement ce qu'il souhaite. De plus, il aimera que l'orateur lui-même soit intimement persuadé! La sincérité se communique...

Règle Un argument n'est pas valable indépendamment des personnes et de la situation. C'est se fier seulement à soi, seulement à la masse, ou seulement aux spécialistes qui serait périlleux.
Vous avez proposé une répartition des tâches dans une équipe de travail et vous voulez la défendre devant la direction. Quel serait le meilleur argument?
1 Les manuels sur la psychologie des groupes suggèrent la même répartition.
2 Cette répartition semble la plus équitable.
3 Je suis persuadé que c'est la meilleure solution.
4 Tous les participants ont jugé que c'était la meilleure répartition.
Réaction 64


Cette question montre bien que la justification ne peut se faire de façon simple que si tout le contexte est connu de tous les intervenants. Comme dans les combats corps à corps de l'Antiquité, il faut savoir se garder de toute part. Cependant, l'attention ne peut se disperser. L'implicite est déterminant. D'aucuns jouent à ravir sur cette corde.

Ex. Le «piège à ours», procédé courant des assemblées parlementaires. On feint de devoir prendre la peine d'expliquer quelque chose qui, pour l'auditoire, à fortiori pour l'adversaire, est déjà parfaitement évident. On persuade ainsi l'auditoire que l'adversaire l'a ignoré. Ainsi, notre Écraseur d'orteil dans l'autobus pourrait-il rétorquer au Jeune Homme :«Vous savez très bien que les autobus sont faits pour transporter les voyageurs. (Donc, à chacun de veiller sur sa propre sécurité...)». Qui, l'entendant parler ainsi, penserait pouvoir lui donner tort?

Y aurait-il une mentalité publique formant une sorte de destinataire collectif des manifestations écrites? Mentalité que feraient évoluer au jour le jour la Presse, les médias, les livres, les films, les discours?
Réaction 65


Comme la masse ne se tient au courant qu'assez indirectement (et suivant des intérêts vitaux), ce qui entre dans la mentalité générale est facilement implicite, et on est d'autant plus vite approuvé qu'on ne dit rien ou pas grand-chose. Ce sont les raisons négatives dont il a été question plus haut. Là réside le mystère des campagnes électorales. Plus "l'homme de la rue" (qui n'est pas un itinérant!) est naïf, mieux réussissent les arguments implicites comme l'apodioxis et la diasyrme.
APODIOXIS (fém.) On rejette un argument sans le discuter, en le disant absurde, ou enfantin, etc.
Ex. --- Si tu l'as revu cour de Rome, c'est qu'il t'a suivi.
--- Quelle idée!
DIASYRME Plainte hautaine. On s'exprime sous forme de reproches et avec mépris.
Ex. Vous ne le savez naturellement pas; mais ce que vous avez, jeune homme, ça se soigne...


Il y a plus subtil : l'argument ad hominem.
«Il ne faut pas se laisser influencer par la publicité», écrivez-vous dans le journal des agriculteurs de l'Est. Des quatre arguments suivants, lequel est le meilleur?
1 Elle est mensongère.
2 Elle étouffe la production locale.
3 Son contenu culturel est aussi banal que possible.
4 Elle permet de hausser les prix.
Réaction 66


En résumé, on peut dire que l'argumentation opère dans un espace qui lui est propre : l'esprit du public. Ceux qui y excellent sont les meilleurs connaisseurs de l'âme humaine. Tabler sur ses limites n'est pas toujours, heureusement, le meilleur calcul. Mieux vaut se mettre à la recherche des meilleurs arguments. Pour cela, un seul point de départ : les arguments, implicites ou non, des antagonistes.

APPLICATION 1. Identifier les idées argumentatives.

