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MAGNITOGORSK, PRISONNIÈRE DE L'ACIER

Au pied de la chaîne montagneuse de l'Oural, à la frontière entre l'Europe et l'Asie, s'étendait jadis une steppe. Et, sur cette steppe, une colline recelait un fabuleux gisement de fer: la Magnitka. D'où le nom de la ville: Magnitogorsk. Dès 1929, Staline y déporta des milliers de détenus pour construire le plus grand site sidérurgique du monde. Trente mille prisonniers auraient péri sur le chantier; mais, dès 1934, les hauts-fourneaux fument. (...)

La ville jouxtant l'usine était terminée en 1940. Après la guerre, Staline confie son extension à deux architectes de Leningrad (Saint-Pétersbourg). C'est le seul quartier coquet: quelques rues de style stalinien, mais colorées à l'italienne - en vert et ocre. Sitôt quitté la partie "historique" (achevée en 1950), tout reprend l'aspect gris et déprimant propre aux villes de province: de mornes immeubles rectangulaires, le long d'avenues aux trottoirs défoncés.

Magnitogorsk se confond avec son usine. Dans une cité où le combinat réglait encore récemment tous les aspects de la ville, difficile d'imaginer un autre destin. Ici, l'effondrement de l'URSS n'a produit d'effet qu'avec retard. Les responsables de cette ville de 450 000 habitants, à 1400 kilomètres de Moscou, fermée aux étrangers à l'époque soviétique, s'interrogent toutefois sur l'avenir. Consciente de la mutation en cours, la municipalité s'est attaché les services de plusieurs sociologues. Attention, souligne ainsi Mme Olga Moukminova, "les gens ne pensent pas que la ville doive avoir un autre destin... Ils estiment, au contraire, que l'on doit investir encore plus dans le combinat. Toute leur vie en dépend, ils ne peuvent pas imaginer autre chose. Même les jeunes." (...)

En fait, chacun s'est positionné en fonction des changements: ceux qui ont saisi leur chance, ceux qui sont restés sur la touche et, entre les deux, la majorité qui tente de vivre tant bien que mal.

Chaque génération voit les choses à sa manière. (...)

"Ou tu avances ou tu es sur la touche. Moi, j'avance." Galina préfère ne pas donner son nom de famille, sans doute pour des raisons fiscales. Fille de médecins, cette quadragénaire est psychiatre pour enfants. Depuis quatre ans, elle fait partie des tchelnoki: les "navettes" qui vont acheter à l'étranger quantité de produits qu'elles revendent ensuite sur les iarmarka. Grouillants de monde, ces marchés aux étals précaires, installés sur des terrains non aménagés et boueux une bonne partie de l'année, constituent un des aspects les plus visibles du succès de l'initiative privée. (...)

Il y a quatre ans, la psychiatrie rapportait à Galina quelque 60 dollars par mois. Elle décide alors de tenter sa chance, casse sa tirelire pour partir en Grèce y acheter quelques fourrures, qu'elle revend sans problème. Elle investit l'argent gagné dans un deuxième voyage. L'affaire est lancée. Actuellement, elle se rend en Grèce ou en Turquie une fois par mois pour acheter à bon marché ces fourrures qui remplissent son kiosque sur le principal iarmarka de Magnitogorsk. (...) Galina, qui continue de vivre avec son mari et sa fille dans un deux-pièces, est loin d'être riche. Mais elle vit beaucoup mieux, et c'est l'essentiel. D'où sa satisfaction: "Onpeut enfin prendre en main son destin. Mais je ne sais pas de quoi demain sera fait. (...)"

(...)

Quelque chose de l'esprit communautaire

(...)

La ville frappe en effet par sa cohésion sociale, pratiquement disparue à Moscou - qui a connu, en 1996, 67 règlements de comptes mortels, essentiellement pour raisons économiques, contre à Magnitogorsk... depuis la fin de l'URSS. Sans doute absurde d'un strict point de vue économique, le combinat, d'une certaine manière, préserve une population que les changements trop brutaux auraient réduite au désarroi. La cité, pourtant, ne vit pas dans ses souvenirs. Dans l'incertitude, probablement. Et dans l'ennui, à coup sûr.

Magnitogorsk ne renie pas le passé, mais ne s'accroche pas à son mythe. La nostalgie de l'Union soviétique s'estompe peu à peu devant l'espoir de meilleures conditions de vie. En attendant, les hauts-fourneaux qui continuent de cracher leurs noires fumées rassurent les habitants...

Référence. Marie-Claude Slick, article paru dans Le Monde diplomatique, août 1997, p.10.

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  <*>  allusion historique,   <*>  amplification,   <*>  anecdote,   <*>  atmosphère,   <*>  cause 2,   <*>  citation,   <*>  clarté (de la ---),   <*>  conclusion,   <*>  contexte référentiel,   <*>  description,   <*>  dissimilitude Comparer deux situations.,   <*>  évocation,   <*>  exemple,   <*>  exhaustivité,   <*>  explication,   <*>  expression figurée,   <*>  grand public,   <*>  information,   <*>  inter-titre,   <*>  journaliste,   <*>  langue écrite,   <*>  métaphore,   <*>  mise en situation,   <*>  mot étranger,   <*>  point de vue,   <*>  présent fictif,   <*>  récit objectif Surtout dans le reportage.,   <*>  référent,   <*>  reportage,   <*>  sobriété,   <*>  statistiques Dans le reportage.,   <*>  sujet d'actualité Pour le reportage.,   <*>  témoignage,   <*>  transparence Surtout dans le reportage.,   <*>  vision panoramique

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