Présentation. 45 interactions. 57 QCM.

La grammaire.

Pour parler ou pour écrire, il faut avoir une certaine connaissance pratique de la grammaire. Chacun sent dans le langage des contenus affectés à des formes. La langue met en relation des sons, des mots, et d'autre part des contenus. On peut d'ailleurs définir la grammaire à partir de la pratique individuelle de la parole comme forme-sens. Elle est ce que nous extrayons des paroles entendues en y reconnaissant des mots, des sons, des lettres... C'est la grammaire que chacun pratique qui lui permet de percevoir du sens mais aussi de communiquer en générant de nouvelles phrases.

Ces mots, ces sonorités, ces phrases, que véhiculent-ils? Quels en sont les contenus? Des idées? De l'information? Rien de plus particulier, de plus direct, de plus intime?
Réaction 1


Beaucoup plus. À vrai dire, de tout, et presque n'importe quoi : des faits, des objets, des idées, des sentiments, des résultats, des intentions, des attitudes, des situations... et même du vocabulaire (on peut parler des mots) ou de la grammaire (la métalangue, ou langue de la langue, c'est-à-dire la terminologie linguistique) Y a-t-il une seule chose qui ne passe pas par le langage? Oui : ce que nous sommes nous-même, notre contact avec notre corps dans l'instant présent; cela semble indicible et peu communicable alors que c'est ce qu'il y a de plus authentiquement réel pour chacun, et donc ce que l'on essaie le plus de communiquer! On se sert pour cela de toute le reste de ce qui se trouve à notre portée, y compris dans les arts et les lettres.

Il importe donc à chacun de voir de très près la diversité des formes linguistiques, de
Si l'on tente de découper le mot, on trouve ________.
1 des lettres
2 des sons
3 des syllabes
4 des préfixes et des suffixes
.....comme toi, commeu toi-a, commeu-eu toi-a-a (Jean-Jacques Goldmann, Comme toi, fin du refrain). L'ajout porte sur quel type de segment?
1 Un son.
2 Une lettre.
3 Une syllabe.
4 (Autre chose)
Vous êtes à l'hôpital et passez par une crise très douloureuse. Le médecin dit: «cela ne /sèra/ rien». Mais vous avez peut-être mal entendu. Il a dû dire: «cela ne /sera/ rien»!
1 Variante phonique sans importance.
2 /e/ ou /è/ change tout.
3 Il est italien et prononce /è/ les e muets.
4 (2 ou 3)


Quelles sont les formes linguistiques les plus typiques (celles qu'on retrouve à peu près dans toutes les langues, avec leurs particularités)?
Réaction 2


Des voyelles et des consonnes, des lettres, des mots, des variations grammaticales, des assemblages... Tout type de signifiant, et les combinaisons des éléments entre eux. Chaque langue fait son choix : l'arabe a plus de consonnes, le français plus de voyelles. En chinois, en sängö (Afrique centrale), les mots changent de sens quand ils changent d'intonation (langues à tons). De plus, chaque "sujet parlant" fait ses propres choix parmi les formes disponibles dans sa langue. Il a son idiolecte. Les éléments de langue sont assimilés plus ou moins différemment par chacun. On s'aligne sur le signifiant des autres (la langue de bois) mais ce que les formules les plus usitées ont voulu dire exactement sur le moment (le signifié), mystère... On veut croire que si on dit la même chose, on pense la même chose... On ajuste ce qui se dit et ce qu'on croit que cela veut dire. C'est un travail poursuivi à toute occasion. Il n'y a pas dispersion, pourtant, mais convergence vers des structures partagées, car ces formes s'acquièrent en communiquant.

Alors, qu'est-ce qu'une langue?
«Procurez-vous la super télécommande mark 2.» L'annonceur devrait-il prononcer deux ou two?
1 Deux, puisqu'il parle en français.
2 Two, puisqu'il s'agit d'une marque anglaise.
3 (Selon le contexte)
4 (Autre chose)
Le convoyeur, au chauffeur d'un poids lourd: «La _____ tourne».
1 roue
2 roue te
3 route
4 route te
Réaction 3


Dans une collectivité donnée, une langue est un système d'échanges, constamment remis en oeuvre, entre des formes et des contenus. Dans la préhistoire, quelqu'un a dit «O!», en montrant le feu. C'était affecter une forme sonore à ce qui était alors vital. On échangeait ainsi avec les autres un ensemble cohérent de contenus (chaque fois recomposés, selon le besoin du moment) par le moyen d'une forme (et de sa modulation mélodique et rythmique). Celui qui entendait dire «O!» pouvait décoder (passer du son au sens) et réutiliser (passer du sens au son).

On voit mieux, dès lors, ce qu'est une grammaire?
Le mot latin grammatica, "grammaire", a donné, en ancien français, grimoire, mot qui aujourd'hui veut dire tout simplement "texte illisible"! Mais une grammaire, aujourd'hui, en quoi cela consiste-t-il?
1 C'est l'étude des règles élémentaires qui permettent de lire et écrire.
2 C'est un équivalent démodé de linguistique.
3 Le mot désigne une partie de la linguistique qui correspond à la morphologie et à la syntaxe.
4 (1, 2 ou 3, selon la nuance de sens)
"Le beau temps reviendra." Identifier les phonèmes de cette phrase, c'est en reconnaître la structure ______.
1 de surface
2 profonde
3 (Les deux)
4 (Autre chose)
Réaction 4


La grammaire, en un mot, est une description de la langue; une prise de conscience des relations forme-sens établies dans une mémoire personnelle; un ensemble de règles et de définitions qui définissent un état actuel (mais sans doute déjà dépassé) des structures d'échange dans une collectivité.

Grammaire et nature.

On peut faire de la grammaire de plusieurs façons, notamment en insistant sur son aspect systématique, avec des systèmes de notations d'allure mathématique. Ici, nous prendrons comme objectif de saisir plutôt sa pratique, sur le vif des réalisations particulières, quotidiennes, publicisées, ou même littéraires... À la lumière de la linguistique mais sans écarter la tradition, on tentera d'analyser les phrases et les emplois de mot actuels.

Y a-t-il place, dans un cours comme celui-ci, pour une démarche personnelle? A-t-on le droit d'analyser par soi-même ce qui se dit? Évidemment oui -- mais en parler dans un cours, et donc faire de ses propres erreurs éventuelles la matière d'un échange avec le professeur et avec la classe?...
«Plus on explique, moins on comprend!» --- Bien sûr, mais comment faire, alors?
1 À chacun de s'avancer selon les avenues offertes.
2 Mettre le groupe en situation, analyser, synthétiser.
3 Suivre la méthode scientifique (observation, conceptualisation, hypothèse, mesure).
4 Invoquer l'Esprit-Saint.
La réflexion du bijoutier m'a d__illé les yeux sur la valeur réelle du bra__elet.
1 éc, c
2 ess, c
3 (Au choix, mais de préférence 2)
4 (Autre chose)
Réaction 5


Non seulement c'est un droit mais c'est un devoir et même une nécessité dans le cas du français d'aujourd'hui. La pratique personnelle -- en dehors de laquelle on ne peut relier à des formes définies ce que les contenus ont de particulier -- est un point de départ à la fois unique et universel : inévitable et particulier à chacun. Tout le monde doit passer par là car il n'y a pas d'autre manière de prendre dans son milieu la place qui est la sienne, d'acquérir un système de signes en connexion avec un "monde", réels tous deux et donc en train de se faire, avec nous et par nous, qui que nous soyons.

De cette observation découle une méthode. Il devrait exister des grammaires naturelles, ou si l'on veut psychologiques, mais aussi environnementales, proches de ceux qui parlent, compatibles avec leurs catégories mentales, leur façon de voir, d'entendre, de sentir, leur comportement social, leurs origines.

Objection, cependant. L'étude de la langue appartient plus à la culture qu'à la nature. C'est donc aux spécialistes de fixer les règles et définitions. Les professeurs doivent se soumettre aux chercheurs qui ont pu approfondir les questions dans des thèses universitaires, études approfondies accessibles sur internet ou même publiées. L'enseignement est le produit d'une élaboration de type culturel. Il ne doit pas être naturel... La langue est un code, comme l'alphabet. Tous y sont soumis par apprentissage méthodique. Il faut se conformer. C'est la seule façon de se comprendre. C'est le but des études supérieures. Etc. Etc.

Non? Vous n'êtes pas de cette opinion-là?
Bien entendu, cette mésentente était la suite d'un malentendu. Dans cette phrase, vous repérez trois termes lexicaux qui se ressemblent par leur ______.
1 origine
2 formation
3 relation au sens
4 sonorité
Réaction 6


C'est la vision primaire de la situation infantile, où tout est reçu sans libre examen. L'adulte remonte aux origines et considère aussi les fins. Il voit que c'est sur la base de la nature que se sont édifiées peu à peu les langues, d'où vinrent ensuite les grammaires, qui, elles, sont des faits de culture, évidemment. La culture ne peut jamais s'éloigner trop de la nature. Que fait le spécialiste, et le professeur (et même l'élève...) sinon communiquer, échanger, formes et contenus, hérités mais actuels, collectifs mais personnels?