Voici dix-huit phrases extraites d'une grande variété de textes. Pour chacune d'elles, vous tenterez d'identifier ce que son contenu apporte comme renseignement sur les antagonistes en présence (y compris l'auteur éventuellement), sur les visées de ceux-ci, sur les idées argumentatives (les arguments au sens strict, le syllogisme implicite, postulat universel ou mineure particulière) et sur les preuves de ces arguments (s'il y en a).

Titre de l'exercice: AVIP (Antagonismes, visées, idées argumentatives, preuves.) Les corrigés se trouvent plus bas. Pour clarifier la délimitation et faciliter le travail, il a été placé dans le texte une paire de crochets chaque fois que l'on peut mettre un des symboles A, V, I ou P.

1. Mao Tse-Toung et la «bande des quatre»[ ] entendaient mobiliser la société chinoise en permanence.[ ]

2. Au Moyen-Age, selon Régine Pernoud [ ], la condition de paysan se situait entre la liberté absolue et la servitude [ ].
Réaction 67


Au cas où vous auriez indiqué dans les crochets comment fonctionnent les assertions précédentes, voici le corrigé : 1. ...A ...V2. ...A...V

Réessayez?

3. Pour Hugo Münsterberg [ ], le spectateur imagine, à partir des éléments du film [ ], une réalité parallèle [ ], purement représentative [ ]; il joue avec ses illusions [ ].

4. Vian et Alexandrian [ ] considèrent que la littérature érotique oblige le lecteur à porter sur les textes un regard moral [ ], capable de jugement [ ].

5. Rosso [ ] minimise les Lumières [ ]. Il accuse Voltaire et Rousseau de ne pas respecter eux-mêmes les principes qu'ils exposent [ ].

6. Argan [ ] prétend que la colonne, dans l'architecture baroque, n'a plus qu'une fonction de symbole [ ], qu'elle représente la force et la beauté de la raison et du pouvoir monarchique absolu [ ].
Réaction 68




3. ...A ...P...V...I...I 4. ...A ...V ...I5. ...A ...V ...I6. ...A ...V ...I

Quelques autres essais?

7. Les morts communiquent avec les vivants par divers moyens [ ] que la science n'est pas près de pouvoir identifier ni expliquer [ ], soutiennent E. Tizané et Ch. Richet [ ].

8. Brochier [ ] soutient que la presse écrite ne dispose que d'une marge réduite d'indépendance face au pouvoir politique [ ] à cause notamment des budgets de publicité de ce dernier [ ].

9. L'Allemagne [ ], chef d'orchestre de l'économie européenne [ ], favorise une politique de concessions à des sociétés privées étrangères ou nationales [ ] en dérèglementant les normes sur les produits et services [ ].

10. Authenticité de la crise originelle [ ], poésie du registre imaginaire [ ] et maturation [ ] sont les trois critères qu'établit Fr. Stancier-Reiss [ ] pour une critique appropriée de la littérature existentielle [ ].

11. «Seule une philosophie iconoclaste [ ] peut ... aller à la racine même de la force imaginante intime de l'eau [ ]» (Bachelard [ ]).

12. Les tenants de la métamorphose existentielle [ ] comme d'Espagnat [ ] veulent une réconciliation entre la physique et la métaphysique [ ]. Ils sont persuadés que les scientifiques, en rejettant le vécu sensible [ ], n'ont pas accès au réel [ ].

13. «Tout l'effort de son intelligence (à propos de Kierkegaard [ ]) est d'échapper à l'antinomie de la condition humaine.[ ]» (Camus [ ], le Mythe de Sisyphe).

14. Tiré d'un essai sur le Moyen Âge. «La bourgeoisie médiévale [ ] a une autre conception de la femme [ ] que l'Église [ ], qui la voit comme tentatrice [ ], destinée à détourner les hommes de Dieu [ ], ou comme glorifiée et adorée [ ], destinée à les conduire à Dieu [ ].»

15. C'est [ ] entre 16 et 23 ans [ ] qu'on est le plus disposé à critiquer le pouvoir.[ ]

16. En Suède, les gens [ ] racontent que «le niveau de vie est tellement élevé [ ] que personne ne parvient à l'atteindre [ ]».

