Informations. | |
Extraits. | Échantillons de proverbes. |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début et fin. Antiquité. Aujourd'hui.
Lieu. Allemagne, Angleterre, Belgique, Burundi, Chine,
Égypte, Espagne, États-Unis, France, Grèce, Israël,
Italie, Liban, Maroc, Pologne, Rwanda, Sénégal, Tunisie, Turquie,
etc.
Sagesse de Ptahotep (IIIe millénaire avant J.-C.).
Sagesse d'Ani (IIe millénaire avant J.-C.).
Sagesse d'Aménélopé (VIIIe siècle avant J.-C.).
Paroles d'Ahiqar (VIe siècle avant J.-C.).
Ésope, Fables (VIe siècle avant J.-C.).
Démophile, Fragments (VIe siècle avant J.-C.).
Lao Tseu, Livre du Tao et de sa vertu (VIe siècle avant J.-C.).
Confucius, Livre des sentences (VIe siècle avant J.-C.).
Paroles de Çakya-Mouni (bouddhisme, VIe siècle avant J.-C.).
Théognis de Mégare (VIe siècle avant J.-C.), maximes dans
Élégies.
Livre des proverbes (IVe siècle avant J.-C.).
Proverbes de Salomon (IVe siècle avant J.-C.).
Hippocrate, Aphorismes (IVe siècle avant J.-C.).
Publius Syrus, Sentences (Ier siècle avant J.-C.).
Ovide, l'Art d'aimer (env. 2 avant J.-C.).
Epictète, Manuel (début du IIe siècle).
Les Distiques de Caton (IIe siècle).
Zénobios, Proverbes (IIe siècle).
Les Purânas (recueil de sentences, IIe siècle).
Le Talmud (Ve siècle).
Le Koran (VIIe siècle).
Les Avadânas (contes et apologues, Xe siècle).
Les Proverbes au Vilain (1175).
Proverbes des Sages, Diz et Proverbes des Sages philosophes (1200).
John of Salisbury, Polycratici libri (XIIe siècle).
Wipo, Proverbia (XIIe siècle).
Albertano da Brescia, Liber consolationis et consilii (XIIIe siècle).
Saadi, Boustan (XIIIe siècle).
Le Roman de Renart (XIIIe siècle).
Ci commancent proverbes rurauz et vulgauz (compilation, 1317).
Hafiz, Odes (XIVe siècle).
Quinze joies de mariage (1420 env.).
La Farce de Maistre Patelin (1460 env.).
Villon, Ballade des proverbes (1460).
Erasme, Collectanea (1500), Chiliades (1508).
Gilles de Noyers, Proverbia galllicana (1558).
Baïf, Mimes, enseignements et proverbes (1576).
Cervantès, Don Quichotte (1615).
La Rochefoucauld, Réflexions ou sentences et maximes morales (1665).
La Fontaine, Fables (1668-1679).
Mme de Sablé, Maximes (1678).
Le chevalier de Méré, Maximes, sentences et
réflexions (1687).
La Bruyère, les Caractères (1688).
Vernace, Maximes morales et politiques (1690).
Corbinelli, Anciens Historiens réduits en maximes (1694).
Rancé, Maximes chrétiennes et morales (1698).
J. Kelly, Scottih Proverbs (1721).
Vauvenargues, Réflexions et maximes (1746).
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Maximes et sentences.
Voltaire, Dictionnaire philosophique (1764).
Joseph de Maistre (1753-1821), Maximes et pensées.
Napoléon (1769-1821), Maximes et pensées.
G. C. Lichtenberg, Aphorismen (1799).
Goethe, Maximen und Reflexionen (1842).
Jacques Prévert, Imaginaires (maximes).
Le proverbe, la maxime et la devise sont des énoncés normatifs lapidaires, fortement rythmés et souvent imagés, de longue durée de fonctionnement.