La linguistique, comme toute science humaine, doit s'orienter dans ses méthodes en tenant compte de son objet. Cet objet n'est pas aussi extérieur que celui des sciences dites humides comme la physique ou la médecine; il reste étroitement lié aux sujets (pas de parole sans sujet parlant). Il y a plus : celui qui étudie une langue ne peut le faire en dehors de celle qu'il parle et donc il fait lui-même partie du processus étudié. Il peut étudier une langue ancienne ou étrangère mais quand il étudie sa langue, il le fait dans cette même langue, avec les mots et les concepts de son groupe d'appartenance linguistique : il y a cercle, inévitablement. On observe comment les autres parlent en se servant pour le dire de sa propre parole, et de la leur, puisqu'on veut être compris. Un tel cercle est-il vicieux? On veut savoir ce qui fait que certaines phrases sont valides pour la plupart des locuteurs mais on ne peut le savoir qu'à partir de phrases jugées préalablement valides par la plupart des locuteurs. On est au beau milieu du phénomène en train de se réaliser. C'est peu à peu qu'on découvre comment disent les autres, en fonction de ce qu'on croit qu'ils veulent dire. Tout n'est pas déjà dit. Le code n'est pas fixé d'avance et pour toujours. La culture s'unifie en visant le plus de monde possible tout en s'intériorisant en chacun. Tout reste à faire à nouveau sans cesse. La culture est en voie de développement renouvelé.

Y a-t-il des spécialistes reconnus pour juger de la validité des relations forme-sens? Qui est habilité?
Réaction 7


L'Académie, dira-t-on. C'est en effet son rôle. Mais cette institution est limitée à une langue. Elle ne s'est pas généralisée. La France a sans doute raison de s'en enorgueillir mais il y a des langues et des grammaires qui s'en passent, les germains notamment, et allègrement car l'anglais par exemple absorbe des mots de toute origine. On peut du reste évaluer l'influence actuelle de l'Académie française au respect que professent à son égard les écrivains. Ils veulent avoir une norme et pouvoir la respecter ou la transgresser, mais choisir. Dans les cas litigieux, ce n'est pas facile. Pourtant, de toute façon, c'est l'ensemble des sujets parlants qui finit par imposer son propre sens de la facilité. Académiciens, spécialistes, professeurs finissent, eux, par entériner les usages qui se sont généralisés, même malgré eux. Les phrases qui comportent leurs effets sont et seront toujours produites par des individus en situation (donc aussi par les élèves et par l'homme de la rue, pas seulement par les généraux ou les écrivains qui se sont fait élire parmi les quarante). On se souviendra de l'accueil réservé, à la radio française, au Dictionnaire officiel de la République, pour la traduction des termes anglicisants (Termes officiels de la République française). Avec un esprit frondeur, les journalistes s'amusèrent à jargonner dans le pire des franglais, au point que les présentateurs officiels ont dû finir par se mettre à rire avec eux.

Les choses étant ce qu'elles sont (formule tautologique qui ici en dit long), quelle peut être la "grammaire naturelle"? Quel est son corpus? Comment peut-elle procéder?
Réaction 8


Une grammaire naturelle est ouverte sur tous les aspects actuels de son objet (la langue des personnes présentes). Du côté des formes, elle relève la diversité des "parlures", des "usances" (selon les lieux et les époques). On distingue le régiolecte et l'idiolecte. Du côté des contenus, elle cherche à retrouver le contact entre langue et nature, elle nous rapproche de ce qui est le plus près de chacun de nous dans les actes même de la communication, tant familière qu'officielle ou savante. L'attention peut aller jusqu'au détail des formes. Ne dirait-on pas que parole et pensée se produisent l'une l'autre alternativement?

Quant aux méthodes, la grammaire naturelle utilise aussi bien les moyens légués par la culture que ceux qu'elle se forge. Mais elle se concentre sur les normes, car ce sont les formes reconnues d'avance comme communes à une collectivité donnée. Elle cherche à les valider sur un groupe représentatif.

Comment délimiter le corpus d'une recherche grammaticale "naturelle"? Où prendre la mesure des faits de langue sur tout un groupe?
Réaction 9


La solution des sciences humaines en général est de faire passer des tests. En expérimentant sur des échantillons représentatifs d'une population des ensembles de questions à choix multiple, on peut interpréter les réponses recueillies à l'aide des indices disponibles en statistique et en édumétrie. La langue réelle, le français d'aujourd'hui, même si ses modèles sont dans les livres, est vivante dans les consciences linguistiques des sujets parlants. Il faut donc des expérimentations menées suivant les techniques de sondage.

La nature dans la grammaire.

Mais l'étude des relations entre les formes et les contenus a d'emblée quelque chose de naturel. La nature a une place dans la grammaire. Il y a dans la plupart des langues des formes qui représentent directement l'environnement immédiat, la présence du monde et du corps propre des sujets parlants. Quelles seraient les formes, en français, qui lient chaque occurrence de texte à chaque situation? Donnez seulement quelques exemples.
Ils sortirent avec Paul. Tout à coup, Jean fit remarquer ______ avait oublié son parapluie.
1 qu'il
2 que celui-ci
3 (N'importe)
4 (Selon le sens)
Dès qu'elle a eu dit Allo, Jean-Mi l'a reconnue et a répondu: ______ l'horloge parlante.
1 Ici
2 C'est ici
3 (N'importe)
4 (Au choix, mais de préférence 2)
Il commence par situer l'oeuvre de Dante dans ____ cadre historique.
1 un
2 le
3 son
4 (Autre chose)
Réaction 10


Ici, là, hier, demain, je, tu, nous, vous, mon, ton, son, ma, ta, sa, etc. Dans ce type de formes, la nature a sa place avant toute conceptualisation, sans passer ar le détour du sémantisme des mots lexicaux. Pour expliquer le pronom, plutôt que de le voir comme le remplaçant d'un nom (approche léguée par le passé), on peut le situer immédiatement dans l'environnement des interlocuteurs (approche nouvelle, pragmatique). Dans ce cas, lui ou on s'expliquent par rapport à un contexte réel. Dans un dialogue, par exemple, inutile de se nommer (sauf si on ne se connaît pas encore et qu'il faille passer par des présentations). Les noms, propres ou communs, viennent seulement s'ajouter, notamment aux démonstratifs, aux gestes , pour plus de clarté. S'ils appartiennent au domaine des noms propres, ils précisent un environnement culturel. En suivant la nature, on pourrait prendre aujourd'hui des photographies pour montrer le contenu d'un discours avec plus de détail et de puissance communicative que par un nom commun, même si c'est le terme propre. Tout ne passe par les noms qu'après conceptualisation et acculturation.

Objection : une grammaire naturelle peut-elle se servir des lexèmes, qui sont dans les catégories grammaticales du nom, du verbe, du qualifiant, qui sont plus conceptuels que naturels?
Nos parents marchaient devant et nos pas s'attachaient ________.
1 à leurs pas
2 aux leurs
3 (N'importe)
4 (Selon le sens)
Le démon de la poésie le tient au point qu'il ne songe qu'à ______.
1 lui
2 celle-ci
3 ça
4 (Selon la nuance de sens)
La plupart des oeuvres d'Eschyle ______ un aspect cosmique.
1 ont
2 reposent sur
3 (Au choix mais de préférence 1)
4 (Au choix mais de préférence 2)
Les traducteurs voyaient tout ce qu'ils auraient pu mettre d'autre que le mot académique et ils se demandaient pourquoi ______ n'avaient pas été choisis par les services linguistiques.
1 ceux-ci
2 ils
3 ces derniers
4 ces autres mots
Nos actes s'attachent à nous comme ________.
1 la lueur du phosphore au phosphore
2 la lueur du phosphore à celui-ci
3 sa lueur au phosphore
4 au phosphore la lueur
Réaction 11


La grammaire ne peut pas être strictement naturelle. Il faut passer des sensations aux idées à l'aide de mots abstraits et de phrases complexes. On restera en contact avec la réalité et la diversité des situations en se refusant à utiliser un mot abstrait en dehors de son contexte, en prenant soin de l'illustrer sans cesse d'exemples.

Pédagogie naturelle.

Mais la grammaire naturelle tiendra aussi à répondre aux besoins effectifs des apprenants selon leurs niveaux. Ceci la rend pédagogique sans fioritures, du seul fait des contenus adaptés aux individus.