17. Le phénomène homéopathique serait-il au-delà [ ] de la compréhension scientifique actuelle [ ]?

18. René Bray [ ] soutient qu'il y a autant de profondeur dans l'Avare que dans Mithridate [ ]. La seule différence est que l'un fait rire et l'autre pleurer [ ]. La tragédie n'est pas plus noble que la comédie [ ]. Il ne faut pas confondre celle-ci avec le vaudeville [ ], comme fait Bergson [ ].
Réaction 69


Corrigé.7. ...V ...I ...A8. ...A ...V ...I 9. ...A ...I ...V ...P 10. ...I ...I ...I ...A ...V11. ...I ...V ...A 12. ...V ..A ...V ...P ...I 13. ...A ...V ...A214. ...A ...V ...A2 ...V ...I ...V' ...I'15. ...P ...A ...V 16. ...A2 ...V (de A) ...P (ironique)17. ...I ...A18. ...A ...V ...I ...V'...I' ...A2


APPLICATION 2. Chez un publiciste.

Compléter les fiches «argument» de votre domaine en inventant un argument en faveur de vos propres hypothèses (en conclusion de la dissert) selon chacun des lieux de l'argumentation (essence, existence, quantité, qualité, ordre).

Prendre toutes les fiches «argument» de votre domaine, choisir dix opérateurs dans la liste ci-dessus (éviter les trop courants comme donc, mais, si, d'ailleurs) et rédiger qqch. qui présente un argument avec chaque opérateur (ou un choix).

Trier les phrases obtenues pour qu'elles présentent une séquence lisible (ajouter les transitions utiles).

Le résultat pourrait ressembler à un débat par la netteté dans les articulations argumentatives. L'important est la cohérence, les articulations et aussi que votre propre position soit développée. Faites en sorte, en donnant la parole à vos antagonistes, qu'ils vous prouvent que vous avez tort de remettre en cause leurs positions (et leur appliquer cinq des opérateurs retenus).

Vous pouvez saisir ci-dessous un aperçu de ce que vous envisagez comme possible dans votre domaine.
Réaction 70


Voici un schéma, en guise de corrigé.

EN CONSULTATION CHEZ UN PUBLICISTE

= Voyez-vous, j'aimerais montrer que... (donnez votre opinion)

-- Dites-moi... Quels sont les groupes d'intérêts en présence?

= Appelons A ceux qui... (parmi vos antagonistes, les majoritaires)

Appelons B ceux qui... (parmi vos antagonistes, le premier groupe minoritaire)

(Ajouter C, D... si c'est le cas.)

-- Quand vous rassemblez les prétentions, les allégations, les observations de ceux qui appartiennent à votre groupe A, pouvez-vous identifier des arguments tirés du fait de l'existence de ceci ou de cela?

= Ils parlent de... (personnes, actions, situations, «réalités»)

-- Et le groupe B fait valoir l'existence de quoi?

= Les B parlent de... (Si vous avez des C et des D... les traiter aussi)

-- On argumente beaucoup à partir de la nature des choses, de leur essence, en définissant des concepts, en se rattachant plus ou moins consciemment et ouvertement à des idéologies, préjugés ou croyances. Quelles sont les définitions implicites ou explicites auxquelles s'attache votre groupe A?

=Il lui arrive d'utiliser le concept de... ou de..., qui le situe parmi les... (un mot en -iste ou en -isme: scientisme, juridisme, etc.)

--Et le lieu de l'essence est exploité comment par le groupe B?

=[Même genre de réponse pour lui, et pour C, D...]

--Comment défendent-ils leurs points de vue? Apportent-ils des statistiques en guise de preuve?

=Oui, le lieu de la quantité est mis à contribution comme suit: ... (chez A, B, C, D...)

--Mentionnent-ils des causes ou des conséquences pour établir la supériorité de ceci ou de cela?