Ce qui distingue la maxime des deux autres genres est l'individualisme. Alors que le proverbe est puisé à un fonds commun de sagesse représentant la tradition, la maxime est une vérité écrite dont un auteur prend la reponsabilité. Elle est critique, incisive et volontiers ironique. Le proverbe ne fait que répéter la doxa, alors que la maxime la remet en cause ou en ruine les assises. Mais il ne s'agit pas seulement d'apporter une vision nouvelle: la maxime est un apophtegme qui a ambition de proverbe, elle est destinée à passer dans l'usage. La structure rythmique de la maxime a une double fonction: mnémonique et incantatoire. Un énoncé bien frappé s'imprime aisément dans la mémoire et crée le besoin de se faire répéter. Les maximes d'excellente facture ont une stabilité qui leur permet de passer à travers le temps.
Le proverbe est une courte maxime entrée dans l'usage courant. Du point de vue formel, il se distingue souvent par le caractère archaïque de sa construction grammaticale : par l'absence d'article, par l'absence de l'antécédent, par la non-observation de l'ordre conventionnel des mots. La structure rythmique du proverbe est souvent binaire. On y trouve l'opposition de deux propositions ou de deux groupes de mots à l'intérieur de la proposition. La rime ou l'assonance vient parfois souligner l'opposition. Cette structure est souvent renforcée par l'utilisation d'oppositions sur le plan lexical : la répétition des mots, la mise en présence syntagmatique de couples oppositionnels de mots. Les traits spécifiques du proverbe en français sont l'emploi du cas-sujet et du cas-régime dans les expressions nominales, la présence de compléments déterminatifs, l'ellipse des relatifs, les consécutives négatives, les relatives au subjonctif, l'infinitif substantivé ou servant de thème dans une phrase à prédicat, la conjonction de coordination et introduisant une principale, les phrases nominales et les constructions chiasmatiques.
La formulation archaïsante des proverbes renvoie à un passé non déterminé, leur confère une sorte d'autorité qui relève de la sagesse des anciens. Le caractère archaïque des proverbes constitue une mise hors du temps des significations qu'ils contiennent. Le présent employé est le temps anhistorique qui aide à énoncer, sous forme de simples constatations, des vérités éternelles. L'impératif, en instituant une réglementation hors du temps, assure la permanence d'un ordre moral sans variations.
La devise est une injonction réflexive exprimant un idéal. Mais la norme qui la fonde n'est pas, comme dans la maxime et le proverbe, générale. Elle ne concerne qu'un individu, une famille, une nation.
La terre d'élection des trois genres est le discours argumentatif. Le proverbe, la devise et ls maxime sont un moyen facile de communication avec l'auditoire (voir Perelman). Ils constituent des message dont la source originelle est inconnue ou voilée. Devenus a-contextuels, vides, ces faits énonciatifs s'offrent comme le lieu idéal de l'insertion de nouvelles instances émettrices qui, les manipulant à leur guise, en assument provisoirement la responsabilité. Ceci explique leur forte charge idéologique et leur fonctionnement comme signes univoques, mono- isotopiques, propriétés qui les rendent utiles lorsqu'il s'agit d'établir un consensus rapide entre idiolectes.
Dans la langue parlée, ils se distinguent de l'ensemble de la chaîne par le changement d'intonation : le locuteur abandonne momentanément sa voix et en emprunte une autre pour proférer un segment de la parole qui ne lui appartient pas en propre, qu'il ne fait que citer. C'est donc l'élément d'un code particulier, intercalé à l'intérieur de messages échangés.
Origines.
1) Origines du proverbe.
- Les civilisations archaïques et pré-chrétiennes (au Moyen-
Orient, en Asie, en Europe) véhiculaient des proverbes. Chez les
Sumériens et les Égyptiens (les deux plus anciennes civilisations
connues par l'écriture), les proverbes étaient rassemblés en
collections, à emploi sans doute pédagogique. Ils ont circulé
dans tout le Proche-Orient. Les Grecs et les Latins sont redevables de nombreux
proverbes au Proche-Orient ancien.
- Le proverbe peut être rapproché des lois et des textes religieux (ex.
le Livre des Proverbes). Mais le mot hébreu traduit "proverbe"
(Meshalim) signifie plutôt poème et désigne en fait
un exposé de morale religieuse, vs les proverbes populaires dont
le ton apparemment péremptoire est toujours tempéré par
l'humour, et dont les métaphores énigmatiques renvoient à
l'ambiguïté du réel.