Quelle est la meilleure pédagogie grammaticale? Celle des formules mnémotechniques (Apprends avec deux p qu'apercevoir n'en prend qu'un)? Celle de la dictée?
M. Topaze fait une dictée. «Des moutons... Des moutons... étaient en sûreté... dans un parc. ...dans un parc. Des moutons... moutonsss.» (M. Pagnol, Topaze, I,1. Pour faciliter le décodage, particulièrement au moment des dictées, il est d'usage, dans les classes et même dans certains auditoriums, de faire de chaque mot graphique un mot distinct. L'épellation coupe entre le lettres; la syllabation, entre les syllabes. Entre les mots, introduire une coupe est appelé ________.
1 diction
2 désarticulation
3 débit professoral
4 (Autre chose)
Réaction 12


La dictée est un exercice qui a fait ses preuves, notamment pour la compréhension et l'orthographe. Les formules ont leur utilité. Cependant, tout ramener à des formules serait de la cuistrerie. De plus, quels qu'ils soient, les exercices qui imposent des solutions identiques pour tous négligent la spécificité des partenaires essentiels du processus d'apprentissage : les étudiants et les étudiantes. Or ce sont eux qui procurent (déjà par leurs ignorances), aux enseignants qui les guident, l'occasion de repenser le fond et la forme de leur enseignement grammatical et de resimplifier encore et encore la théorie afin de toujours mieux comprendre la langue. À force de ne pas vraiment saisir et de ne pouvoir justifier leurs fautes, ils acculent l'enseignant à analyser davantage les difficultés, en se mettant à divers points de vue, théoriques ou simplement pratiques, et si possible à leurs points de vue.

Objection : ce ne serait pas plutôt le maître qui sait, et l'élève qui ne sait pas? Cette opposition est fondamentale en situation scolaire. Ou bien serait-elle pure convention, abstraction commode, moule imposé par la société?
Réaction 13


Comme toutes les conventions sociales, la situation d'apprentissage a son utilité mais il est trop facile de trancher les rôles. Les profs savent... mais savent-ils discerner les lacunes des élèves et ceux-ci ne sont-ils pas les seuls à pouvoir combler ces lacunes? En réalité, s'agissant de langue, professeurs et élèves sont à égalité avec tous les autres sujets parlants. Ils commencent à parler en recevant globalement des segments de texte sertis dans un contexte réel. Ils sont donc obligés de parler par blocs, reproduisant des phrases entendues, sans pouvoir tout analyser. Ceux qui passent pour parler bien analysent davantage et peuvent introduire plus de nuances, ou s'exprimer plus concisément. Ils peuvent aussi mieux enseigner.

Chacun a sa façon de parler parce que chacun applique un système de règles informulées et l'adapte aux contextes éventuels, selon sa terminologie du moment (qui peut aussi être celle de l'interlocuteur). Il en résulte que la vie de la langue suit une évolution multidirectionnelle, assez imprévisible. Par exemple la féminisation des noms de profession a semblé gagner du terrain puis elle s'est arrêtée et même elle a reculé. De même, l'accent circonflexe a commencé à s'instaurer seulement au XVIIIe siècle et aujourd'hui il est en recul. La norme académique semble offrir un sol ferme mais elle s'adapte au mouvement général, souvent avec un certain retard.

Existe-t-il une méthode scientifique de description pour un phénomène aussi complexe? Peut-on par exemple établir une hiérarchie entre les variantes disponibles, mesurer un niveau de compétence des usagers?
--- Il y avait du monde? --- Plusieurs personnes. --- Combien? --- Deux. Plusieurs convenait-il?
1 Oui.
2 Non. Plusieurs est une réponse fausse.
3 Réponse hypocrite: on a cherché à faire croire qu'il y en avait beaucoup.
4 Réponse tendancieuse: on a fait semblant de croire qu'il y en avait assez.
______ il est venu m'est resté incompréhensible.
1 Ce pourquoi
2 Pourquoi
3 Pour quoi
4 (Selon la nuance de sens)
Réaction 14


Pourquoi pas? Les indices statistiques des répondants aux tests expérimentaux montrent que les besoins particuliers peuvent converger si l'on tient compte des niveaux de compétence. On peut même tirer des réponses d'un groupe à des tests (listes de questions à choix multiple) ce qu'on appelle des strates de compétence collective. Il en sera donné plus loin des exemples. Dans cette présentation très générale, contentons-nous de souligner que ce sont toujours les interactions élève-tuteur (avec renforcement par les points attribués) qui cimentent les apprentissages. Nos cours conversations sont dans le prolongement du système scolaire traditionnel. Ils se concentrent seulement davantage sur chaque détail de langue, en y ajoutant le contenu du moment, et sur chaque individu. Que ce qui se passe dans l'esprit et le coeur de l'élève soit la seule réalité existentielle et même essentielle et dépende par conséquent de la volonté et de l'initiative des intéressés explique notre méthode et son nom : cours autodidactiques.

Par où commencer?

Pourquoi ne pas partir du connu? Chacun sait que la grammaire est composée de règles; le dictionnaire, de définitions. On considère aussi l'orthographe comme un préalable. On est toujours disposé à ajuster son vocabulaire. On prend parfois le temps de raffiner sur le style. Dans quel ordre aborder ces divers aspects? Y a-t-il un commencement et une fin intrinsèques aux études de langue?
Réaction 15


La table des matières habituelle va des lettres aux mots, aux variations de forme, enfin aux assemblages syntaxiques. Le résultat est que la partie syntaxe n'est jamais traitée aussi complètement que les autres.

La grammaire offre des listes de formes correctes. L'analyse n'a-t-elle pas son importance? La nature ne requiert-elle pas de découper la chaîne sonore?
Les mesures de réorganisation ont gêné et ______ pas aidé ce développement.
1 non
2 n'ont
3 (Au choix, mais de préférence 1)
4 (Au choix, mais de préférence 2)
Même s'il pleuvait ___erse, nous ne risquons pas d'être trempés.
1 à v
2 av
3 (Selon la nuance de sens)
4 (Autre chose)
Réaction 16


Il faudrait savoir découper, reconnaître notamment de quoi est fait un mot. On atteint mieux le sens en s'habituant à distinguer dans un mot ce qui est racine lexicale, préfixe, suffixe, terminaison. Et les phrases se découpent en assertions et en groupes syntaxiques.
Pour les mots lexicaux, ceux du dictionnaire, le désordre est pire: il remonte au latin et même aux Sumériens : c'est l'ordre "alphabétique". Ordre commode parce qu'universellement reconnu, mais inventé au fil des siècles, devenu totalement arbitraire, et qui n'a aucun rapport même avec la structure des phonèmes (les voyelles par exemple ne sont pas réunies). Il n'a pas plus de rapport avec le sens. Verser est à la lettre v mais déverser, à la lettre d, à côté de déverrouiller. Les mots de même préfixe (-) sont réunis mais loin de leur racine (verser, verrou).

Alors, dans quel ordre souhaiteriez-vous procéder, dans ce cours?
Réaction 17


Côté théorie, on peut garder qqch. du plan traditionnel (graphie - formes - sens - assemblage) mais côté pratique on reste en contact avec des cas concrets où tout se tient, en sorte qu'il faudrait prendre d'emblée une vue d'ensemble du fonctionnement de la langue. Nous allons osciller des généralités aux détails et des faits aux méthodes, assez librement pour que tous les aspects restent présents à l'esprit, comme ils le sont déjà dans la pratique courante. C'est naturel, en somme. Cet ordre était connu déjà des Anciens. Il a en français son nom latin d'origine: "in medias res" (par le milieu). Après le coup d'oeil d'ensemble de la présentation, on va au plus évident (l'orthographe), on progresse à mesure que des aspects se dévoilent, mais en revenant parfois sur ses pas pour ne rien négliger. On termine de nouveau par une vue d'ensemble qui approfondit et clarifie ce qui était indiqué dès le début.

Plan du cours.

1 L'orthographe. Accents. Consonnes doubles. Alphabet latin et sonorités françaises.
2 Formes verbales.
3 Accord du verbe.
4 Propriété des termes. Emprunts (anglicismes)
5 Le qualifiant.
6 Actualisation du groupe du nom (les déterminants) et du groupe du verbe (les pronoms).
7 Construction du verbe.

8 Formes du nom. Pluriel et féminin.
9 Accord selon le contexte ou le co-texte.
10 Le mot lexical. Les parties du mot. Préfixe. Suffixe. Paronymes. Homonymes.
11 Le trait d'union.
12 Majuscule. Abréviations.

13 Les liens syntaxiques (prépositions, conjonctions, pronom relatif).
14 Découpage et marquage.

15 Agencements. Ponctuation.
16 Fonctions syntaxiques.
17 Saisie du sens. Sémantique. Concept et réalité.
18 Les niveaux d'analyse, les branches de la linguistiques. Grammaire et pragmatique.


