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ACTIVITÉS DE L'ÉQUIPE DU C.A.F.É.
Administrateur de la liste de discussion d'études françaises Balzac-l sur le réseau Internet,
Christian Allègre a voulu tirer au clair la nature des activités de l'équipe de Développement du C.A.F.É.
Il a rencontré le 14 février 1995 le professeur Bernard Dupriez et le principal attaché de recherche du projet,
M. Sylvain Rheault.
- C.A.
- Au fond, ce que j'aimerais, c'est qu'on commence au départ. Le projet initial quoi, même s'il date de vingt ans.
- S.R.
- Pour ce qui est des sondages en général, il s'agit d'abord d'écrire des questions, pour ensuite les tester,
auprès d'un public qui, le plus souvent, sera ciblé de façon à nous permettre de comparer des variations,
par exemple dans un groupe de Québécois, dans un groupe de Français, et, depuis quelques années,
dans des groupes de la communauté francophone d'Afrique.
Ensuite, les réponses recueillies sont analysées au moyen de programmes informatiques et mises sous formes de graphiques,
ce qui permet de mettre à jour des tendances ou des particularités pour chacune des régions.
- C.A.
- Le cadre général de ce questionnement sur la langue française, c'est quoi?
Qu'est-ce que vous espérez obtenir de ce genre d'enquête? Je ne veux pas dire dans le détail,
mais à un niveau plus élevé. Cela fait partie de quel ensemble? une pragmatique générale de la langue?
- S.R.
- On peut dégager d'un côté des particularités régionales et puis, d'un autre,
voir la langue en évolution. On peut apercevoir sur certains graphiques de nouvelles tendances, concernant l'orthographe,
par exemple, qui sont en émergence.
- C.A.
- Votre projet a de toute évidence un but explicatif et absolument pas normatif.
La grammaire comme on l'enseignait aux gens de mon âge était normative.
Maintenant on s'intéresse à des problèmes plus descriptifs.
Et toutes les interventions de Bernard Dupriez sur la liste de discussion électronique Balzac-L, par exemple, sont descriptives.
Il dit toujours: voici la pratique.
C'est un peu étonnant quand on a toujours appris la grammaire comme un ensemble de règles fixes ou plus ou moins fixes.
Alors les étudiants sont un peu décontenancés.
- B.D.
- Je crois qu'il y a une question préalable de perspective sur la langue qu'il serait bon d'évoquer ici.
Tout le monde a la réaction instinctive de la règle parce que la langue est apprise à
l'école primaire et donc dans un cadre où on est sous l'autorité du maître ou de la maîtresse.
On était encore petit, il fallait dire exactement comme on vous disait, même sans comprendre.
Chacun s'efforce de sortir d'un tel cadre, qui reste assez enraciné.
Une des choses qui a caractérisé le C.A.F.É., c'est qu'il est né en s'adressant à des adultes.
Il fallait aller vers l'andragogie, avoir un contenu et une approche où le professeur n'est là que comme "personne ressource".
À ce moment-là, quand on parle de règles,
il faut savoir que ce ne sont pas des enseignements "ex cathedra" mais ce qu'on aura pu observer comme structure de communication
en acte et actuelle.
Donc, ce qu'on essaie de traquer, ce ne sont pas des choses bien connues,
qu'on enseignerait à tout le monde pour que tout le monde parle comme ça, mais plutôt ce que chaque étudiant,
qui est marginal par rapport aux autres sur certains points,
peut apprendre afin de pouvoir s'exprimer de façon à être compris des autres.
On veut que tout le monde puisse parler de la façon qui convient actuellement à la majorité.
On a donc une image de la langue écrite soignée qui n'est pas tellement livresque ou passéiste.
On ne s'appuie pas seulement sur les dictionnaires. Il n'y a de cohérence que dans le système synchronique.
On est très conscient du fait que les dictionnaires comme les grammaires, en s'engendrant les uns les autres,
ont fini par accumuler des lambeaux de systèmes qui ne sont pas cohérents.
Ce sont des couches historiques successives sédimentées par l'écriture. Pour la cohérence,
il faut rejoindre l'individu, dans un milieu, pour une époque donnée.
