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Extraits. |
La Guerre du Péloponnèse. Dits et écrits. |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début. Au moins IXe siècle
avant J.-C. Fin. Toujours actuel.
Lieux. France, Chine et bien d'autres sociétés admettant la
controverse et s'y intéressant assez pour en faire un spectacle.
Débat opposant Lysias à Socrate dans le Phèdre de Platon (428-348)
Débat entre Cléon et Diodote (-427, dans Thucydide, la Guerre
du Péloponnèse, III, 37-48).
Débat sur l'expÉditions de Sicile (id., VI, 9-23).
Idéalisme et matérialisme dans la conception de l'histoire,
conférence de Jean Jaurès et réponse de Paul Lafargue, 12
janvier 1896.
La Culture est-elle en péril? Débat sur ses moyens de diffusion
: presse, cinéma, radio, télévision, conférences
et entretiens organisés par les rencontres internationales de Genève,
1955 (Georges Duhamel, Wladimir Porche, Giacomo Devosto, André
Chamson, Ilya Ehrenbourg et Jean de Salis).
De la nature humaine, justice contre pouvoir : débat entre Michel
Foucault et Noam Chomsky à la télévision
néerlandaise, novembre 1971 (in Michel Foucault, Dits et
écrits, II : 1970-1975).
Débat Bourassa-Bourgault sur le référendum (27/03/80).
Débat Tapie-Le Pen (TF1 le O8/12/89).
Demain les jeunes (F2 le 28/03/94).
Sidaction (F3 le 07/04/94).
Émissions de télévision françaises.
Le Débat (M. Cotta, TF1);.
Droit de réponse (Michel Polac).
Apostrophes, Bouillon de culture (Bernard Pivot, F2).
Le Point sur la table (A. Sinclair, TF1).
Duels (J.-C. Bourret, la Cinq).
Salon littéraire (Julia Kristeva, la Sept).
Dissensus (O. Duhamel, la Sept).
La Marche du siècle (J.-M. Cavada, F3).
Émissions de télévision américaines.
Nightline (ABC).
MacNeil-Lehrer News Hour (PBS).
Émissions de télévision canadiennes.
Le Point (Radio Canada).
Droit de parole (Radio Québec).
Discussion (= conversation comportant une composante argumentative importante) entre des personnes qui ne sont pas du même avis, à propos d'un objet de discours particulier et se déroulant dans un cadre préfixé. Echange discipliné. Sont en partie prédéterminés la longueur du débat, la durée et l'ordre des interventions, le nombre des participants et le thème de l'échange. Le débat comporte en général un public et un modérateur chargé de veiller à son bon déroulement.
Il se caractérise par un dispositif énonciatif plus complexe que celui des échanges privés : à un premier niveau, les débatteurs se parlent, occupant alternativement les fonctions émettrice et réceptrice, le modérateur intervient, qui assure la fonction de structuration de l'échange, à un second niveau les auditeurs/spectateurs écoutent et voient les participants du premier niveau et sont confinés à leur rôle de purs récepteurs, tout en étant souvent les principaux destinataires des propos tenus: dans certains débats, il s'agit moins pour le débatteur de convaincre l'adversaire que le public (trope communicationnel). L'instance de réception est hétérogène, et il revient au débatteur de gérer au mieux cette hétérogénéité.
Le débat ne vise pas toujours l'accord; il s'oppose en cela à la discussion (= dialogue où les interlocuteurs recherchent honnêtement et sans parti pris la meilleure solution à un problème controversé, où chaque partie est prête à modifier son opinion si on lui apporte des arguments pertinents). Dans le débat électoral, lors de l'affrontement de l'avocat et de l'accusation devant un tribunal, il n'est pas question que les points de départ soient remis en cause chez chaque partie. Ils sont au contraire défendus jusqu'au bout, les concessions, quand elles interviennent, concernant quelques aspects accessoires qui permettent de mieux assurer l'essentiel. La confrontation n'a pas pour objet l'établissement de la vérité (cf. le dialogue platonicien) mais le succès dans le combat. C'est un discours apparenté à la querelle (= forme de dialogue où chaque acteur s'en prend verbalement à l'autre; qui naît dans un climat d'entêtement ou d'agressivité qui dégénère; où aucune des parties n'est prête à changer d'opinion, même devant une réfutation argumentée et convaincante. Chaque acteur veut vaincre, voire humilier l'autre), l'objectif de chacun des participants étant de l'emporter sur l'adversaire en utilisant des arguments logiques ou non. Mais il diffère de la querelle, en ce sens que l'objectif réel des parties en présence est d'impressionner une troisième partie, juge ou auditoire, qui se prononcera sur la valeur des arguments utilisés. Contrairement à la querelle encore, le débat est régi par des règles parfois précisées à son ouverture. Le débat n'est donc pas un dialogue éristique. Sa nature mixte associe des éléments de la discussion à d'autres de la querelle.