- Civilisation gréco-romaine. Lien entre le proverbe et les autres genres de
la littérature orale. Très souvent, dans les fables d'Ésope, le
récit s'achève par une formule lapidaire qui résume l'histoire
et propose une moralité. Cette formule peut prendre son
indépendance, l'image surprenante renvoie à une histoire connue de
tous et qu'il n'est pas besoin de rappeler.
- Pour les auteurs antiques (Aristote, Sophocle, Théophraste, Quintilien,
Cicéron), le proverbe exprime un concept vrai. L'idée de la
vérité renfermée et exprimée par le proverbe est
acceptée par les rhéteurs, qui en font la base de
l'auctoritas du proverbe dans le discours. Le proverbe est un
élément utile dans la vie, parce qu'il donne des conseils reconnus
vrais, qui servent le long de la voie-vie de l'homme. Il est aussi défini
comme un discours obscur. Il doit attirer l'attention et inspirer le respect. Il renvoie
à une vérité commune et reconnue par tout le monde. Il est
le point d'insertion, dans le discours, du savoir commun de la collectivité ;
par là lui est conféré l'auctoritas, parce qu'il n'est
pas lié aux idées particulières de celui qui l'exprime.
Témoignage-assertion, reconnu juste et véridique à cause de
son caractère d'antiquité, incorruptible et
impérissable.
- Les proverbes grecs anciens. Les proverbes constituent le domaine
privilégié de la phrase nominale.
- Les proverbes latins. Ils pouvaient se présenter sous forme de phrases
complexes (Quem di diligunt Adulescens moritur, dum ualet, sentit, sapit
: Quand on est aimé des dieux, on meurt jeune, dans toute sa force, dans
tous ses sens et dans tout son bon sens). Les procédés les plus
fréquents : l'allitération, la brièveté, l'ellipse, la
répétition de mots, l'assonance, le raccourci d'expression, la
présentation en proposition infinitive.
- Pline, Sénèque, Quintilien, Lucrère, Virgile, Horace : par
leur souci de concision et leurs recherches stylistiques, recréent ou
créent des expressions proverbiales. Ainsi se constitue un trésor de
proverbes, d'origine généralement populaire, mais souvent aussi
réélaborés par la culture savante.
- Les Dits de Salomon et de Marcoul. Recueil qui attribue à la
sagesse légendaire du roi Salomon un dialogue en proverbes rimés,
circule depuis le Xe siècle en Europe, d'abord en latin puis, vers la fin du
XIIIe siècle en français.
- XIIe et XIIIe siècles. Le proverbe est alors un "énoncé
à caractère universel" emprunté aux philosophes et sages
de l'Antiquité ou à la sagesse dite populaire. Les théoriciens
lui prêtent une qualité particulière : un caractère
métaphorique ou allégorique qui permet de l'adapter au contexte,
surtout dans l'exorde et la conclusion.
- Les proverbes sont omniprésents dans la culture du Moyen Age. Ils
reflètent les rapports de forces, les tensions et les conflits de la
société féodale ("L'argent ard gens") ou évoquent
des rivalités anciennes entre régions ("Niais de Sologne qui ne se
trompe qu'à son profit"). Ce sont des proverbes malléables. Les
clercs qui les utilisent les réélaborent sans cesse. Ils faisaient
autorité, à côté de la Bible, dans les sermons. Se sont
constitués à l'usage des prédicateurs des recueils de
proverbes : Hic incipiunt proverbia in gallico, Principia quorundam
sermonum qui démontrent pratiquement comment l'on peut prendre
des proverbes comme point de départ de sermons. Les proverbes sont
appuyés de citations bibliques. On ne trouve pas de recueils similaires dans
d'autres pays européens (ni en Allemagne ni en Espagne).
- A la fin du XIIe siècle, Mathieu de Vendôme propose une
définition qui donne à cet élément une place
essentielle : "Le proverbe est une sentence commune à laquelle l'usage
accorde foi, que l'opinion publique adopte et qui correspond à une
vérité confirmée". La sentence mémorisée
devient proverbe : la répétition, la projection dans la
mémoire du peuple la fait passer du particulier au collectif.