- S.R.
- D'ailleurs, au moment de la réforme de l'orthographe, il y a quelques années,
M. Dupriez avait proposé de faire des sondages et de mettre à jour les tendances naturelles de la population en général.
Une réforme faite à la base aurait été beaucoup plus près des gens qu'une réforme venant d'en haut.
- C.A.
- Bien sûr.
D'ailleurs, ce qu'il vient d'exposer sur la langue comme système de communication nous met dans une perspective tout à fait différente.
Et, bien entendu, j'imagine que la langue varie suivant les milieux d'utilisation, les époques,
les aires géographiques mais aussi les milieux techniques. Alors qu'est-ce que vous faites avec tout ça?
- S.R.
- Il s'agit, pour commencer, de recruter aléatoirement dans un milieu.
Ensuite on fait passer des sondages, pas des tests.
Les répondants sont avertis de donner leur opinion, non pas ce qu'ils pensent qu'on veut leur faire dire.
A partir de ces sondages,
on peut mettre des groupes ensemble ou distinguer les groupes afin de faire apparaître des différences ou des points communs.
Les difficultés varient
- S.R.
- Alors, en Afrique par exemple, quand on sait que, pour la plupart des pays africains, le français constitue une langue seconde,
on peut voir émerger des tendances qui dépendent des langues locales.
Les gens du groupe linguistique sango, par exemple, faisaient les mêmes types d'erreur.
- B.D.
- Oui, pour l'Afrique, on a vraiment rencontré un problème.
On pensait pouvoir faire une adaptation de nos manuels pour l'Afrique, mais pour toute l'Afrique.
Il s'agissait de faire un cahier "panafricain".
Donc nous pensions que le problème de l'Afrique à l'égard du français était à peu près le même,
que les gens aient appris à parler en wolof, en bambara ou en malgache.
De toute façon, on pouvait, avec les budgets disponibles,
espérer faire quelque chose mais pas commencer à fabriquer des manuels distincts selon chacune des langues de base,
même en se limitant aux langues officielles des pays (parce que le langues vraiment locales, c'est quasi illimité).
Il fallait s'arrêter à un certain niveau de complexité.
On a dû se contenter du niveau panafricain pour les premiers manuels.
Pour passer à l'étape ultérieure, il faut des linguistes qui connaissent bien les langues africaines.
- C.A.
- Où est la difficulté?
- B.D.
- Il faudrait que les organismes décideurs et aussi les linguistes puissent se rendre compte du problème dans toute son ampleur.
Tout le monde croit qu'il suffit d'inculquer les formes correctes.
Il a fallu se demander pourquoi, parfois,
la moitié seulement des questions étaient validées dans un pays; il a fallu le temps de se rendre compte
que ce n'était pas les mêmes qui étaient invalidées selon les pays.
En somme, toutes les questions finissaient par être validées dans un pays ou dans un autre mais, quand on prenait deux pays ensemble,
ce n'était que la moitié des mêmes questions qui étaient validées, ou enfin des proportions de ce genre-là.
Donc des différences énormes.
En sorte qu'on peut dire maintenant avec une certitude tout à fait scientifique qu'il faut un manuel de français distinct
dans chaque pays d'Afrique parce que la structure linguistique implicite (ce que les gens ont dans l'esprit) diffère.
Que l'explication réside dans les interférences avec les langues maternelles ou ailleurs, le fait est que ça diffère.
Et comme on veut axer l'enseignement sur ce que l'apprenant connaît déjà
- c'est la seule façon de lui
permettre de comprendre ce qu'il dit
- on est obligé de passer par des manuels appropriés pays par pays.
Alors, c'est un choix qui reviendra à l'A.C.C.T.
- C.A.
- L'A.C.C.T.?
- B.D.
- C'est l'Agence de coopération culturelle et technique, organe de la francophonie.
Elle a versé des millions de francs français dans le projet.
Il y a jusqu'à douze universités qui ont fait déjà passer une quarantaine de nos questionnaires.
Le projet est énorme, il y a eu beaucoup de réunions internationales.
Donc ils ont beaucoup investi là-dedans et cela n'a pas été perdu puisque deux séries de manuels ont été produits.
