Informations. | |
Extraits. |
Lettre à Léonie Biard. Lettre à Trebutien. |
Procédés typiques. | Ingrédients. |
Début. Au moins troisième millénaire avant J.-C.
(date des plus vieux vestiges épistolaires).
Fin. Encore vivant.
Lieu. Les sociétés avec écriture.
Cicéron (106-43), Correspondance (de 63 à 43) : lettres
à Atticus, à ses parents et amis, à son frère Quintus
et à Brutus.
Pline (61-114), Correspondance échangée avec l'empereur Trajan.
Libianos (314-391), Lettres (1605 lettres).
Grégoire de Nazianze (330-390), Lettres.
Symmaque (340-416), Lettres (403-408).
Aristénète, Lettres (Ve siècle, 55 lettres galantes).
Sidoine Apollinaire (430-489), Lettres (470-480).
Abélard (1079-1142) et Héloïse, Lettres.
Pétrarque (1304-1374), Lettres.
l'Aretin (Pietro Aretino, 1492-1556), Correspondance.
Guez de Balzac (1597-1654), Lettres (1624 : premier recueil).
Mme de Sévigné, Correspondance et Lettres
(1500 lettres écrites entre 1671 et 1696).
Voltaire, Correspondance (1800 lettres adressées à 700
correspondants entre 1713 et 1778).
Diderot (1713-1784), Correspondance, Lettres à Sophie
Volland.
Stendhal, Correspondance (première édition : 1855),
Lettres à Pauline (1800-1825).
Balzac, Lettres (première édition : 1856-1858),
Lettres à l'étrangère (édition : 1899),
Correspondance (comprend les lettres des correspondants de
Balzac).
Flaubert, Correspondance (1830-1851).
Marie Mattei, Lettres à Théophile Gautier (1852-
1870).
Proust, Correspondance : avec sa mère, avec Jacques
Rivières, lettres à Reynaldo Hahn.
Sartre, Lettres au Castor (1926-1963).
Anaïs Nin et Henry Miller, Correspondance (1932-1953).
Communication par échange de lettres. La lettre est un "écrit que l'on adresse à quelqu'un pour lui communiquer ce qu'on ne peut ou ne veut lui dire oralement" selon le Robert et un "écrit sur feuille de papier, adressé personnellement à quelqu'un et destiné à être mis sous enveloppe pour être envoyé par la poste" selon le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse. La lettre participe de deux statuts : elle est un substitut de l'oral et elle est de caractère privé.
La correspondance est un dialogue, il faut deux locuteurs pour la produire (il n'y a pas correspondance si une seule personne tient la plume). Mais c'est un dialogue différé, un échange communicationnel caractérisé par l'absence de l'interlocuteur. C'est de ce trait propre que dérive la forme que prennent l'énonciation et les manifestations de la subjectivité dans le genre épistolaire. Ce qui est propre à la lettre est que sa fonction communicative est inscrite dans le texte.
La lettre exhibe la situation de sa propre énonciation, notamment par le moyen d'une référence explicite à la personne, au temps et au lieu. Et elle est une forme de discours où la subjectivité est fortement marquée. La figure du destinateur est toujours présente; il ne peut pas ne pas dire "je", toute lettre étant écrite par quelqu'un qui doit se manifester dans le texte. Le destinateur n'a aucune possibilité de se cacher dans une narration historique à la troisième personne. Sa présence est marquée par la signature, ancrage textuel du sujet qui est aussi la marque du genre épistolaire.
Une des particularités du genre consiste dans le fait que les localisations spatio-temporelles ont comme point de référence le lieu et le temps de l'encodeur seulement. Leur décodage est pour le récepteur, qui ne peut les interpréter correctement qu'en se mettant à la place de l'émetteur, plus laborieux que celui des autres unités signifiantes. Le temps et le lieu de la narration peuvent être l'objet de la narration même ("Pendant que je t'écris...", "Le bureau sur lequel je t'écris...").