- C'est au XIIIe siècle que le mot proverbe apparaît en
France, dans les fables de Marie de France.
- Les Distiques de Caton. Ils fournissaient au Moyen Âge en
épigraphes la plupart des ouvrages. Au XIIIe siècle, le recueil latin
devient par le travail de traducteurs une collection de proverbes. Jusqu'au XVIIIe
siècle, des éditions et traductions italiennes, allemandes,
hollandaises paraissent.
- Proverbes des Sages, Diz et Proverbes des Sages philosophes. XIVe et
XVe siècles. Ce sont des quatrains moraux. Certains ont eu un tel
succès qu'un certain nombre d'entre eux sont passés en proverbes
et ont été introduits comme tels dans les recueils populaires.
- XVe et XVIe siècles. Les créateurs procèdent soit par
simple juxtaposition de proverbes faisant voler leur sens en éclats (Villon,
Ballade des proverbes), soit par accumulation qui mélange
proverbes authentiques et proverbes inventés (Rabelais,
Gargantua, XI), soit encore par commentaires provocateurs (Montaigne et
Cervantès).
- Philippe Béroalde, Oratio proverbium (1499) : pose l'adage
comme riche d'une sagesse qu'il faut dévoiler et développer.
- Erasme a été parmi les premiers à fournir une
définition du proverbe, à étudier son apport culturel et
à préparer lui-même, entre 1500 et 1530, un recueil d'adages.
Il publie à partir de 1500 plusieurs volumes d'adages. Le proverbe est pour
Erasme un des moyens les plus sûrs d'éviter le langage trivial.
Fonction discriminative du proverbe qui permet de ne pas s'exprimer comme tout le
monde. Erasme saisit des fragments du langage populaire pour mieux se
démarquer de ce même langage. Nécessité que le
proverbe soit grec ou latin. "Parole connue qui se distingue par quelque origine
spirituellement savante". La définition l'oriente du côté de la
culture savante et du côté de l'ornement stylistique. Il n'est pas
question d'un contenu moral. Métaphore, allusion savante. Mais pas la
comparaison : cette dernière est trop explicite pour servir d'ornement au
discours, et condamne une sentence comme "L'envie, comme le feu, gagne ce qui
est au-dessus d'elle". Métaphore et ellipse s'y conjuguent pour leur
conférer cette obscurité minimale sans laquelle, pour Erasme, il
n'est point d'adage.
- Les Humanistes collectionnaient les proverbes. Ils citaient des Proverbia
rustica et des sententiae littéraires. C'est au XVIe
siècle que l'on commence à commenter les proverbes. Les ouvrages
: Henri Estienne, Projet de livre intitulé de la Précellence du
langage françois (1579); Étienne Pasquier (1529-1615),
Recherches de la France; Fleury de Bellingen, l'Étymologie
ou explication des proverbes français, divisée en trois livres par
chapitres en forme de dilaogue (1656); Antoine Oudin, Curiosités
françaises, pour supplément aux dictionnaires. Recueil de plusieurs
belles propriétés, avec une infinité de proverbes et quolibets,
pour l'explication de toutes sortes de livres (1640).
- Ils sont passés de l'abus à la déchéance sociale.
Parodie de Rabelais et de Cervantès.
- Liés à la rhétorique, à l'emploi courtisan et
lettré au XVIe siècle, ils sont renvoyés au "populaire" aux
XVIIe et XVIIIe siècles. Alors se développe la maxime, l'aphorisme
individuel.
- Au XVIIe siècle, les soulèvements populaires obligent les
intellectuels à prendre parti pour ou contre leur emploi. César Oudin
(1640) dans les Curiosités françaises, classe les proverbes
ou expressions proverbiales en catégories : familières, vulgaires,
basses, triviales.