Toutefois, on sait maintenant que la formule panafricaine est valable seulement au quart ou au tiers pour chaque pays séparément,
alors qu'on pourrait, avec le système qu'on a, étant donné que c'est entièrement informatisé,
en quelques journées seulement de travail, faire des manuels parfaitement adaptés à chaque région.
Le problème, c'est qu'il faut les éditer, c'est une autre édition à chaque fois et les coûts s'élèvent.
C'est la même chose avec le Québec et la France.
On va tenter de voir à quel point ce serait différent entre les différentes régions de la France. Le Nord,
la Bretagne, l'Alsace- Lorraine, le Centre, le Midi, Paris.
Est-ce que là-aussi c'est seulement à 50%, ou est-ce que ça monte à 90%? C'est tout différent.
Si ça monte à 90%, c'est parfait, on peut avoir partout les mêmes manuels.
Mais s'il y a des divergences importantes, il deviendra utile d'adapter, même en France, l'enseignement de la langue selon les régions,
ou du moins selon les langues maternelles, européennes ou autres, des apprenants.
- C.A.
- Vous avez des raisons de penser que cela sera nécessaire?
- B.D.
- Tant qu'on n'a pas vérifié...
- C.A.
- Depuis la normalisation à la Jules Ferry, de la fin du siècle dernier, cela a dû être assez...
- B.D.
- Oui. Quoique, avec le Québec, il y a quand même beaucoup de différences.
Ça frise aussi les 50% entre le Québec et la France.
Pourtant, on ne peut pas dire que le substrat linguistique soit complètement différent, sûrement pas.
- C.A.
- Est-ce que le substrat linguistique, justement, est assez large quand même?
- B.D.
- En France, vous voulez dire?
- C.A.
- Dans les pays de la francophonie, quand on regarde tout ça dans un ensemble.
- B.D.
- Chaque fois qu'on ajoute un pays, le nombre de question validées communes diminue. A la fin, il n'en reste même pas 10%.
- C.A.
- C'est étonnant!
- B.D.
- Le français commun de la francophonie, quand on précise autant le sens que les formes, à la limite...
- C.A.
- Il se volatilise? On s'entend quand on dit "cheval", non?
- B.D.
- Nous parlons des difficultés rencontrées.
Ce sont les difficultés d'apprentissage qui sont différentes partout.
Il y a un fond de langue commun, avec un vocabulaire de base, le mot cheval, un certain nombre de sons, de concepts assez universels...
Les besoins individuels
- C.A.
- Maintenant, je comprends le projet.
Dans la pratique, comment s'organise votre travail?
Comment procédez-vous?
Qu'est-ce qui vous fait prendre une décision?
Quelle genre de situation?
- S.R.
- Par exemple, parmi les projets actuels, il y a un didacticiel.
Il est décrit dans notre bulletin Lettre du C.A.F.É., no 3, p.4.
Il s'agit d'un logiciel d'apprentissage individualisé et autoguidé sur différentes questions touchant l'orthographe,
la grammaire, etc.
Cette fois-ci, il s'agit d'un didacticiel qui s'ajuste automatiquement aux besoins et aux progrès de l'étudiant.
Si l'étudiant répond bien à une première question, il recevra ensuite une question plus difficile.
S'il donne une mauvaise réponse, on lui donnera une question plus facile.
Plus tard, il pourra revenir sur les questions qu'il aura manquées.
Plus il fait de progrès, et plus on lui donne de questions difficiles.
Alors un étudiant très bon pourrait passer à travers un des chapitres du didacticiel assez rapidement.
Mais pour mettre au point un tel didacticiel, il faut calibrer les questions, leur donner un niveau de difficulté.
Il faut faire un sondage avec toutes les questions que l'on possède afin de savoir lesquelles pourraient être utilisées.
Cela exige des groupes d'au moins 100 personnes par questionnaire.
Alors pour le projet actuel, qui comporte 55 questionnaires, il faut essayer de trouver 5500 participants de bonne volonté!
- C.A.
- Il est donc très important, ce calibrage.