Quelques termes ne vous sont peut-être pas encore familiers : qualifiant, actualisation, co-texte, paronymes, pragmatique... Vous les trouverez dans l'abrégé (et, comme pour tout autre terme que vous voudriez démystifier sur-le-champ, il y a aussi l'index de la clé des procédés, qui se trouve à votre disposition sur le site internet www.cafe.edu).

Quelle serait, pensez-vous, l'intention qui sous-tend un parcours comme celui de ce plan? La clarté logique? Ou plutôt une certaine activité des divers sujets parlants?
Réaction 18


L'intention est de donner la possibilité d'apprendre progressivement à analyser en tenant compte de tous les aspects. On peut voir le texte comme une horlogerie constamment resoumise à de nouvelles intentions expressives en situation. Le plan cherche à balayer successivement tous les recoins en adaptant chaque fois la méthode à son objet particulier (graphie, sonorité, formes, assemblages). Ceci est en rapport avec l'objectif spécifique du cours : la formation à l'analyse et la résolution de tout ce qui peut survenir comme problème de langue, non seulement en général mais dans le détail des textes, en tenant compte de la diversité des situations. Ainsi, quand il vous arrive de buter sur une forme qui résiste à vos analyses, il vous est recommandé de la montrer à votre tuteur (en l'inscrivant dans la fenêtre de l'interaction). Vous pouvez mettre à l'épreuve sa sagacité.

Et vous voici prêt(e)s à aborder le travail, en commençant par une vue générale aussi large que possible.


Le recoins d'une langue.

Rien que la langue de la grammaire pose déjà une difficulté apparemment insurmontable. Comment parler des recoins de la langue si la métalangue grammaticale ne peut pas être clarifiée? Beaucoup de nos termes de grammaire, comme les lettres de notre alphabet, remontent à une vingtaine de siècles, au latin et au grec. Diderot, Condillac, au XVIIIe siècle ont commencé à les repenser. Depuis Saussure, et plus récemment, par les «philosophes du langage», la nature des langues et leur fondement ont été réévalués dans une optique plus globale. Cette réévaluation porte ses fruits jusqu'au niveau élémentaire, où l'on a pu observer par exemple que les enfants apprenaient plus facilement l'orthographe en distinguant écriture et prononciation, et en faisant un grand détour : l'alphabet phonétique. La pratique d'une écriture «au son» permet de mettre ensuite en évidence les variantes graphiques. Celles-ci n'ont de sens qu'en considération des états archaïques de la langue. De même pour la terminologie qui permet les analyses du français comme langue.

Sans doute, toute nouveauté a ses partisans et ses détracteurs. Que pensez-vous, sans indiscrétion, de la linguistique et de la grammaire nouvelle? Y êtes-vous très opposé(e)? Pourquoi vaut-il peut-être mieux de préserver une terminologie traditionnelle, ou carrément d'opter pour la fine pointe de la recherche récente?
En Turquie, à l'entrée d'un bureau de change: Here, we speak french et Ici, on parle anglais. Ces avis sont ______.
1 absurdes
2 naturels
3 inutiles
4 (Autre chose)
La science du langage humain est ________.
1 la philologie
2 la terminologie
3 la polyglossie
4 (Autre chose)
M. Depax s'abonne à la revue Liberté. Il donne son nom au téléphone. "DEPAX, Désiré, Émile, Paul, Albert, Xavier". L'employé note soigneusement tous ces prénoms!
1 Il n'a pas saisi leur fonction métalinguistique.
2 Depax aurait dû expliciter: "D comme Désiré, E comme Émile, etc."
3 Le préposé est un débutant ou un cornichon.
4 Erreur sur la fonction énonciative, qui n'était pas référentielle.
Réaction 19


Il est bon de se montrer fidèle au passé, notamment à une terminologie comme celle de la grammaire de Grevisse. Comme les habitudes orthographiques si patiemment conquises, cette terminologie a l'avantage de se retrouver un peu partout, et justement dans les travaux anciens. Cette fidélité favorise la communication puisqu'elle donne une base d'échanges commune à tous. Mais, systématique, le passéisme est de l'immobilisme.

Les règles seront mieux appliquées si elles s'expriment dans une terminologie adéquate au phénomène. Avant d'écarter un terme (le mot article par exemple, au profit de déterminant), il faudra montrer que les avantages dépassent les inconvénients (que le libellé des règles s'en trouve clairifié). La langue sera plus claire si le système des formes correspond davantage à la structure utilisée (même si elle n'est que partiellement reconnue conceptuellement). L'important est de repenser le système des formes mais il faut aussi pouvoir se comprendre. De toute façon, il y a des valeurs sûres. Tout le monde ne sait-il pas ce que c'est qu'un mot?

Et pourtant... Au fait, pour vous, un mot... c'est quoi exactement?
Il paraît qu'il fait partie d'une cellule terroriste. Son père aussi ______ doute.
1 s'en
2 sans
3 (N'importe)
4 (Selon le sens)
Vous me sous-estimez. Je pourrais vous surprendre, mon oncle, dis-je d'un air _____.
1 défiant
2 de défi
3 (Au choix mais de préférence 1)
4 (Au choix mais de préférence 2)
"Tout à fait un arc-en-ciel?", intervinrent les examinateurs. Choisir la meilleure des quatre définitions suivantes. Le mot est ________.
1 un groupe de lettres, limité par un espace blanc
2 un groupe de sons, limité par une voyelle accentuée
3 un groupe de sons, susceptible de recevoir un sens
4 un groupe de lettres ou de sons doté d'un sens, et dans lequel on ne pourrait pas enchâsser d'autre groupe analogue
Réaction 20


Une forme-sens minimale? Un assemblage de syllabes? Ou des lettres regroupées? Ces trois définitions sont tout à fait différentes. Il importe de distinguer entre mot graphique, mot phonétique, mot lexical... Les catégories grammaticales ne sont pas des essences intemporelles : elles dépendent des langues auxquelles on les applique. Le mot allemand n'a pas les mêmes limites que le mot français ou que le mot esquimau. Termes et contenu ont tellement évolué depuis Quintilien et Cassiodore (De ortho graphica)! Le français n'est pas comme le latin... Le nombre des voyelles a presque triplé. (On le verra plus loin.)

Quoi qu'il en soit, on peut considérer que les notions de bases ne changent pas, tout de même, direz-vous. Non? Peuvent-elles évoluer? Le bon parler de demain ne sera-t-il pas ce qu'il a toujours été? N'y a-t-il pas des articles dans toutes les langues?
Réaction 21


Toute chose évolue, en langue plus encore que dans les sciences et les techniques. À l'échelle des siècles, il y a des modifications inéluctables; pas toujours visibles cependant : il faudrait pouvoir comparer pour arriver à s'en apercevoir. Le latin n'avait pas d'article. La notion de groupe syntaxique, qui commence par un déterminant, n'est pas pertinente en latin. C'est la déclinaison, en fin de mot, qui indiquait la fonction grammaticale (le cas). Rosis = aux roses. Le o est long et il l'est resté. Les suffixes des déclinaisons faisaient corps avec le mot lexical et ils ne recevaient pas d'accent de durée. En français, l'allongement de la tonique permet non seulement de désigner le mot chargé de signification, mais encore d'annoncer la fin du groupe syntaxique. Le latin mettait ses syllabes atones après la tonique, le français les place avant... Loi purement phonétique! Cette marque, orale, ne coïncide pas avec l'espace graphique permettant d'écrire en mots distincts.

Exemple. Dans avec de la mayonnaise, il y a un seul groupe syntaxique, un ou deux mots phonétiques (selon la prononciation), quatre mots graphiques, un mot lexical (mayonnaise) et trois mots grammaticaux (avec, de, la). La syllabe la plus longue est aiz'. Cet allongement de la tonique marque la dernière syllabe du mots phonétique. Le phénomène est assez net et général. Il n'est pas très conscient chez la plupart des «usagers de la langue». Il n'en est pas moins constant, et perceptible à une oreille avertie. On y reviendra plus en détail.
À la fin du mot phonétique, qui est aussi le plus souvent un groupe syntaxique, prend place, comme noyau, un verbe (pour que tu nous le dises), un nom (avec de la moutarde) ou un qualifiant (pas si vite). La composition de la cellule linguistique de base est donc très différente en latin et en français.