- Les proverbes sont, jusqu'à la fin du règne de Louis XIII, le
support d'un jeu qui fait fureur dans les salons parisiens et les collèges :
saynètes, énigmes dont le "mot" est un proverbe. Mais
après la Fronde (1648), les proverbes deviennent la cible des intellectuels
de Louis XIV. La Fontaine, à contre-courant, admire les proverbes, en fait la
trame de ses fables et en cite quelques uns en langue vernaculaire (ex. : "le Loup,
la mère et l'enfant", Fables, IV, 16, s'achève sur un
proverbe picard). Indifférenciés au XVIe siècle, le proverbe
et la maxime vont dissocier leurs destins au XVIIe siècle. Les maximes sont
dorénavant les "proverbes des gens d'esprit". Le proverbe passe de mode
et se trouve abandonné à la culture populaire, au burlesque, aux
valets et aux paysans de la comédie.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles : discrédit du proverbe, floraison de la
maxime. Adrien de Montluc donne la Comédie de proverbes
(1616), où il les met en litanie pour en ridiculiser l'emploi. Vaugelas, dans
ses Remarques sur la langue française (1647) proscrit le proverbe.
Concurremment la maxime fleurit.
- Au XVIIIe siècle, en France : le proverbe dramatique = courte
pièce de théâtre dont le titre et le mot de la fin est un
proverbe laissé à la sagacité du spectateur. Carmontelle
(1717-1806).
- Le jeu des proverbes reste à la mode jusqu'au XVIIIe siècle (avec
Collé, Carmontelle et Berquin).
- L'éveil des nationalités et le romantisme vont remettre à la
mode les contes et les proverbes. Sont effectués en France les premiers
recensements systématiques. Ex. : celui de La Mésangère
(1827) et le Livre des proverbes français d'Antoine Leroux de
Lincy (1840). La recherche philologique allemande suit à partir de 1859.
Edmund Stengel, Adolf Tobler.
- Cette vogue produit plusieurs oeuvres originales où la culture populaire
semble regénérer l'art salonnier : Quitte pour la peur
(1833) d'A. de Vigny et On ne badine pas avec l'amour (1834) et
Comédies et proverbes (1840) d'A. de Musset.
2) Origines de la devise.
Les cris de guerre médiévaux permettant
l'identification des combattants au visage caché par le heaume. Sentences
accompagnant les emblèmes héraldiques. La mode des devises date
des guerres d'Italie : imitant la noblesse, écrivains et imprimeurs
signèrent leurs oeuvres de formules plus ou moins emblématiques
ou anagrammatiques, de Clément Marot ("La mort n'y mord") à
Maurice Scève ("Non si non là"). Tourné en dérision
par du Bellay (Défense et Illustration de la langue
française, II, 11), l'usage de la devise disparut après
1565.
3) Origines de la maxime.
- Chez les latins : phrase dans laquelle on dit beaucoup de choses en peu de mots.
Idéal chez les Romains : la concision. Substantifs plus que verbes. Art de la
concision. Économie de roches sur lesquelles on écrivait. Les
écrivains en créaient. De l'écriture au proverbe.
- Pour Quintilien, la brevitas s'oppose à la copia, elle
se signale par la densité d'une forme qui dit beaucoup en peu de mots. Ce
souci de concision, lié à l'exigence de la clarté demeurera
à toutes les époques la vertu classique par excellence.
- Au Moyen Age, la doctrine des Pères de l'Église est
compilée sous forme de sentences par Anselme de Laon, Pierre Lombard,
Robert de Melun, etc. La sentence est d'essence théologique mais elle
garde son caractère de proposition personnelle. Le plus
célèbres des sententiaires est Pierre Lombard. Il a laissé un
recueil de textes des Pères dogmatiques, dans lequel sont
rassemblés des sentences sur des problèmes très
variés.
- Cette mode continue au XVe siècle, mais en français et sous
forme de quatrains moraux, avec Gui de Faur de Pibrac, Antoine Faure, Pierre
Matthieu. Ronsard formule de nombreuses maximes dans son poème
Sur l'adolescence du roi très-chrétien.
- La mode des maximes fait fureur dans le monde des précieuses. La
maxime correspond au goût si vif du temps pour tout ce qui touche à
l'analyse psychologique.