=Le «lieu» de l'«avant» fournit au groupe A tel, tel et tel argument (etc. Numéroter)

Au groupe B, ce lieu fournit... (Au groupe C... D...)

Le «lieu» de l'«après» fournit au groupe A...

Au groupe B, ce lieu fournit... (Au groupe C... D...)

--Au terme de ce panorama des lieux communs à tout sujet, il vous reste sans doute quelques fiches sur lesquelles vous aurez relevé des arguments qui n'entrent pas directement dans l'une de ces catégories. Pouvez-vous ramener ces derniers arguments à des types?

=Il y a ...

Lieux du gaspillage, comparaison, argument du contraire, a fortiori, ad hominem.

Il y a aussi, pour le groupe A, tel argument, que je ne sais où ranger, etc.

--Ceci n'est qu'un plan de travail. Le plan de votre exposé sera complètement différent. Il fera l'objet d'une prochaine entrevue, si vous le souhaitez.

=Le travail demandé est très long.

--Il faut «prendre le temps de le faire court» (Mme de Sévigné dit cela dans une lettre à sa fille). Il ne s'agit pas de recopier vos fiches mais, maintenant qu'elles sont analysées et triées par positions antagonistes, de les classer par argument et de lister les arguments (en ramenant l'expression à l'essentiel, par contraction).

APPLICATION 3. Invention d'arguments.

1. Domaine : le théâtre québécois actuel. Champ : place du joual (parler populaire anglicisant) et des «sacres» (jurons). Les cinq lieux peuvent-ils donner naissance à des arguments? En développer dans trois directions. A. En faveur de Michel Tremblay. B. En faveur du théâtre classique français. C. Une position personnelle.
Réaction 71


Corrigé. (Les arguments ici proposés sont purement exemplatifs. Chacun peut en proposer d'autres.)

A. Existence. À toi pour toujours, ta Marie-Lou a rassemblé plus de trois cent soirs de suite au Rideau Vert un public qui n'allait pas au théâtre. Plus récemment, Brou qui est du même style, tient l'affiche depuis dix ans.

Essence. Mettre sur les planches l'homme de la rue est un gage de réalisme, voire de naturalisme.

Quantité. Limitation du répertoire. Il faut des pièces écrites sur place pour un public restreint.

Qualité. Communication immédiate et dense. Possibilité de faire passer des situations subtiles.

Finalité. Les échanges avec le public sont privilégiés. L'esthétique traditionnelle est mise de côté.

B. Existence. Corneille. Racine... Le vers classique. Les personnages antiques. Les situations types. Le discours oratoire. Le style sublime. Il faut les avoir connus et aimés, pas seulement dans un cadre scolaire.

Essence. La solidité séculaire des grands auteurs garantit un accès aux valeurs durables, incontestables.

Quantité. Majorité écrasante du nombre de représentations, de leur dispersion géographique, des souvenirs que peuvent évoquer telles ou telles répliques qui sont dans toutes les mémoires.

Qualité. Les plus grands acteurs et metteurs en scène ont apporté au XVIIe siècle, au XVIIIe, au XIXe leurs interprétations renouvelées, dans une veine de plus en plus réaliste, puis moderniste, poétique, surréelle, ou populiste. Ces pièces supportent des avatars diamétralement opposés.

Finalité. Toutes les esthétiques sont possibles pour peu que le public embarque dans le jeu culturel, mais il est aussi possible de revenir au contexte initial des pièces de Molière, de Beaumarchais, de Musset, de Cocteau, d'Anouilh...

De rejouer «historiquement». Il y a une marge de manoeuvre.

C. Existence. Les succès passés et présents n'offrent pas de garantie. Quelles en ont été les causes? Le choix d'une œuvre est toujours délicat. À la limite, il faudrait en écrire une, mais quelle esthétique adopter? Pour Michel Tremblay, le joual a été une option fondamentale, indiscutable. Il s'agit pour tout auteur d'aller jusqu'au bout de ses propres aspirations avec le public d'aujourd'hui.