Le destinataire est textuellement présent. La lettre étant un dialogue virtuel, les deux rôles énonciatifs y sont présents à la fois. Le destinataire est en général inscrit dans les formules d'ouverture ("Cher X") et dans les formes pronominales ("Je t'écris pour te dire..."). Il est caractérisé, il s'agit d'un individu précis et non pas d'un lecteur virtuel. Il est doté de compétences ("Tu sais sûrement que..."). L'énonciataire de la lettre renvoie à un destinataire extratextuel qui en constitue le référent. L'enveloppe vise à sauvegarder l'unicité du destinataire.
La lettre peut comporter des références au temps et au lieu du destinataire ("Tu liras cette lettre..." ou "Tu es en train de lire ces lignes et tu penses..."). L'assomption de la distance produit la coprésence d'un temps double et d'un double lieu de référence, temps et lieu du destinateur et temps et lieu du destinataire.
La distance temporelle et spatiale des interlocuteurs est un élément auquel le discours épistolaire se réfère explicitement. L'on s'écrit parce qu'on est éloigné et parfois on écrit le fait d'être éloignés, comme dans les lettres de voyage et les lettres d'amour. La distance spatiale est alors le contenu principal des messages. La distance réelle entre les interlocuteurs devient absence thématisée.
2) Origine de l'art épistolaire.
- L'antiquité gréco-latine a laissé des
rhétoriques de la lettre. Ex. : les traités attribués à
Démétrios de Phalère et l'Ars rhetorica de
Caïus Julius Victor (IVe siècle, art rhétorique
dérivé de Cicéron)), qui aborde la question
épistolaire ("de epistolis"). Victor y fait la distinction entre lettres
d'affaires et lettres personnelles ou familières, pour lesquelles il
recommande la clarté et la simplicité. Il fait quelques remarques sur
les salutations et le congé : l'épistolier doit tenir compte des
relations d'amitié et de rang.
- Les manuels de technique épistolaire. Apparaissent à la fin du
XIe siècle et proposent dès le
XIIe siècle des ensembles cohérents et complets.
Aubry (Albericus) du mont Cassin (1030-1105), les Rayons des arts
épistolaires (Dictaminum radii) et les Bréviaire
épistolaires (Breviarum de dictamine, voir Chartier et
alii, p. 138-139.); Adalbert de Samarie, Préceptes des arts
épistolaires (Praecepta dictaminum, 1120); Hugues de
Bologne, Raisons de l'art de la correspondance en prose (1120); Bernard
de Meung, l'Encyclopédie épistolaire (Summa
dictaminis, 1190) : quelques conseils généraux
précèdent un lot de lettres modèles (cinq cent une) faites
pour des situations précises; Laurent d'Aquilée, Pratique ou
usage de l'art épistolaire (1300), etc. (voir Chartier et alii p.
143-152 et Versini p. 29 sq.).
5.3. Origine de la publication de la correspondance.
- En Chine, depuis les Tang, les oeuvres complètes des écrivains
comprennent généralement quelques chapitres rassemblant la
correspondance adressée, en prose (Cao Pei, Sima Qian) ou en vers (Yuan
Zhen, Bai Juyi), à des amis.
- A la Renaisance, sont publiées les lettres de Cicéron, de
Sénèque, de Pline et d'érudits italiens contemporains.
- Le XIXe siècle : époque où on lit et
publie les correspondances du XVIIe et du
XVIIIe. En France, la maison Garnier-Frères se
spécialise dans la publication des correspondances du
XVIIIe siècle (Grimm, Voltaire, Diderot).
4) Origine de la lettre intime.
