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Extraits. |
L'Homme rapaillé. Mécanique jongleuse. Autoportraits. |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début et fin. Des années soixante à
aujourd'hui.
Lieux. Le Québec.
Années soixante.
Gilles Hénault (1920-1996), Sémaphore suivi de Voyage au pays de mémoire (1962).
Pierre Perreault (1927-), Portulan (1961).
Gaston Miron (1928-1996), L'Homme rapaillé (1970).
Paul-Marie Lapointe (1929-), Pour les âmes (1964).
Roland Giguère (1929-), L'Âge de la parole (1965, poèmes 1949-1960).
Michel van Schendel (1929-), Poèmes de l'Amérique étrangère (1958).
Fernand Ouellette (1930-), Dans le sombre (1967).
Jean-Guy Pilon (1930-), Comme eau retenue (1968).
Gatien Lapointe (1931-1984), Ode au Saint-Laurent (1963).
Jacques Brault (1933-), Mémoire (1965).
Yves Préfontaine (1937-), Pays sans parole (1967).
Gérald Godin (1938-1995), Cantouques (1967).
Paul Chamberland (1939-), Terre Québec (1964).
Années soixante-dix.
Denise Boucher (1935-), Cyprine (1978).
Suzanne Paradis (1936-), Les Chevaux de verre (1979).
Madeleine Gagnon (1938-), Antre (1978).
Gilbert Langevin (1939-1996), Mon refuge est un volcan (1978).
Michel Garneau (1939-), Moments (1973).
Gilles Cyr (1940-), Sol inapparent (1978).
Michel Beaulieu (1941-1985), Variables (1973).
Pierre Morency (1942-), Torrentiel (1978).
France Théoret (1942-), Bloody Mary (1977).
Nicole Brossard (1943-), Le Centre blanc (1978, poèmes 1965- 1975).
Marcel Bélanger (1943-), Migrations (1979).
Alexis Lefrançois (1943-), Rémanences (1977).
André Roy (1944-), Les Passions du samedi (1979).
Jean Charlebois (1945-), Plaine lune suivi de Corps fou (1980).
Juan Garcia (1945-), Corps de gloire (1989, poèmes 1963- 1988).
Jean-Yves Collette (1946-), La Mort d'André Breton (1980).
Lucien Francoeur (1948-), Les Néons las (1978).
Denis Vanier (1949-), Lesbiennes d'acid (1972).
Michel Gay (1949-), Oxygène/Récit (1978).
Normand de Bellefeuille (1949-), Les Grandes Familles (1977).
Josée Yvon (1950-1994), Filles-commandos bandées (1976).
Roger Des Roches (1950-), "Tous, corps accessoires..." (1979, poèmes et
proses 1969-1973).
François Charron (1952-), Blessures (1978).
Années quatre-vingt et quatre-vingt dix.
André Brochu (1942-), Delà (1994).
Louise Desjardins (1943-), Les Verbes seuls (1985).
Pierre Nepveu (1946-), Mahler et autres matières (1983).
Michel Lemaire (1946-), Ambre gris (1985).
Jean-Paul Daoust (1946-), Dimanche après-midi (1985).
Robert Mélançon (1947-), Territoire (1981).
Claude Beausoleil (1948-), Une certaine fin de siècle (1983).
Yolande Villemaire (1949-), Adrénaline (1982).
Paul Chanel Malenfant (1950-), En tout état de corps (1985).
Anne-Marie Alonzo(1951-), Veille (1982).
Marie Uguay (1955-1981), Autoportraits (1982).
Louise Warren (1956-), L'Amant gris (1984).
Michael Delisle (1957-), Mélancolie (1985).
Élise Turcotte (1957-), La Terre est ici (1989).
Hélène Dorion (1958-), Sans bord, sans bout du monde (1995).