Essence. Les valeurs durables peuvent-elle s'opposer au réalisme local? Oui, par imitation. Mais quelles sont les chances d'un théâtre du réchauffé? Quand un auteur réussit vraiment, le public s'écrie : enfin, du théâtre! Le classicisme évolue.

Quantité. Là non plus, aucune solution en vue. Une seule pièce originale peut valoir mieux qu'un vaste répertoire où l'on se sait que prendre. Un autre argument de la quantité est à considérer. Qui choisit? Peut-on se fier au goût de certains auditeurs, qui seraient représentatifs de la masse? Un comité de lecture est indispensable.

Qualité. On peut choisir l'esthétique contre la communication ou le contraire. Le dosage dépend des attentes du public, des œuvres récemment bien accueillies, et de l'orientation à donner.

Finalité. Voilà toute la question. Le théâtre est un moyen. Toute manifestation de soi est soumise aux circonstances mais illimitée dans son avenir.

Autre exemple. Deuxième exercice semblable.

Domaine : la gérontologie. Champ : l'euthanasie. Antagonistes : Les médecins pour qui la mort est un échec (A). Les médecins pour qui elle est parfois la moins mauvaise solution (B). Les religieux, qui croient à une vie meilleure après la mort (C). Les psychologues, qui croient à la qualité du vécu avant la mort (D). Opinion personnelle (E).
Réaction 72


Corrigé (à titre d'exemple).

A. Existence. Quand on a devant soi quelqu'un qui va mourir, on fait tout ce qui est humainement possible.

Essence. Un médecin, qui a prêté le serment d'Esculape, ne peut faire autre chose que soigner.

Quantité. Ce qui compte n'est pas de bien vivre mais de vivre le plus possible donc le plus longtemps possible.

Qualité. «Mieux vaut souffrir que mourir, telle est la devise des hommes» (La Fontaine).

Finalité. Le progrès des techniques médicales est tel qu'il est aujourd'hui possible de prolonger la vie de plusieurs années.

B. Existence. Quand on a devant soi quelqu'un qui souffre, on fait tout ce qui est humainement possible.

Essence. Un médecin, à défaut de procurer une vie décente, peut donner une mort décente.

Quantité. Si l'on entretient artificiellement des malades inconscients, les hôpitaux seront surpeuplés. Il ne faut pas s'opposer à la mort à n'importe quel prix.

Qualité. Ce qui compte, dans la vie, est le rapport aux autres et à l'environnement. La vie a cessé quand il n'y a plus d'activité consciente, même si le patient n'est pas cliniquement mort.

Finalité. Il faudrait cesser d'imposer à l'individu les vues de la collectivité ou celles des spécialistes et trouver le moyen de recueillir et d'exécuter ses dernières volontés.

C. Existence. Tout ce qui existe et se maintient en vie est créé et maintenu par quelqu'un de tout-puissant.

Essence. La mort n'existe qu'aux yeux des autres. Pour celui qui meurt, elle n'est rien.

Quantité. À quoi bon ajouter des jours et des jours à une vie qui serait absurde si elle devait continuer ainsi?

Qualité. La vie éternelle est bienheureuse pour le juste.

Finalité. Le sens de la souffrance et de la mort est le même : nous détacher du transitoire et nous mener à une sorte d'immortalité.

D. Existence. Mort inadmissible, incompréhensible, scandaleuse, repoussante, obsessive (thanatophobie). Mieux vaut en rire pour ne pas y penser.

Essence. La mort est la négation de la personne dans sa subjectivité.

Quantité. Le psychanalyste peut aider ceux qui veulent être aidés en les accompagnant dans leurs intentions positives comme négatives, avec sympathie sans plus.

Qualité. Pour l'inconscient, mourir est une mauvaise action. Souffrir n'est pas possible sereinement. Heureusement, il y a des drogues comme la morphine. Et puis, rions ensemble. Faisons nous incinérer!