Au cours d'un échange cependant, on peut observer le glissement d'un type de dialogue à un autre : des procédés comme l'attaque 1, l'argument ad hominem, l'injure, l'intimidation font dériver le débat vers la querelle.
Le débat est une pratique sociale : son exercice est le monopole de personnes spécialement habilitées à cet effet (cf. le discours oratoire, le plaidoyer, le discours de la magie). Il est soumis à autorisation. Pour pouvoir prendre la parole, il faut posséder une qualité, être membre ou représentant d'un groupe. Il est de plus limité quant à sa durée, son objet, le moment où il peut avoir lieu : il existe en cette matière des coutumes et des règlements. L'échange n'est pas libre, les écarts hors du sujet sont sanctionnés d'un rappel à l'ordre; on ne doit pas sortir de la question. Le langage du débat se distingue de l'expression individuelle spontanée.
Origines.
1) La discussion privée.
2) Les débats antiques.
- Forme originelle : les chefs prennent la parole devant
l'assemblée des hommes en armes inquiets pour leur propre salut et
réceptifs à l'éloquence des généraux qui, au
Ve siècle, sont aussi des hommes politiques, souvent
rompus à l'éloquence. Ex. de discours contradictoires liés
à la vie militaire : le chef Nicias, pendant l'expÉditions
d'Athènes contre Syracuse (415-413), tient deux discours contradictoires
à l'assemblée des combattants et à l'assemblée
d'Athènes (encourage l'une, alarme l'autre).
- Les débats homériques (IXe
siècle avant J.-C.). Les occasions dans lesquelles parlent les héros
de l'Iliade sont en général les réunions de
l'assemblée. La querelle qui occupe le premier livre de l'Iliade :
joute oratoire dans un contexte para-judiciaire. Dans le livre III, description du
tribunal (v. 497-508) : la discussion entre les adversaires se déroule devant
le peuple réuni en assemblée, qui écoute et encourage,
intervenant dans le débat. Le modèle de l'assemblée
homérique : le public délibère après avoir entendu
les discours élaborés par ceux qui se lèvent pour
parler.
- Les débats de la démocratie athénienne, qui
nous sont parvenus sous forme de paraphrases données par Thucydide (les
politiques n'écrivent pas leurs discours). Ex. : le débat entre
ambassadeurs à Sparte à la veille du conflit, le débat entre
Cléon et Diodote, les débats entre Spartiates et Platéens et
entre Athéniens et Méliens.
- La joute éristique. Duel au cours duquel on ne recherche pas
l'accord mais la victoire. Exercice auquel assiste le public comme à un
spectacle sportif, appréciant l'habileté des orateurs et leur savoir.
L'art de la controverse a pris son élan au temps des sophistes grecs
(Ve siècle avant J.-C.) et a trouvé son expression
systématique dans les Topiques d'Aristote (vers 350 avant J.-C.). C'est en référence à cette pratique qu'Aristote formule
sa conception de la dialectique, dont la particularité est de renouer avec une
tradition rejetée par Platon, qui est celle des rhéteurs et des
sophistes. La dialectique pour Aristote est un art du probable, qui permet de
soumettre n'importe quelle thèse à l'épreuve du pour et du
contre. Ex. : les discours contradictoires de Carnéade sur la justice, en 155
avant J.-C. la carneada divisio, technique d'argumentation
développée par Carnéade, qui consiste en l'examen
systématique d'un problème selon la procédure du pour et
du contre.
Les Topiques : traité à la formation des
dialecticiens. Offre une méthode de discussion dialectique. L'entretien
dialectique n'est pas une libre conversation. L'échange verbal y est pris
dans un réseau de conventions et de règles. Les partenaires ont une
fin commune, en vue de laquelle ils unissent leurs efforts et qui est de donner
à leur affrontement un contenu riche et une forme régulière.
C'est pourquoi la présence d'un auditoire ou d'un arbitre paraît
normalement requise. Il faut que les partenaires soient des dialecticiens
expérimentés, faute de quoi l'on s'expose à voir le
débat s'envenimer. Déroulement : avant la discussion proprement
dite, un certain nombre d'opérations préliminaires sont
indispensables. Une fois désignés les deux partenaires et une fois
déterminés le rôle de questionneur ou de répondant
imparti à chacun d'eux, la plus importante des opérations est le
choix du problème qui fera l'objet de la discussion.
- Les discours fictifs, conçus pour des débats imaginaires.
Ex. : Isocrate, discours composés entre 380 et 339.
3) Débat = genre poétique dialogué que les trouvères et les troubadours cultivaient depuis le début du XIIe siècle, d'abord en latin, sous le nom de disputatio, puis en langue vulgaire. Joute verbale au cours de laquelle les lutteurs se mesurent à armes rhétoriques égales. Il n'y a ni vainqueur ni même véritable jugement. La fonction ludique l'emporte.