La poésie québécoise contemporaine a commencé à se manifester d'une manière décisive à partir des années soixante. Certes, quelques recueils importants avaient été publiés dans les années cinquante, notamment le Tombeau des rois d'Anne Hébert et les Armes blanches de Roland Giguère, mais l'activité poétique restait somme toute assez marginale et ne s'inscrivait pas encore vraiment dans une continuité et dans une durée. L'essor de la poésie au début des années soixante coïncide avec celui de la Révolution tranquille. Certains commentateurs ont pu dire que ce sont les poètes qui ont donné l'impulsion initiale au mouvement collectif: tout en étant plausible, cette thèse reste difficile à prouver dans les faits. Une chose est sûre cependant, c'est que l'enthousiasme général de l'époque a favorisé l'émergence d'un grand nombre d'oeuvres poétiques.
Les années soixante. La plupart des textes poétiques majeurs des années soixante relèvent de l'esthétique de la fondation: il s'agit de ce que l'on a convenu d'appeler la "poésie du pays". On retrouve dans cette poésie les grands thèmes de la Révolution tranquille: le commencement, la naissance, la construction du pays, l'affirmation de soi, etc. Cependant, dans le cadre du poème, ces grands thèmes positifs perdent de leur évidence et deviennent problématiques. Tout en cherchant à parler de naissance et de commencement, le poète évoque sans cesse son absence au monde et à lui-même, le manque, le vide, l'étrangeté du réel, la perte, la folie, etc.; il parle au fond de sa difficulté à être et à vivre, à naître et à commencer. Le pays apparaît alors comme la métaphore de la pleine présence au monde et à soi-même, du manque, du vide à combler. L'utopie de la poésie du pays est donc, comme le dit Pierre Nepveu dans l'Écologie du réel, "inséparable d'une conscience de la dégradation de l'être" (p.121).
Dépossédé du monde, le poète cherche à se le réapproprier symboliquement: il veut nommer les choses, les célébrer, dire l'amour, la nostalgie, la révolte, etc. D'où le lyrisme, les poèmes amples et élégiaques qui, s'inspirant d'Alain Grandbois, renouent avec la grande tradition de la poésie lyrique. Tous les procédés typiques de la poésie lyrique sont utilisés: métaphore, anaphore, hyperbole, exclamation, etc. Les poèmes, en vers libres, varient beaucoup dans leur forme, mais en général ils sont assez longs et étoffés. En outre, une grande importance est accordée non seulement à l'individu, à ses sentiments et ses passions, mais aussi à la collectivité, comme en témoigne la présence du "nous" (renvoyant au peuple québécois) dans un grand nombre de poèmes. Le poète n'est plus seul (comme à l'époque de Saint-Denys Garneau), il s'adresse à des destinataires précis (les poèmes sont fortement dialogiques), il a un "message" d'espoir à formuler et n'a pas peur de se compromettre en parlant des problèmes politiques et sociaux qui secouent le Québec et le reste de la planète. Cette "transitivité" de la poésie des années soixante se traduit dans la forme par une grande lisibilité: refus de l'hermétisme, de l'éclatement des structures et utilisation "raisonnable" des apports du surréalisme.
Les années soixante-dix.
Les poètes de
la deuxième période, qui couvre à peu près les
années soixante-dix, vont précisément rejeter cette
"transitivité", ce lyrisme, ce travail de fondation. La poésie
de cette période est moins homogène, plus diversifiée
et plus éclatée. Obéissant à une
esthétique de la transgression, les poètes s'appliquent
à subvertir les lois et les idéologies, à renverser les
tabous, bref à déranger l'ordre établi, autant celui de
la société que celui du langage; ils écrivent autour de
nouveaux thèmes: la ville, le corps, le quotidien,
l'américanité, etc. (voir Denis Vanier, Lucien Francoeur). Il
y a parfois encore du lyrisme, mais c'est un lyrisme "décadent",
ironique. S'inspirant du structuralisme français, ils traitent le
texte comme un thème (voir Nicole Brossard et Roger Des Roches). Ils
pratiquent une poésie expérimentale, qui se nourrit de
réflexions théoriques, et dont le but est de remettre en
question le langage poétique tel que le concevaient les poètes
des années soixante. Au nom de l'esprit critique, ils refusent de
faire confiance aux mots, de s'abandonner à la "magie" du langage:
c'est l'ère du soupçon; la poésie doute de la
poésie. Leur travail consiste à subvertir les règles et
les codes du langage, à le déconstruire, à le
désarticuler. Ils veulent attirer constamment l'attention du lecteur
sur le texte en train de s'écrire, sur le jeu du langage (conscience
créatrice). Il n'y a plus de sujet (la subjectivité est soit
évacuée, soit éclatée), ni de sens à
proprement parler: il n'y a que le texte. L'hermétisme et la
complexité de cette poésie ont rebuté le public, qui ne
comprenait pas grand-chose à ces expérimentations, à
ces jeux savants.