Existerait-il, cependant, des notions si essentielles qu'on puisse les rencontrer dans toutes les langues? On distingue partout au moins deux aspects opposés, fondamentaux. Toute langue a des formes et des contenus. Serez-vous d'accord sur ce point?
Prendre un texte pour y distinguer qqch., c'est l'étendre sur un axe linéaire (le temps du discours, l'espace des pages). N'est-ce pas déjà le couper de ce qu'il est globalement? Si on procède à des découpages dans le texte (les chapitres, les mots), que va-t-il se passer? L'opération est susceptible de clarifier ou de modifier ________.
1 le fond (le contenu)
2 la forme
3 le signifiant
4 le signifiant et le contenu
Comparer: un naturel hypocrite et une hypocrisie naturelle.
1 Le sens dépend du contexte mais normalement les deux tours ont le même sens ou presque.
2 Sens opposés. La substance est la nature en 1, l'hypocrisie en 2.
3 Il s'agit surtout d'idées, en dépit de la forme.
4 La substance est la nature et l'hypocrisie est une idée, dans les deux cas.
Réaction 22


Les Anciens disaient : les mots et la pensée. Les linguistes parlent de signifiant et de signifié, qui sont "les deux faces du signe". Les philosophes parlent du fond et de la forme... On regroupe ainsi tout ce qui est sémantique d'un côté et tout ce qui est linguistique de l'autre. Comme toujours dans les sciences humaines, il faut être aux aguets pour apercevoir les phénomènes intellectuellement. C'est seulement sous cet angle que le mot naturel, par exemple, peut avoir deux formes, qualificatif ou nom (le naturel) avec un seul sens «relatif à la nature». Son sens est donc toujours celui d'une idée et c'est seulement comme signifiant, linguistiquement parlant, qu'il peut désigner une substance (comme nom) plutôt qu'une qualité (comme qualificatif).

Les deux aspects fondamentaux et universels de fond et forme sont-ils des ensembles observables, cohérents ou bien ferait-on mieux de les subdiviser, de distinguer dans la forme ce qui est phonétique et ce qui est morphologique, par exemple? Le e du féminin (morphologique) est-il le même que le e final (phonétique) dans cousin - cousine?
Vous êtes toutes candidates, mais une seule sera laur__.
1 éat
2 éate
3 (Autre chose)
4 (Selon la connotation)
Quarante-cinq pour cent de la population consomme de l'eau impropre suite à la rouille des condui___ d'eau.
1 ts
2 tes
3 (N'importe)
4 (Selon la nuance de sens)
Selon l'auteur, c'est de la technique et de ses machines que dépend, en maj____ part___, la promotion sociale.
1 eur, ie
2 eure, ie
3 eur, i
4 eure, i
Réaction 23


Le e final est souvent muet, mais il dénasalise la voyelle précédente (Jean - Jeanne; bon - bonne). Le système graphique du français ne correspond que partiellement à la prononciation : le digramme oi ne se prononce pas o...i, mais wa). Le français s'est progressivement éloigné du latin. L'utilisation des sons pour modifier le genre ou le nombre a cédé le pas à de simples lettres qui ne se prononcent plus (le s du pluriel). La morphologie est un aspect de la langue bien distinct de la phonétique.

Ces deux aspects font partie de la forme. Leur relation peut se préciser avec le concept de réarticulation de Martinet. Pour ce linguiste, le système des sons est une réarticulation du système des mots lexicaux, des variations de forme et de la syntaxe.

Précisons. On dira que le signifiant a deux niveaux d'articulation. La distinction qu'on fait entre les sons permet de distinguer entre les racines lexicales. Le b de bon et le p de pont ont une fonction au niveau de la formation de mots lexicaux distincts, bon et pont, qui vont ensuite recevoir des signifiés. Autrement dit, pour opposer bon et pont, on se sert de la différence entre b et p. Le langage joue constamment en parallèle sur la correspondance des paradigmes sonore et lexical.

Mais que se passe-t-il du côté des contenus, des «signifiés»? N'ont-ils qu'un seul niveau de sens? Ou bien auraient-ils aussi une double articulation? Y a-t-il un sens «dans la langue» et un sens «dans le contexte»? Bonjour veut-il toujours dire la même chose, quel que soit le ton?
Vous n'avez pas l'heure? demande qqn à son voisin d'autobus. Celui-ci est vexé. «Tu pourrais m'dire tu, non?»
1 Réaction peu vraisemblable. S'il s'était fait tutoyer, il aurait pu exiger le vous.
2 Il réagit ainsi parce qu'il suppose qu'on le méprise.
3 Il croit plutôt qu'on le prend pour un snob, qui prend les autres de haut.
4 Selon le contexte. En Europe, le vous et le tu n'ont pas le même sens que par exemple au Québec.
«Quand on parle de générosité en musique, on pense tout de suite à... euh... Teleman!» Y a-t-il ici des marques graphiques qui ne relèvent pas de l'énoncé mais de l'énonciation?
1 Les points de suspension.
2 Le point d'exclamation.
3 L'interjection euh.
4 (Toutes ces réponses sont bonnes)
"Tout ça, voyez-vous, c'est pour que les consommateurs... consomment justement." Justement qualifie consomment
1 au niveau du sens (énoncé, dictum). Il est adverbe.
2 au niveau de l'acte de parole (énonciation). Il est "adverbe de liaison".
3 (1 ou 2, selon l'intonation)
4 (Autre chose)
Réaction 24


Le sens des mots est à un niveau proche du texte. Il y a du signifié aussi dans la situation. Le mot bon a un sens fondamental mais sa vraie valeur dépend du contexte et des interlocuteurs. Ce qui est en cause entre eux peut se dire de trente-six façons. Réciproquement le même sens peut se placer dans plusieurs centaines de situations... Il y a deux niveaux de paradigmes du signifié. (Pour une vision d'ensemble des paradigmes, voir la Clé des procédés littéraires sur la page www.cafe.edu et cliquer sur opérandes.)

Les quatre «dimensions».

La grammaire, au lieu de rester unidimensionnelle, comme au moment de son apprentissage, dans la petite enfance, acquiert ainsi ses quatre dimensions fondamentales. Autant les désigner d'entrée de jeu, quitte à ne pouvoir explorer que plus loin les modalités d'application. Quelles sont les articulations du signifiant et celles du signifié?
Le signifiant (Sa) renvoie à un signifié (sé) dont il est la manifestation (sonore, écrite...) Ex.: sillage ou /sijag/, composé de deux syllabes, de sept lettres, de cinq phonèmes, renvoie au signifié "trace qu'un bateau laisse derrière lui à la surface de l'eau". Peut-on dire que Sa et sé sont séparables?
1 Oui.
2 Non.
3 Selon le point de vue auquel on se place...
4 (2 et 3)
Le chapitre, comme tout segment découpé dans un texte, a des marques visibles de début et de fin. Il a aussi une substance qui le distingue. Comme tout signe, il a ________.
1 un signifiant et un signifié
2 un symbole et un référent
3 un thème et un prédicat
4 (N'importe)
Selon Georges Mounin et Pierre Guiraud, un signe se reconnaît à l'intention de communiquer un message. Dans cette optique, lesquels des faits suivants sont des signes? a) un panonceau du code de la route b) la numérotation des chambres d'hôtel c) un vêtement que je porte quotidiennement d) le geste machinal de se gratter la nuque e) une forte fièvre f) une trace de pas dans la neige g) un diagramme
1 a), c), g)
2 a), b), g)
3 a), b), c), g)
4 a), b), c), d), f), g)
Quelle serait le meilleure définition? Le signe est ________.
1 une image acoustique ou graphique liée à un concept
2 quelque chose de perceptible et qui rend manifeste quelque chose d'autre, qui autrement ne le serait pas
3 un signifiant et un signifié avec une relation entre les deux
4 par exemple, une flèche, une croix
Réaction 25


Signifiant : le physique (son, intonations, rythme, graphies) et le proprement linguistique (mot lexical, variation de forme, syntaxe). Signifié: énoncé (objets, idées, actions, personnes) et énonciation (interlocuteurs, contact, situation, intention). Mais reprenons ces divisions en nous plaçant davantage du point de vue de la nature en grammaire.
Parler, écrire, c'est produire des phrases qui se situent dans le temps des interlocuteurs. Les moyens techniques d'enregistrement et d'impression ont séparé la temporalité de la production et celle de la consommation. On ne lit pas par dessus l'épaule de celui qui écrit et le disque ou le ruban magnétique permettent d'entendre parler en différé. Or si les moments ne coïncident pas, la durée est nécessairement celle que chacun va consacrer à son activité et c'est là que se situe, au fond, l'existence du texte. Le texte n'est enregistré ou imprimé que comme possibilité de lecture ou d'audition. Quand il est lu ou écouté, il entre dans la durée de celui qui le profère ou de celui qui le décode, rythmant et formant son «être au monde» autant qu'il lui donne de l'information. Cette durée du texte est donc façonnée dans nos existences mêmes et sa linéarité est le mode de son apparition dans nos durées personnelles. De quel aspect du texte pourrait partir une grammaire naturelle?
Tout va très bien, Madame la Marquise (dit la chanson)... Mais cependant, il faut que je vous dise... Ces deux vers sont ______ par le rythme, ______ par l'intonation.
1 semblables, différents
2 semblables, semblables
3 différents, différents
4 différents, semblables
Réaction 26


De sa durée, mesurable en centisecondes mais aussi perceptible comme unité d'intention pour les personnes en présence, ou encore comme unité de production (livre, émission, cédé).
Regardons ce phénomène de plus près. C'est une durée qui se découpe, bien entendu. La phrase est souvent un amalgame de plusieurs actes de parole (délimités par «»,(),:;,... ou des coups de glotte, oralement). La phrase écrite n'est pas moins linéaire que l'enregistrement sonore. La division en pages et en lignes n'interrompt la durée que de façon graphique et quantitative.