- La lettre d'amour au Moyen Age. Les lettres d'amour en vers se rencontrent dans
la littérature lyrique occitane du Salut d'amors, salutations du
troubadour à la dame (XIIe-XIIIe
siècles), auxquelles les trouvères du nord ajoutent quelquefois, au
XIIIe siècle, des réponses. Au
XIVe siècle, Guillaume de Machaut combine dans
Livre du voir-dit, où sont contées les amours de Messire
Guillaume de Machaut et de Peronnelle dame d'Armentières avec les lettres
et les réponses, les ballades, lais et rondeaux dudit Guillaume et de ladite
Peronnelle (1363) la vérité d'une correspondance réelle
avec les conventions du lyrisme amoureux en vers. Froissart insère dans sa
Prison amoureuse (1372-1373) douze lettres en prose,
échangées avec un ami dont il cherche à faire
l'éducation sentimentale. Charles d'Orléans (1394-1465),
Poème de la prison : lettres en vers adressées à
sa dame ou à des allégories.
- Au XVIIIe siècle, la lettre est diffusée par un
public aritocratique. Moyen d'unification idéologique, elle se confond avec
les premières gazettes : journal et lettre n'étaient encore que deux
supports possibles du même mode d'écriture de l'information. La
communication privilégiée d'un expéditeur à un
destinataire pouvait se transformer en communication ouverte à plusieurs
destinataires et provenant même de plusieurs expéditeurs
(cf. la Correspondance littéraire de Grimm et de
Meister, où se rassemblaient des collaborations diverses à l'adresse
du cercle des princes de l'Europe).
- Après 1789, et encore moins après 1848, les conditions sociales
et idéologiques de la transmission des "nouvelles" ne sont plus
réalisées. La lettre tombe dans le domaine de l'intime. La lettre par
excellence devient la lettre d'amour. Les titres des volumes regroupant les
correspondances l'indiquent : Mérimée, les Lettres à
une inconnue (1874), les Lettres à une autre inconnue
(1875), Balzac, les Lettres à l'étrangère,
Rémy de Gourmont, les Lettres de l'amazone. Marque du secret,
de l'intime : le refus de livrer l'identité (au moins dans le titre) de
l'interlocutrice.
Postérité.
- Les lettres dans la fiction. Le roman a très tôt accueilli des lettres
réelles, le plus souvent des lettres d'amants que séparent des
parents hostiles, comme dans les romans grecs (Jamblique,les Babyloniques ou
les Amours de Rhodanès et de Sinonis, IIe
siècle; Héliodore, les Ethiopiques ou Théagène
et Chariclée, IIIe siècle, etc.) dont s'inspirent
les romans byzantins (Eustathe, Hysmine et Hysminias,
XIIe siècle). Les lettres en vers d'Ovide, les
Tristes et les Héroïdes ont influenc l-1464),
etc.
- Le roman épistolaire, composé de lettres fictives.
- Survivance du genre. Mais l'art épistolaire souffre de la concurrence
avec le téléphone ainsi que du surmenage des individus.
CHARTIER et alii, la Correspondance. Les usages de la lettre au
XIXe siècle, Fayard, 1991 (voir surtout le chapitre II
de la deuxième partie : la Norme épistolaire, une invention
médiévale, p. 127-152 pour l'histoire des manuels
épistolaires).
DIAZ, José-Louis et alii, la Lettre d'amour, revue de
l'U.F.R. Sciences des textes et documents de l'Université Paris VII, 1992.
KAUFMANN, Vincent, l'Equivoque épistolaire, Minuit, 1990 (sur
les correspondances d'écrivains).
PAGÈS, Alain, Stratégies textuelles : la lettre à la fin du
XIXe siècle, Littérature, 31, octobre
1978, p. 107-116.
GREIMAS et alii, la Lettre. Approches sémiotiques,
Actes du VIe Colloque interdisciplinaire (1984), Éditions
universitaires de Fribourg, 1988.
SACCOMAN, Cécile, le Guide de la correspondance, Paris,
Dessain et Tolra, 1987.
VERSINI, Laurent, le Roman épistolaire, PUF, 1979.
Numéro spécial de revue: Revue des sciences
humaines, 195, 1984-3, Lettres d'écrivains.
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