Les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.
Cette crise de la poésie prend fin dans
les dernières années de la décennie soixante-dix. Aux
grands éclats de l'avant-garde succède une poésie plus
"modeste", moins tonitruante, qui va s'imposer jusqu'à aujourd'hui.
Rompant d'une certaine façon avec l'idéologie de la rupture et
de la déconstruction, cette poésie redonne une place
importante à l'individu, à la subjectivité et renoue
avec la simplicité et la limpidité. On peut qualifier cette
poésie de "poésie intimiste". Dans un langage souvent
dépouillé, éloigné de toute rhétorique
(les "effets" et les métaphores sont assez rares dans la plupart des
oeuvres), les poètes cherchent à exprimer la
"vérité" de leur expérience intérieure, à
dire les sensations et les impressions qu'ils éprouvent dans leur
contact avec le réel. Les titres à cet égard sont assez
évocateurs: par exemple, Moments fragiles de Jacques Brault et
Intérieurs de France Théoret. A l'ère du
multi-média, le réel apparaît comme de plus en plus
difficile à cerner: les poètes justement, dans cette
étrangeté du monde, essaient par les mots de le saisir, de lui
redonner un sens. Donc ces poètes ont quelque chose à dire, et
ils le disent à quelqu'un (présence très forte
du destinataire). Les textes sont souvent contaminés par la prose du
récit et de l'essai (le poème en prose est pratiqué
autant que le poème en vers libre): les poètes racontent et
réfléchissent beaucoup dans leurs poèmes, ils analysent
leur rapport au réel autant qu'ils l'expriment, renouant en cela avec
la poésie de Saint-Denys Garneau, d'Anne Hébert et de Roland
Giguère.
Origines.
1) La poésie surréaliste
française: Éluard, Breton, Char. La tradition lyrique,
représentée au Québec par Alain Grandbois.
2) Le surréalisme, redécouvert chez Giguère, Hénault,
Gauvreau et Paul-Marie Lapointe. Le structuralisme et le formalisme de la
revue Tel Quel (Philippe Sollers, Denis Roche). La psychanalyse (Julia
Kristeva). La poésie "beat" et la contre-culture américaine
(Ginsberg, entre autres). Le féminisme.
3) Les oeuvres de Saint-Denys Garneau, Anne Hébert et Roland Giguère.
BEAUSOLEIL, Claude, les Livres parlent, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 1984, 235p.
MARCOTTE, Gilles, le Temps des poètes, Montréal, Hurtubise HMH, 1969, 247p.
MARCOTTE, Gilles, Littérature et circonstances, Montréal, L'Hexagone, 1989, 350p.
NEPVEU, Pierre, l'Écologie du réel (mort et naissance de la
littérature québécoise contemporaine),
Montréal, Boréal, 1988, 243p.
NEPVEU, Pierre et MAILHOT, Laurent, la Poésie québécoise (anthologie),
Montréal, L'Hexagone, 1990, 642p.
ROYER, Jean, la Poésie québécoise contemporaine, (anthologie),
Montréal, L'Hexagone et Paris, La Découverte, 1987, 255p.
ROYER, Jean, Introduction à la poésie
québécoise, Montréal, Bibliothèque
québécoise, 1989, 295p.
TEMPLE, Frédéric-Jacques, Québec vivant (anthologie),
préface de Pierre Nepveu, Marseille, Sud, "Domaine étranger", 1986, 222p.
Aide pour les pages des genres littéraires.
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