Ce niveau de découpage du ruban sonore ou graphique est très général. Il véhicule, certes, des énoncés, mais il est plus étroitement lié à l'activité et même à l'attitude des énonciateurs. Les personnes qui communiquent entre elles par leur «texte» (oral ou écrit) s'y montrent, se dévoilent elles-mêmes, même quand, parfois, elles tentent de s'y effacer derrière le paravent d'une pure objectivité.

Partons, dès lors, de l'acte de parole, segment de texte dit hic et nunc, profération tirant son unité de sa présence. À quelle articulation du signifié ou du signifiant ressortit ce découpage du texte en actes de parole? (Quand vous hésitez, allez-y par élimination des réponses possibles, ne croyez pas que tout cela soit évident : prenez les quatre dimensions et examinez-les une à une.)
Toute une femme tout l'autre corps et le mien les deux miens l'autre celui qui n'est pas le mien et qui est le mien. Dans cet extrait de poème de Paul-Marie Lapointe, quel rôle jouent les blancs?
1 Exprimer la fusion amoureuse.
2 Rendre les pauses.
3 Diviser en vers libres.
4 Marquer des articulations logiques.
Ah oui, les militaires... Nous l'avions__ déjà__ remarqué__ en débarquant.
1 (Rien), (Rien), (Rien)
2 (Rien), (Rien), (Virg.)
3 (Virg.), (Virg.), (Rien)
4 (Selon la nuance de sens)
«Je suis allé en vacances à Cannes» peut s'écrire avec une virgule devant à Cannes, ou deux virgules, autour de en vacances. Comment les actes de parole dépendants (syntaxiquement) s'accrochent-ils?
1 À la «proposition principale» (le GV noyau).
2 Ils ne s'accrochent pas. Ils occupent leur place, entre d'autres actes de parole.
3 Ils s'accrochent à un ensemble de groupes syntaxiques qui constitue un acte de parole.
4 (Autre chose)
Réaction 27


On y trouve un environnement, des interlocuteurs, leurs intentions, des rythmes, des intonations, des mots, des formes ...tout! Mais dans les sciences humaines, tout est dans tout et il s'agit de discerner des aspects. Côté signifiant, pour l'acte de parole dans son entier, il y a surtout les marques des limites : coup de glotte, ou virgule. Ils sont au niveau le plus tangible, physique. Côté signifié, l'acte de parole comme tel ...est un acte! Il s'agit donc de l'énonciation, ce qui est le niveau le plus général du signifié. L'acte de parole est un segment énonciatif, une unité d'énonciation. Il appartient à la première des «dimensions» de la nature grammaticale. Il en est la mollécule.

On peut avoir le même contenu, dire la même chose, en une seule ou plusieurs phrases, avec un nombre de phrases variable. Les interlocuteurs et leur attitude réciproque ne changent pas pour autant. Se placer du point de vue de l'énonciation, c'est préciser qui parle, à qui, comment, pourquoi, sur quel ton, etc. pour choisir ensuite des contenus. Ceux-ci vont-ils aussi appartenir à l'énonciation? Sont-ils au même niveau?
On est assez d'accord... Juste un détail: ... Pourquoi le qualificatif juste précède-t-il l'article?
1 C'est sa place normale.
2 Le détail ne sera peut-être pas "juste".
3 Juste n'est pas un adjectif, mais un adverbe.
4 C'est un opérateur. Il appartient à l'énonciation.
Voici le début d'une critique de film dans le journal. «Précaution d'usage: je n'ai pas tout vu du Festival des Amériques, le premier du genre, tenu du 22 mai au 4 juin dernier. Une réussite, si l'on en juge au taux de participation.»
1 La précaution est prise en vue de sa santé.
2 La précaution est prise en vue de son équilibre personnel.
3 (N'importe)
4 (Autre chose)
Ma constitution physique, nous dit Talma / dans le fragment d'autobiographie qu'il nous a laissé, quoique assez faible, me rendait propre à exprimer les passions. Quels sont, dans les cinq fragments ci-dessus, ceux qui relèvent de l'énonciation?
1 nous dit Talma
2 nous dit Talma dans le fragment d'autobiographie qu'il nous a laissé
3 nous dit Talma dans le fr. d'a. qu'il nous a laissé, quoique assez faible,
4 (Autre chose)
Réaction 28


Le signifié comporte deux niveaux de paradigmes, comme on vient de le voir. L'énoncé est le niveau le plus proche de la langue. Il tient au sens des mots lexicaux. Ses éléments sont des segments des actes de parole. Ils réarticulent les unités d'énonciation dans des unités plus spécifique. Elles sont plus réduites que les actes de parole car elles peuvent avoir des fonctions syntaxiques. Ce sont des groupes syntaxiques. On associe des mots aux objets, aux personnes, aux lieux, aux actions, aux événements, aux sentiments et on donne à ceux-ci des fonctions grammaticales. On associe aussi des mots aux idées (vocabulaire abstrait, plus vaste dans certaines langues que dans d'autres). Les relations qu'on établit entre des choses produisent des idées désignées par des mots. (Sans cela, qu'y aurait-il ici même d'intelligible?)

À titre d'exercice, sur un paragraphe que vous, lecteur ou lectrice, choisirez à votre guise, vous êtes invité(e) à souligner les mots lexicaux, porteurs de sens, qui vont constituer le noyau (et souvent le dernier mot graphique) du groupe. Exemple: Reconnaissons qu'il est impossible de fournir toutes les réponses; mais essayons d'arriver à poser les bonnes questions. Vous pouvez transcrire votre texte ici.
Réaction 29


Ces mots chargés de sens sont donc la manifestation, dans la langue, des contenus constitutifs de l'énoncé. Celui-ci est la "deuxième" dimension de la nature en langue, et la plus évidente. Elle contient les éléments de signification (ou «sèmes») que présente la langue dans les mots lexicaux, qui sont leurs signifiants

N'y a-t-il que des mots lexicaux dans une phrase? Non. Alors, les mots que vous n'avez pas soulignés, dans votre dernier exercice, ils servent à quoi? Ne les trouvez-vous pas tous courts? Et ne sont-ils pas les plus fréquemment répétés, bien que l'on ne s'en aperçoive pas (comme si on pouvait les répéter sans inconvénient)? De quel genre de mots s'agit-il? (Procédez par élimination des types possibles.)
Réaction 30


Sans doutes, ici, ce sont des mots graphiques mais ils pourraient être sonores. En tous cas, ce ne sont pas des mots lexicaux. Ils servent à placer les unités de sens (ou sèmes) dans leur environnement. Le français situe les idées dans leur context. Ainsi chien et chat, mots lexicaux, ont des sèmes communs («animal domestique» etc.) et des sèmes distincts (le museau, la longueur de la queue), mais énoncer ces mots ne permet pas d'atteindre, en parlant, un référent déterminé. Cet ensemble de traits sémiques n'arrivera à viser quelque chose de réel que si des mots grammaticaux viennent le situer par rapport au locuteur de l'énonciation (ce chat, mon chien). L'acte de parole est présent jusque dans les petits morphèmes grammaticaux qui servent à placer un noyau de groupe dans son environnement. La relation du monde au je souvent implicite s'exprime pour les noms par ses déterminants, pour les verbes par ses pronoms. Ces «mots» ont donc une fonction grammaticale qui dépend de la première des dimensions spécifiques du langage: l'énonciation. Ils traduisent l'environnement des interlocuteurs. On dit qu'ils actualisent le noyau sémantique du groupe syntaxique. Nous les appellons actualisateurs (Voir plus loin). Est-il important de considérer les actualisateurs pour comprendre un texte?
Elle coupe _____ pomme avec ______ couteau.
1 la... le
2 sa... son
3 ta... un
4 (Selon le contexte)
On peut bien dire d'elle qu'elle a fait ______.
1 l'histoire
2 de l'histoire
3 des histoires
4 (Selon le sens)
Réaction 31


Tenir compte des actualisateurs n'est pas moins important que d'analyser le sens des mots lexicaux. Percevoir le fonctionnement des actualisateurs dans chaque groupe syntaxique donne au texte une assise dans le réel qui est indispensable au sens.