- La maxime en tant que genre spécifique contribuant à renouveler
l'analyse morale et psychologique n'est véritablement apparue que dans
l'entourage de Mme de Sablé, Jacques Esprit, La Rochefoucauld. La
tradition est reprise au XVIIIe siècle par Chamfort, Voltaire et Diderot.
Postérité.
- Les poèmes gnomiques, qui mettent en vers des maximes.
- L'esthétique du fragment. Frédéric Schlegel. Les
textes de l'Athenaeum.
- Les clichés sont poursuivis depuis le romantisme. La formule
clichée n'a de valeur que comme moyen trop facile de communion avec
l'auditoire. Les beaux esprits ne veulent pas vivre de recettes. A la condamnation
d'expressions jugées triviales et populaires s'ajoute le refus d'une
"sagesse" perpétuant sa loi sous forme d'une mise en fiche proverbiale du
comportement de l'individu. Le déclin du proverbe s'est
accompagné d'un renoncement progressif à la métaphore.
Les proverbes attestés plus récemment dans les recueils
s'éloignent du domaine concret pour évoquer plus
littéralement et sur un mode abstrait le monde moral et affectif. Beaucoup
d'énoncés abstraits et moralisateurs sont attestés
dès les premiers manuscrits ("L'homme propose et Dieu dispose", "Qui
aime bien châtie bien"), mais ce qui a été perdu avec le
temps, ou parfois avec la modernisation syntaxique, c'est la force de la formule, sa
frappe (prosodie, rime, etc.), comme si elle jouait le même rôle que la
métaphore dans les autres énoncés : celui d'une griffe
authentifiant le proverbe. L'appauvrissement du fonds proverbial français va
de pair avec la perte d'une exigence rhétorique, comme si désormais
plus rien du savoir humain ne pouvait se mettre en images ou en formules.
- Le peuple continue à créer des proverbes, qui affleurent et se
répandent en période de crise, lorsqu'un groupe social ou une nation
opprimée se trouvent obligés d'affirmer leur identité et leur
force. Ex. : ceux qui sont apparus sur les murs de Nanterre en mai 1968 :
"Métro, boulot, dodo" et "Sous les pavés la plage".
- Les slogans, les mots d'ordre, constituent des maximes élaborées
pour les besoins d'une action particulière. Ils doivent s'imposer par leur
rythme, leur forme concise et facile à retenir, mais ils sont adaptés
aux circonstances, doivent toujours être renouvelés et ne participent
pas encore au large accord traditionnel dont jouit le proverbe. Leur rôle est
celui d'imposer, par leur forme, certaines idées à notre attention.
Les slogans publicitaires ("Un verre ça va, trois verres, bonjour les
dégâts").
- Les substitutions dans les proverbes pratiquées par les
surréalistes (Breton et Éluard). Ex. : Il faut battre sa mère
pendant qu'elle est jeune. Travail de dérision de la signification, de
Rrose Sélavy de Desnos aux Mots sans
mémoire de Leiris.
- Les métaproverbes. Le détournement systématique
d'expressions proverbiales et de proverbes, à la fois sur le plan
phonétique et sémantique. Les métaproverbes ironisent sur
les slogans publicitaires et sur les principes de notre société. Ex. :
"On a souvent besoin d'un plus petit que soi, pour lui casser la gueule" (Pierre
Péret) ou les Proverbes d'aujourd'hui, de Guy
Béart.
- Le wellérisme. Sam Weller, le héros de Charles Dickens dans
Monsieur Pickwick cite des chapelets de phrases sentencieuses. Sam
Weller a donné son nom aux wellérismes. Déjà
attesté au IIIe siècle avant notre ère, le wellérisme
est la contestation parodique de la parémie, dont il tourne en ridicule
l'argument d'autorité. Il comporte trois séquences : le premier
segment est soit une parémie soit une pseudo-parémie; le
deuxième, introduit par la formule "comme disait un tel", attribue la citation
à un "héros", un personnage historique ou légendaire, et le
circonstant apporte la touche comique.
- Le genre est redécouvert au cinéma. Ex. : Éric Rohmer
qui, entre 1981 et 1988, regroupe un ensemble de six films sous le titre
général Comédies et proverbes.
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