Il doit être assez exact pour que les progrès de quelqu'un qui utiliserait le didacticiel se fassent régulièrement,
sans perte de temps mais sans perte de lacunes individuelles. Quelle est la clientèle cible de ce genre de didacticiel?
- S.R.
- Pour l'instant,
il s'agit de tous ceux qui se servent de la langue soignée et qui veulent compléter ou ajuster leur formation en français.
Les groupes utilisés pour le calibrage des questions, c'est, d'abord, les étudiants de la Faculté des Arts et des Sciences,
puis des cégépiens qui ont à compléter leur formation en français; enfin, si possible,
des professeurs de français, parce qu'il faut aussi avoir de très bons répondants.
- C.A.
- Pour que la moyenne soit équilibrée?
- B.D.
- Avoir un échantillonnage représentatif est difficile mais important,
sinon les gens qui entrent dans le didacticiel ne seront pas placés à l'endroit qui leur convient.
Il faut avoir une bonne échelle, donc il faut qu'il y ait des questions et des répondants à tous les niveaux.
La rédaction des questions
- C.A.
- C'est beaucoup de travail. Comment est-ce que vous procédez pour l'écriture des questions.
- S.R.
- En ce qui me concerne, je ne rédige pas de questions.
Je m'occupe de recruter des groupes dans les cégeps et les universités pour faire passer des questionnaires.
Les questionnaires comportent des questions qui sont en circulation depuis plusieurs années et il y en a de nouvelles qui s'ajoutent tous les ans.
Alors il s'agit de les faire passer et de les mesurer.
Actuellement, nous remplaçons des statistiques qui ont été établies il y a une dizaine d'années.
- B.D.
- L'idéal, pour une question, c'est des strates de compétence bien régulières.
Alors, on tente de réunir des réponses spontanées de la part d'étudiants moyens, faibles et même très faibles.
Naturellement, pressentir les courbes effectives est une gageure. Alors, on rédige aussi le plus de questions possibles et on les trie par la suite selon les résultats obtenus.
- C.A.
- Bon, alors, c'est vous, j'imagine, qui présidez à la formulation des questions?
- B.D.
- On relève des erreurs dans les travaux des étudiants. C'est le meilleur truc.
- C.A.
- Vous partez des erreurs communes.
- B.D.
- Des erreurs effectives diverses. Les choix doivent être des fautes possibles.
Ceci nous a amenés d'ailleurs à préciser un certain nombre de règles qui parfois ne sont pas du tout dans les grammaires.
Ou bien on se trouve obligé de recourir à des analyses linguistiques pour expliquer certaines erreurs.
Ainsi, on a été amené à reprendre le libellé des règles et même leur contenu.
Si vous voulez un exemple: les conjonctions de coordinations sont "or mais ou et donc ni car" mais nous avons constaté
que "donc" n'était pas une conjonction de coordination (puisqu'on pouvait le déplacer).
En revanche, il y avait "puis"
- très utilisé au Québec d'ailleurs ("pis"
comme variante de "et" en langue parlée)
- "puis" est toujours au début du groupe qu'il introduit et fait
donc partie de la liste des coordonnants.
On doit alors modifier la liste.
"Or mais ou et puis ni car".
Ainsi, il a fallu, pendant vingt ans, rajuster partout pièce par pièce pour arriver à expliquer de façon
cohérente les erreurs effectives.
Il y a eu une mise à jour du texte même de la grammaire.
Il y a aussi la structuration en forme d'arbre logique dans la banque de questions informatisée.
C'est un travail infini, car il doit toujours être poussé plus loin,
toujours sur de nouvelles fautes, en provenance d'Afrique ou des États-Unis, qui nous obligent à remanier.
- C.A.
- De nouvelles fautes ou des fautes pas encore notées?
- B.D.
- Des fautes pas encore notées.
Par exemple, les 16-20 ans, avec trait d'union.
Le trait d'union permet de former des noms composés mais ici, c'est un numéral.
Dès lors, on va revoir la règle, qui dit quelque chose du genre de ceci: "Lorsque l'on a plusieurs noms ensemble,
s'ils changent de sens, on met un trait d'union."