Mais tous les mots grammaticaux sont-ils des actualisateurs?
Je crois que la voisine y est.
1 Que s'accroche à la voisine.
2 Que s'accroche à y est.
3 Que s'accroche à je crois.
4 Que accroche y est à je crois.
L'Élève ne fait pas alors que répéter mécaniquement. Analyser alors que.
1 Lien syntaxique. Conjonction de subordination.
2 Alors est adverbe. Que est conjonction.
3 Alors ne va pas, ici, avec que, mais que n'est pas conjonction.
4 L'ensemble a une valeur de qualifiant du verbe.
Que n'y avait-il songé avant ___ se procurer des raquettes à neige!
1 , à
2 de
3 (N'importe)
4 (Selon le sens)
Quels sont, dans la phrase suivante, les mots grammaticaux qui lient leur groupe à un autre? En voyage dans un pays étranger ou pendant vos vacances, vous aurez toujours de l'argent liquide si vous avez une pièce d'identité et une carte de crédit qui soit acceptée.
1 En, dans, pendant, toujours, de, si, d', de.
2 Les mêmes plus ou, et.
3 Tous ceux-là plus qui.
4 (Autre chose)
"Le moteur de l'hydroplaneur entraîne d'abord une hélice marine arrière, qui permet à l'hélice aérienne avant de se dégager pour prendre le relais." Ici, avant est ______.
1 qualifiant
2 préposition
3 connecteur
4 (Autre chose)
Maurice Richard a perdu un point ________ d'attention.
1 faute
2 parce qu'il a commis une faute
3 (Au choix)
4 (Autre chose)
L'ondulation ___ la colonne torsadée allait imprimer à l'architecture environnante (avait) un caractère dynamique.
1 que
2 de
3 (N'importe)
4 (Selon que l'on garde ou non avait)
Réaction 32


On voit que les mots courts et fréquents qui n'actualisent pas indiquent la fonction. Ce sont les prépositions et les conjonctions. Ils servent de lien entre les groupes. Ce ne sont pas des mots lexicaux. Comment les caractériser? Le mot grammatical qui sert de lien est au début du groupe, comme un crochet. Dans le groupe, l'ordre normal est donc: lien, actualisateur, mot lexical. Sous le pont en est un exemple standard. Ou Pour se détendre. Et Que tous le sachent.

Exercice. Formez quelques groupes syntaxiques complets (lien + actualisateur + mot lexical) avec des mots de votre choix.
Réaction 33


Vous pouvez vous corriger illico en comparant vos compositions avec les quelques groupes complets suivants : S'il ne pleut pas. Avec un peu de poivre. Pour y gagner. Puisqu'il ronronne. Quand tout va bien. Près du frigidaire. À trois heures dix. Et avant ça? (Avez-vous le lien initial (préposition ou conjonction)? un actualisateur (déterminant ou pronom)? et le noyau lexical? Dans cet ordre? (Si vous vous posez des questions, posez-les à votre tuteur dans la fenêtre qui suit.)

Nous avons donc largement entamé la méthode et le contenu du cours. Vous voyez comment vous pouvez vous exprimer sur les différentes façon d'analyser, de comprendre, et, comme nous le verrons, de juger de la qualité des textes. Tout passe par des paradigmes qui sont les recueils systématiques des aspects possibles. Pouvez-vous retrouver dans la table des matières proposée plus haut les quelques paradigmes (ou "dimensions du texte") qui viennent d'être exposés?
Réaction 34


Pas un module qui ne trouve sa définition voire son titre dans l'une de ces catégories systémiques. Chacun porte sur un point de vue bien spécifique : la transcription graphique (1, 10, 11, 12), l'emploi des mots (4), le rapport à l'environnement (2, 3, 6, 8, 9), le lien entre groupes syntaxiques (7, 13, 14, 15, 16), l'analyse conceptuelle (5, 17). Ils seront rassemblés dans le dernier chapitre, qui fait la synthèse du cours.

La table des matières suit-elle bien un ordre logique? Cet ordre est-il celui des paradigmes?
Réaction 35


La table répond plutôt à une préoccupation plus importante et suit un ordre heuristique (ce que le lecteur découvre) ou, si l'on veut, pédagogique (ce que le lecteur souhaite apprendre, même s'il ne fait pas partie d'une classe d'adolescents). C'est l'ordre naturel vu que les paradigmes sont de la théorie alors que la "nature" est un objet de découverte progressive individuelle, ce qui n'est pas abstrait. Un texte (réel, proféré, nécessaire) ne se réduit pas à une grammaire, fût-elle linguistique et pragmatique. Il est proche de chaque individu en formation, comme il a été indiqué plus haut.
Mais le dernier mot appartient au lecteur. C'est de lui que dépend l'avenir du texte. Comment voyez-vous la participation que vous pourriez avoir, dans ces pages? Êtes-vous tenu de tout saisir? De «bien» réagir?
Réaction 36


Le lecteur a tous les droits, et d'abord celui de comparer les grammaires disponibles, de sauter des pages et de ne s'attacher qu'aux passages qui lui plaisent, à ce qui peut l'éclairer. Nous aimerions lui dire qu'il faut user pleinement de sa liberté de choisir et de former ou reformuler une grammaire qui soit davantage la sienne que la nôtre. Avouer ses erreurs et chercher à les décrire est une façon de se dépasser, la meilleure sans doute, comme on va le voir.

Apprendre à partir de ce que l'on sait.

La langue est un emboîtement de structures à divers niveaux, du son au sens, mais son existence n'est pas fixe ou préétablie, elle est dans les synapses de chaque cerveau, qui s'activent lorsque la personne s'éveille au langage. C'est à partir de ce qu'on sait que l'on peut se forger un développement de ses capacités de parole. On va de l'idiolecte à la grammaire par un chemin personnel. On finit par rejoindre le langage de la tribu du fait que c'est avec les autres que l'on parle, ce qui finit par créer une langue, mais en évolution.

Les questions à choix de réponses multiple tentent de reproduire une situation linguistique dans laquelle les échanges laissent place à des hésitations sur les formes ou les contenus. On y crée, sur chaque problème d'expression, une sorte de microcosme des fautes possibles. Le degré de pertinence de ces variations a été vérifié sur des groupes de 100 étudiants et étudiantes. Prenons un exemple.

Les liaisons posent régulièrement des problèmes de prononciation.
Réaction 37


«Un beau... t-abri» déclare cet élève du primaire après une seconde d'hésitation. Erreur grossière? «Cuir», pour employer le terme technique pour les fautes de liaison? Sans doute, mais erreur révélatrice du fonctionnement de l'apprentissage et de la découverte des règles. Erreur judicieuse, linguistiquement et pédagogiquement parlant, car elle fait voir tout un cheminement de l'esprit qui, loin d'être défectueux, est parfaitement normal. Le hiatus est détecté. Un remède est cherché dans une consonne d'appoint. Des analogies sont mises en jeu. Le -z- de des abris (Dè-z-abri) est écarté, bien qu'il soit courant, du fait qu'il marquerait un pluriel. On se rabat alors sur une chaîne sonore usitée mais moins courante : le -t- de haut abri. Une telle faute ne dénote pas un manque d'intelligence. Au contraire. Qui évite ce cuir pour s'être simplement souvenu de ne l'avoir jamais entendu a fait un moins long chemin.

Ici se découvre innocemment le fonctionnement normal de la conscience linguistique quand elle est en plein accroissement de ses propres capacités. Il s'agit d'extraire des cas déjà rencontrés les relations stables qui pourraient constituer des règles. Mais la "bonne réponse" peut comporter un raisonnement ou un savoir plus étendus encore.