Finalité. La négativité ne peut avoir de finalité. Elle est hors d'ordre. Tout ce qu'on peut faire est, surtout, de ne pas se monter la tête.

E. Existence. Il y a des courants de pensée et même des législations nationales (Pays-Bas) qui admettent l'euthanasie moyennant certaines balises.

Essence. Le suicide assisté répond à une demande d'assistance qui le rend foncièrement distinct du meurtre.

Quantité. Faire durer le trépas, c'est aussi laisser le temps au malade et à son entourage de se revoir une dernière fois.

Qualité. C'est aussi l'occasion de se dire des choses décisives (aveux, pardons, attachement, don de soi).

Finalité. Le sens de la souffrance et de la mort est à découvrir par chacun des participants dans la circonstance, en sorte que l'euthanasie comme telle reste une circonstance secondaire.

APPLICATION 4. Choix d'opérateurs.

Laissez flotter votre imagination sur la palette des opérateurs proposés quelques page plus haut, en gardant dans un coin de votre esprit certains des contenus de vos fiches argumentatives. Certains opérateurs vont accrocher votre attention. Vous les essayez, en leur adjoignant des bouts de phrase. Prenez ce qui a un peu d'allure et complétez-le. Notez tout de suite la phrase obtenue (quitte à la remanier plus tard). Recommencez en changeant de secteur sur la palette. Vous serez étonné(e) combien les opérateurs accrochent facilement telle ou telle idée, qui se présentent ainsi facilement, et avec des détails. Vous alignez les phrases trouvées et constaterez que leur opérateur facilite aussi leur alignement, ils aident à trouver pour chacune la meilleure place, faute de quoi vous les mettez plus loin, en attendant que de nouvelles phrases fabriquées viennent combler les vides.
Réaction 73


Exemple. (Domaine: soins hospitaliers.) À mon avis, le malade n'a plus grand-chose à dire, une fois franchie la porte d'entrée de l'hôpital. Les cours de déontologie ont beau avoir enseigné aux médecins qu'ils ne sont pas les maîtres des corps : ce sont eux qui décident, dans leur service. Néanmoins, il y a des infirmières qui peuvent soulager, distraire, dérider les patients. Le médecin, lui, ne passe qu'une fois par jour, et encore! À la rigueur, deux fois. Il est vrai qu'on le réclame partout. Pour ma part, j'essaie de grouper toutes les questions. À ton avis, le virage ambulatoire, c'est une amélioration? À propos, comment va ta belle-mère, avec sa hanche luxée? Elle est, comme on dit, «dans un lit de Procuste». Encore une fois, l'hôpital ne lui convient guère. Autrement dit, c'est l'enfer. Je dirais même l'éruption volcanique. Disons le mot, on ne devrait pas sortir de leur foyer les personnes comme elle. Vous dites vous -même que le corps de chacun lui appartient en propre. En somme, l'esprit et le corps ne font qu'un. Évidemment, ce sont des façons de parler. Comme chacun sait, le langage dépend du contexte culturel.

Autre exemple. (Domaine : relations auteur-éditeur. Narration et dialogue.) L'écrivain en question s'est effectivement rendu à Paris à l'invitation de son éditeur. À vrai dire, celui-ci avait oublié le rendez-vous. -- Le voyage, vous le savez, équivaut à une journée perdue pour l'écriture. -- La belle affaire! Voyons, ne vous avais-je pas déjà écrit au sujet de ce manuscrit? Dans ces conditions, le rendez-vous n'était pas indispensable. Tant qu'à faire, pourquoi ne pas exiger que les éditeurs se justifient quand ils refusent un manuscrit? Faut-il le préciser? C'est l'éditeur qui prend les risques, financièrement.

Réaction 74


Il reste à parler de la contre-argumentation, c'est-à-dire de la réfutation. Ce sera le sujet du module 13.

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