On se dit qu'elle doit être refondue de façon que ce ne soit plus seulement des noms mais aussi des adjectifs numéraux.
Il suffit de tomber sur des cas limites pour se rendre compte que la règle devrait être libellée un peu autrement,
se faire plus large ou plus restreinte.
Les logiciels
- C.A.
- Quels problèmes rencontrez-vous surtout dans votre travail?
Quelles sont les difficultés, les obstacles particuliers?
- S.R.
- Cela dépend, s'il s'agit d'élaborer un nouveau projet, comme des questions qui portent sur Marivaux.
Alors à ce moment-là il s'agit de rédiger des questions.
Ce n'est pas toujours évident.
Rédiger une question valable, cela peut prendre parfois une heure sans compter les discussions en équipe.
Ensuite, il s'agit de trouver des répondants aux questionnaires, ce qui n'est pas facile non plus.
Le reste va tout seul, si on peut dire. Une fois qu'on a les feuilles de réponse des étudiants, on les saisit et on peut les analyser.
- C.A.
- Tout est automatisé maintenant?
- B.D.
- Au début l'informatique était... ce qu'elle était; mais,
avec le temps, et tout ce qui a été investi comme temps et argent là-dedans, on commence à avoir de bons programmes.
Il faut les garder à jour mais on arrive à faire des choses inimaginables autrefois.
Un exemple.
Jusqu'à avant-hier, quand je prenais un questionnaire pour discuter les divergences de point de vue avec la classe,
il fallait que je parcoure les courbes obtenues pour chacune des questions, que je choisisse en fonction des indices de non-validation,
que je fasse une impression.
J'arrivais en classe avec une dizaine de questions que j'avais mis au moins 2 ou 3 heures à préparer.
Or, avec le nouveau programme qui nous a été livré tout récemment et qui s'appelle "préparation de cours",
on entre les réponses des étudiants et un quart d'heure après, il sort tout imprimée une leçon complète,
parfaitement logique, qui ne porte que sur les points qui étaient dans le questionnaire,
et que sur les questions qui ont été validées pour ce groupe- là, plus les 10 questions les plus compliquées,
les moins validées, mais les plus discriminantes, donc les plus efficaces pour une discussion significative avec le groupe.
"Qu'est-ce que vous en pensez? Pourquoi n'êtes-vous pas d'accord?"
- C.A.
- Mais c'est génial, ça.
- B.D.
- Le plus amusant, c'est que je sais même quel étudiant a pris les options discutables.
Avant, je posais la question controversée et ils prenaient tous l'air le plus absent possible.
"Ne croyez pas que c'est moi qui ai dit ça puisque ce n'est pas la bonne réponse prévue".
Maintenant, je sais à qui adresser mes doutes.
En face de chaque question litigieuse, on a le rang des étudiants qui ont pris chacun des choix.
On voit immédiatement qui a pris tel ou tel choix, et si son crédit est considérable ou non.
Je peux dire: "Untel (vous qui êtes si au fait de la vraie langue du groupe),
pouvez-vous tenter de m'expliquer pourquoi vous avez pris telle réponse?"
- C.A.
- Ils doivent être surpris.
- B.D.
- Quelquefois c'est ceux des rangs 2, 4 et 7 qui ont pris la réponse privilégiée par l'ensemble,
tandis que pour la bonne réponse prévue, c'est les rangs 6 et 8. On voit exactement le découpage des opinions sur chaque question.
- C.A.
- Alors c'est très sophistiqué...
- B.D.
- Une radiographie des contenus de leurs esprits.
- C.A.
- Mais qu'est-ce que vous lui donnez à "manger" à ce programme, c'est incroyable.
- B.D.
- Seulement les réponses des étudiants.
- C.A.
- Sur des feuilles de papiers avec des cercles qu'il suffit de noircir.
- B.D.
- Bah, on peut les rentrer de toutes sortes de façon.
On peut les taper au clavier s'il n'y en a pas beaucoup.
Ou bien on a des feuilles optiques qu'on peut porter à l'immeuble principal pour les faire lire par une machine quand c'est des grands groupes.