Rép. Autre chose: un bel abri.
Mais Un haut (t) abri. Nos (z) abris. Un chaud (Rien) abri.
Règle En liaison, s et x finals deviennent toujours z. Ex. Nos (z) amis nous (z) ont
trompés. Nos deux (z) amis.
Règle Beau, nouveau, vieux, fou et mou ont un doublet masculin en -l qui s'emploie
quand le qualificatif précède un mot masculin singulier commençant par une voyelle
ou un h muet.
Et Beau devient bel devant voyelle s'il est qualificatif, non s'il est substantif.
Expl. Usage euphonique. Le l est étymologique; devenant u, il aurait fait un hiatus.
L'apprentissage a donc tout à gagner à se fonder sur ce qui se passe dans l'esprit de chaque apprenant. On peut le reconstituer à partir des réactions de groupe mais d'abord, il importe d'arriver à discerner ses propres réactions aux problèmes linguistiques. Pour cela, il faut y attacher autant d'importance qu'au résultat visé. La perfection de la norme est dans le fonctionnement des règles et définitions, non dans l'imitation servile des formes recommandées. C'est le comportement en langue qui est à ouvrir en direction de ses intuitions personnelles spontanées, de ses acquis antérieurs. Comment lire une grammaire naturelle? Comment y former et y reformuler la sienne propre? À force d'études universitaires spécialisées?
Réaction 38


Surtout pas en apprenant par coeur ou pour réussir aux examens, ce qui serait de la cuistrerie! Il ne faut lire les grammaires que comme la pensée d'un autre, sans plus. L'important est de bâtir son propre raisonnement donc de partir d'un examen tout à fait libre des QCM. Il faut se les poser à soi-même sans regarder la réponse prévue. Creuser la question en faisant des comparaisons avec les cas analogues que l'on peut se rappeler en fouillant dans sa mémoire (la sienne à soi, dirait Achille Talon). On nous excusera d'insister mais chacun devient ici son grammairien car il faut aller, si possible, jusqu'à ébaucher une formulation de ses règles réelles, de sa façon de les appliquer. Il s'agit de ramener au conscient le fonctionnement habituel, largement automatisé, de sa langue personnelle actuelle (l'idiolecte). On ne peut tirer tout le bénéfice possible de la grammaire naturelle qu'en passant par soi. Immense détour! Un monde d'automatismes à découvrir.

On se plaint de ne pas appliquer spontanément les règles du participe passé si bien apprises : c'est qu'on ne les a pas apprises à partir de celles qu'on pratiquait déjà, et qui restent inscrites dans les réactions inconscientes de son comportement personnel en langue. À force de répondre à des QCM et de faire fonctionner son système expressif inconscient, il devient possible de le rectifier progressivement. Il y a une pratique de la langue à explorer et à développer... Les méthodes proposées ici découlent de ces mises en perspective du phénomène d'apprentissage.

Comment pratiquer un apprentissage autodidactique? Comment découvrir ses propres façons de faire fonctionner la langue? Avez-vous des suggestions? Les lectures occasionnelles et les échanges verbaux quotidiens ont-ils un rôle à jouer?
Réaction 39


Voici un moyen pratique. Ouvrez le premier livre, journal ou revue qui vous tombe sous la main. Lisez quelques lignes seulement. Prenez une feuille et écrivez tout ce dont vous parvenez à vous rappeler. Complétez au mieux pour que l'ensemble se tienne... Comparez au texte initial. Relevez les écarts, un à un. Que montrent-ils? À la fois votre position et celle de l'autre, sur des points de connaissances, de vocabulaire et d'expression.

Les fautes, s'il y en a, sont de celles qu'on aurait intérêt à bien comprendre pour y remédier... Repérage utile. D'autant que la faute est parfois du côté du texte initial! Exemple. Nous avions retenu et noté «...des cartes à puces qui reconnaissent le consommateur» alors que le texte lu précédemment disait «des cartes à puces et des agents intelligents qui reconnaissent les préférences du consommateur». Il y a bien quelques différences. Sont-elles minimes? Que signifient-elles?
Réaction 40


Parler des «préférences» du consommateur plutôt que du consommateur comme tel, c'est plus précis, bien plus subtil, et bien plus ouvert sur ce qui peut arriver d'intéressant. Notre lecture, superficielle, est maintenant dépassée par le sens visé.

En va-t-il de même pour l'ajout d'«agents intelligents» à «cartes à puces»? Pas tellement, car les cartes à puces sont déjà des agents intelligents. Ceux-ci sont même le générique de celles-là. Or on ne coordonne pas avec un générique. Le texte aurait gagné à une petite correction : «et autres agents intelligents». Cette fois, c'est nous qui avons dépassé, et amélioré, le sens visé.

Résumons. La grammaire naturelle est celle de nos neurones, celle de la langue pratiquée, même inconsciemment. C'est dans les comparaisons de nos textes avec d'autres que nous pouvons l'amener à la conscience. Un «cas», un exemple, vaut mille mots - et tous les symboles des grammaires formalisées. Des cours de grammaire proposent une algèbre de la langue. Parler demandera-t-il de savoir faire parler les ordinateurs?
Réaction 41


Pas du tout, ou du moins pas nécessairement. De toute façon, les grammaires formalisées ont un substrat qui n'est autre que la grammaire naturelle de ceux qui les élaborent. On voit celle de Chomsky receler des anglicismes... Faut-il rejeter entièrement les grammaires formalisées?
Réaction 42


D'aucuns pensent :«Loin de nous tout excès mécaniciste!» Ce sont les linguistes qui possèdent si bien leur langue qu'ils peuvent enseigner avec, pour chaque forme, une explication particulière. La solution est-elle dans la mémorisation des formulations académiques doublées d'explications aux termes les mieux choisis? Suffit-il d'aller au sens tel que le perçoivent d'emblée les natifs les plus lettrés et de le supposer valable pour tout un chacun?
Réaction 43


La grammaire naturelle est plus largement ouverte sur les besoins les plus variés. Elle tient compte des régions et des groupes, voire des individus (dans la mesure du possible). Dans les groupes scolaires, la compétence est moindre, sans doute, que celle des grammairiens, mais les raisons sont aussi plus évidentes, plus naturelles, pas toujours plus simples. Les expérimentations et sondages par Q.C.M. débouchent sur une grammaire qui est celle des apprenants. Chaque professeur aurait-il alors pour tâche d'interpréter les réactions de son groupe?
Réaction 44


Il est certainement le mieux placé pour ce faire. Par la statistique, si on a pris la peine d'enregistrer suffisamment de réactions spontanées, l'ordinateur va mettre à jour un ensemble de comportements diversifié (et néanmoins hiérarchisé). Là naît assez curieusement une convergence dans la simplicité des abstractions.

Le subjonctif, par exemple. Vialatte ne peut l'admettre avec après que, fait accompli dont l'excès de «réalité» serait incompatible avec un mode qui se définit justement par une insuffisance de «réalité». On fait de celle-ci l'apanage de l'indicatif. Les strates montrent cette subgrammaire comme tout à fait valable, à son niveau (mesurable) de compétence.

Autre exemple. Le de, prétendument inexplicable devant l'attribut d'objet (on a eu deux vitres de cassées). Le raisonnement est pourtant structural et même simple: la construction directe est celle de l'épithète ou de l'attribut du sujet (deux vitres ont été cassées, les deux vitres cassées). Tout le monde ou presque «sent» qu'il y a un lien à marquer et que ce lien n'est pas aussi «direct» quand le nom est objet du verbe. On parle d'ailleurs dans ce cas de complément attributif plutôt que d'attribut. Les grammairiens n'ont pas eu à lutter pour implanter une telle règle, même s'ils peinent à l'expliquer.

Mieux vaut donc travailler par soi-même, sur soi-même, avec les groupes réels, et avec les personnes qui les connaissent le mieux. «Cultiver son jardin» comme disait Voltaire. Nous donnons parfois, ici, avec les QCM, le tableau de leurs strates de compétence collective. Le détail de ces méthodes doit paraître porochainement dans Le français enseigné sur mesure. Apprivoiser la norme. (Éditions du Cilf) L'organisation internationale de la francophonie a entrepris une expérimentation systématique de plusieurs milliers de QCM dans un grand nombre de pays, en vue d'adapter le C.A.F.É. selon les langues de base (anglais, allemand, néerlandais, arabe, langues africaines). Les résultats obtenus jusqu'ici sont à la disposition des linguistes.

APPLICATION

Transcrire une phrase choisie et la version personnelle qu'on en a fait de mémoire. Compter les mots phonétiques. Souligner les mots lexicaux. Y en a-t-il autant ou plus que de mots phonétiques? Sont-ils toujours à la fin des mots phonétiques? Leur syllabe finale est-elle allongée?

Réaction 45


Corrigé exemplatif.

Merci du bord des mers à celui qui se tourne

Vers la rive où le deuil, tranquille et noir, séjourne (Hugo, les Contemplations, 2,15).

Variante : Merci du fond du coeur

À celui chez qui le deuil séjourne.

Nb de mots phonétiques : 4 4 -- 2 4

Mots lexicaux : Merci, bord, mers, tourne, rive, deuil, tranquille, noir, séjourne -- Merci, fond, coeur, deuil, séjourne. On peut relever que trois mots lexicaux ont été captés d'emblée, le premier et le dernier + deuil. Le mot celui a aussi été retenu, sans doute comme référent. Ou bien pour l'allongement du i, suivi d'un coup de glotte (césure). On voit que tous ces mots lexicaux peuvent avoir une syllabe finale allongée et terminer un mot phonétique et un groupe syntaxique, mais que trois d'entre eux peuvent aussi être traités comme ayant une syllabe finale prétonique (bord, tranquille et fond).

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