4) La disputatio médiévale. (voir la description de Barthes). Tout est codifié, ritualisé dans un traité qui règle la disputatio, pour empêcher la discussion de dévier : l'Ars obligatoria (XVe siècle). Le matériel thématique de la dispute vient des Topiques.
5) La disputation au XVIe siècle : discussion publique sur les grands problèmes de théologie. Une des plus célèbres est la disputation de Berne (1528).
Postérité.
1) Postérité littéraire.
Débat = oeuvre qui
prend la forme d'une discussion entre plusieurs personnes (ou des
personnifications, des abstractions) sur un thème donné. La fiction
du débat impose usuellement la présence d'un juge, auquel il revient
de décider de l'issue de la discussion. Auteurs et oeuvres : les
pièces d'Aristophane (445-386), les Nuées (-423),
les Grenouilles (-405); les églogues de Théocrite (315-
250) et de Virgile (1er siècle avant J.-C.); Débat sur le sel et le
fer (-81, ouvrage chinois de philosophie politique. Les idées
contradictoires des confucéens et des légistes sur les
problèmes du gouvernement y sont exposées sous forme de
dialogues); la Psychomachie de Prudence (fin IVe-
début Ve); Alcuin (735-804), Conflictus Veris et
Hiemis; Altercatio Phyllidis et Florae (XIIe
siècle); Débat du clerc et du chevalier
(XIIe-XIIIe siècles); Rutebeuf
(XIIIe siècle), Débat du croisé et du
décroisé; Alain Chartier (1385-1435), Débat des
deux amants, Débat patriotique, Quatre Dames;
Villon (1431-1463), Débat du coeur et du corps; Christine de
Pisan (XVe siècle); Louise Labbé,
Débat de Folie et d'Amour (1555); A. Marvell, A Dialogue
between the Resolved Soul and Greated Pleasure (v. 1640).
2) Le débat public moderne : le débat
télévisé (= débat mettant en scène des
locuteurs ratifiés réunis devant un auditoire invisible, sur un plateau
de télévision).
Le débat-querelle.
Dans le contexte français, des
émissions (Droit de réponse, Ciel mon mardi, les
Absents ont toujours tort) ont favorisé la dérive vers le
débat-querelle spectaculaire. L'échange échappe au
contrôle de l'animateur. Procédés : ratés de la
conversation, chevauchements, interruptions, démarrages concurrentiels,
procédés opérateurs de blessures narcissiques.
On a tenté de renouveler le genre à l'aide d'une
scénographie de ring, de combat de catch (débat Tapie-Le Pen) et
d'une forte présence de l'animateur. Mais la formule s'est
essoufflée.
Le débat électoral.
Où s'ajoute la présence de deux journalistes
sabliers (lors du duel pour les présidentielles).
Le maxi-débat, le débat-marathon.
Débats
ambitieux, par le nombre des participants actifs (400 jeunes ratifiés sur le
plateau de Demain les jeunes; des dizaines d'invités et un public
de 1000 personnes très actives pour le Sidaction) et par la
durée (de quatre à six heures).
Le débat-discussion.
Ex. : la Marche du
siècle. L'échange sur un thème
problématisé se déroule sur un fond de courtoisie. Le
débat est augmenté d'interviews préprogrammées
de témoins, intervenant en fonction de la ligne argumentative.
ARISTOTE, Topiques, texte établi et traduit par Jacques
Brunschwig, Paris, les Belles Lettres, Collection Budé, 1967.
BARTHES, Roland, l'Ancienne rhétorique. Aide-mémoire, in
l'Aventure sémiologique, Le Seuil, 1985, p. 85-166 (et surtout p. 112-
114 sur la disputatio médiévale).
CANFORA, Luciano, Histoire de la littérature grecque, Paris, Éditions
Desjonquères, 1994.
CHARAUDEAU, Patrick et alii, la Télévision. Les
débats culturels "Apostrophes", Paris, Didier Erudition, 1991.
DECLERCQ, Gilles, l'Art d'argumenter. Structures rhétoriques et
littéraires, Éditions universitaires, 1993.
GARCIA, C., Argumenter à l'oral. De la discussion au débat, in
Pratiques 28, p. 95-124.
KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine, les Interactions verbales, Armand Colin,
1992, premier volume (surtout p. 111 sq. : la typologie des interactions
verbales).
KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine et Christian Plantin (sous la direction de), le
Trilogue, Presses universitaires de Lyon, 1995.
PERELMAN, Chaïm et Lucie Olbrechts-Tyteca, Traité de
l'argumentation. La nouvelle rhétorique, Éditions de l'université de Bruxelles, 1988.
PERELMAN, Chaïm, Rhétoriques, Éditions de l'université de Bruxelles, 1990.
WALTON, Douglas, Types de dialogue et glissements dialectiques en
argumentation, in Figures et conflits rhétoriques,
édité par Michel Meyer et Alain Lempereur, Éditions de
l'université de Bruxelles, 1990.
Numéro spécial de revue : Langue française 65, février 1985, "l'Oral du débat".
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