Ou même on les donne à l'extérieur pour les faire dactylographier quand ça arrive d'Afrique parce que
là on ne peut pas donner de feuilles optiques et ça fait d'énormes groupes alors on ne passe pas son temps
non plus à les rentrer nous- mêmes.
Il y a des compagnies à Montréal qui font ça très bien.
La production
- C.A.
- Vous traitez combien de feuilles de réponses par année?
- S.R.
- En ce qui concerne les statistiques du didacticiel, on en a peut-être eu 2000 ou 3000 l'année passée.
- C.A.
- Qui se répartissent en proportion des aires géographiques,
ou est-ce qu'il y a des zones plus représentées que d'autres.
- S.R.
- Surtout la région de Montréal, parce que c'est la région que je peux le plus facilement parcourir.
- B.D.
- Il arrive aussi régulièrement des paquets d'Afrique.
Dès qu'on a un peu de temps devant soi, on fait saisir, on retourne les résultats.
Il y a une collègue en France qui fait passer des questionnaires à tour de bras à ses étudiants.
Elle m'envoie de grosses piles.
Toutes les personnes intéressées peuvent faire passer nos questionnaires.
Nous, on ne demande pas mieux que de rendre service, parce que ça alimente en même temps la banque de questions et la banque de statistiques.
On a une trentaine de correspondants actuellement.
- C.A.
- Dans la francophonie en général?
- B.D.
- Oui.
Le financement
- C.A.
- Et vous êtes aidés par les institutions?
- B.D.
- Outre le soutien constant de l'Université, nous avons toujours bénéficié de beaucoup d'aide,
même financière.
L'A.C.C.T., d'abord, comme on l'a dit plus haut.
J'ai eu de l'aide aussi de la part de l'Éducation nationale, en France,
où nous avons pu faire des expérimentations dans 3 lycées d'une façon entièrement informatisée.
C'était sur disquette.
On leur envoyait des disquettes,
ils copiaient les disquettes et il y a des professeurs qui ont même passé des soirées entières à
surveiller les étudiants dans les laboratoires parce qu'ils n'avaient pas le droit de les laisser livrés à eux-mêmes.
Alors je ne me suis pas rendu compte que j'obligeais ainsi de malheureux collègues à des prestations
supplémentaires absolument injustes et écrasantes.
Mais le ministère a poussé l'expérience à fond.
Un stoïcisme exemplaire.
- C.A.
- Ah! mais alors, c'est une belle coopération.
- B.D.
- Oui. Il y a eu souvent de très belles coopérations, mais toujours très ponctuelles.
Et c'est, je crois, la différence qu'il va y avoir quand l'autoroute de l'informatique sera plus achevée et que nos
programmes pourront circuler dessus.
Ils doivent encore y être adaptés.
Ca fera une grosse différence parce que toutes ces interactions ponctuelles vont finir par faire une masse énorme.
- C.A.
- Et ce sera facilement analysable selon le point de vue géographique,
comme le mentionnait Sylvain, à cause du système des noms de domaine.
Oui, ça va se développer. Il y a de très bonnes chances.
Le développement
- C.A.
- Alors, ça vous a amené, ce cours, à produire aussi d'autres choses.
Je me souviens d'avoir été estomaqué, c'est le mot qui convient,
il y a longtemps déjà, quand vous m'aviez donné un exemplaire de votre cours de grammaire par questions-réponses.
Est-ce qu'il fait partie du C.A.F.É.?
- B.D.
- Oui. Ce sont des questions plus abstraites mais qu'on a traitées de la même façon.
- C.A.
- C'est ça. Avec toutes ces questions, vous avez obtenu des réponses.
- B.D.
- Elles ont des niveaux de difficulté.
- C.A.
- Mais toutes les fautes imaginables sont traitées là-dedans.
- B.D.
- On peut les présenter en ordre croissant de difficulté.
C'est devenu un didacticiel.
Au premier semestre de cette année, mon groupe d'étudiants a travaillé de cette manière-là.
Ils ont fait les questions faciles, dans chaque domaine, et puis ceux qui étaient plus forts pouvaient aller plus loin.
Chacun est allé aux limites de ses propres capacités.
- S.R.
- Ah, il faut l'avoir essayé, ce didacticiel!
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